Opportunités et défis du social media intelligence (SOCMINT)

Parce que l'information et les données sont les armes de la guerre économique, de nombreuses disciplines ont vu le jour ces dernières années, toujours plus spécialisées dans la recherche du renseignement. L'intelligence économique au sens large s'est ensuite déclinée pour s'adapter à la collecte de données dans différents domaines. Le SOCMINT, par exemple, est une discipline spécialisée dans la collecte et l'analyse des données des réseaux sociaux.
Qu'est-ce que le Social Media Intelligence (SOCMINT) ?
Le Social Media Intelligence est un sous-domaine de l'Open Source Intelligence (OSINT), qui vise à collecter et analyser pour s'en servir tout type de données accessibles au public. Le monde des réseaux sociaux ne cessant de se développer et s'étendre, il est normal qu'une branche spécialisée finisse par voir le jour. Le SOCMINT se spécialise donc dans la recherche de renseignements publiés ou stockés dans les bases de données des réseaux sociaux. Tout comme l'OSINT, il n'a pas qu'une vocation économique et sert aussi dans la lutte contre la criminalité, la surveillance des tendances politiques et de l'émergence de crises ou dans le domaine de la cybersécurité. En ce qui concerne l'intelligence économique, la surveillance des réseaux sociaux permet de repérer des tendances, particulièrement utiles pour la Bourse, mais aussi d'analyser la réputation en ligne des marques et entreprises et de faire la chasse aux fake news.
Le rôle des réseaux sociaux dans l'intelligence économique
Source majeure d'informations et de données en tout genre, les réseaux sociaux constituent une manne de données que de plus en plus d'entreprises et d'organisations cherchent à exploiter. Ils sont utilisés premièrement pour la veille concurrentielle et les analyses de marché, en gardant un œil sur les publications des concurrents (comme le début d'une campagne RH, des licenciements, mais aussi une réorientation marketing ou le teasing de nouveaux produits et services), mais aussi en analysant les profils et interactions des consommateurs. De cette manière, on peut voir émerger de nouvelles tendances, de nouveaux acteurs sur le marché, repérer des innovations décisives...
La gestion de la réputation des entreprises passe aussi par l'analyse des données des réseaux sociaux. En suivant régulièrement les posts et fils d'actualité, il est plus facile de combattre la désinformation, de contrôler un buzz avant qu'il ne devienne viral, et surtout de jauger l'opinion du public au sujet de l'entreprise ou d'un produit.
En ce qui concerne la sécurité économique, le SOCMINT a son importance dans la lutte contre l'espionnage industriel et économique en permettant de détecter les fuites d'informations sensibles ou protégées, d'identifier les malveillances de type phishing, voire de rester attentif au comportement de certains employés qui pourraient partager des informations confidentielles ou dénigrer l'entreprise publiquement.
Types d'informations collectables dans une analyse des données sociales
Les données publiées par les réseaux sociaux peuvent concerner l'intelligence économique de plusieurs manières selon le type de données. Textes et photos publiées, commentaires, ou encore métadonnées et regroupement de tendances, tout dépend de ce que l'on cherche et des méthodes de collecte et de recoupement des informations.
Les données publiques visibles de tout type
Dans cette catégorie seront regroupées toutes les informations publiées en l'état par les utilisateurs des réseaux sociaux. Cela peut être les publications de textes comme les posts, les tweets, mais aussi toutes sortes d'articles et de vidéos. Les forums et discussions publiques sont une source inépuisable de données, et l'on peut y ajouter les hashtags et les mentions qui permettent de voir les sujets les plus discutés. De même, les profils publics des utilisateurs peuvent aussi être analysés pour de futures campagnes marketing ou de recrutement.
Les métadonnées
Par métadonnées, on entend les données chiffrées parfois non visibles par les utilisateurs, mais qui sont collectables et analysables. Par exemple le nombre de likes ou de partages, de retweets, tout comme le nombre de réactions et d'émojis. Les évaluations (les fameuses 5 étoiles Google), de plus en plus utilisées, entrent aussi dans cette catégorie de données. En analysant les données des émoticônes et les données d'évaluations, il est possible avec certains outils de faire de l'analyse sentimentale pour déceler une opinion générale sur un sujet.
Méthodes de Social Media Intelligence (SOCMINT)
Parmi les méthodes utilisées en intelligence économique au moyen de l'étude des réseaux sociaux, les plus populaires et pertinentes (et les plus complexes à analyser) sont la surveillance des hashtags et mots-clés, ainsi que l'utilisation d'API.
Surveillance des hashtags et mots-clés
La surveillance des hashtags et mots-clés nécessite des outils spécialisés, que l'on peut trouver gratuitement pour les plus simples, mais dont il faut acheter une licence pour les plus complets. Google Alerts permet par exemple de recevoir par email les principaux mots-clés utilisés sur une période et un sujet donné. Une simple recherche avancée sur Twitter Advanced Search donnera en temps réel les données sur les hashtags les plus populaires. D'autres outils permettent de classer les tendances hashtags selon une zone géographique. Les outils de recherche les plus performants sont eux capables de suivre les données de plusieurs réseaux sociaux en même temps, d'analyser en direct les données collectées, voire de planifier les recherches à l'avance et de cibler certaines informations précises comme la réputation d'une marque. Ces outils font souvent appel à une base d'intelligence artificielle pour mener à bien la recherche.
L'analyse des données sociales est aussi tout à fait possible de manière empirique et sans outils. Elle nécessite cependant beaucoup plus de temps et de personnel pour effectuer les recherches directement sur le réseau et classer les informations à la main. Mais cela est tout à fait envisageable pour des entreprises de taille modeste ou pour des enjeux moindres.
Utilisation des API des plateformes sociales
L'utilisation des clés API est plus complexe. Il faut pour les obtenir avoir un compte développeur pour la plateforme ou le réseau social concerné, afin de faire une demande de clé. Une fois obtenue, il suffit de l'ajouter dans les requêtes pour les authentifier. De cette manière, il est possible de récupérer une somme considérable de données comme les hashtags, les mentions, les posts, et surtout automatiser le processus pour le rendre plus efficace et rapide. D'une certaine façon, il s'agit d'une collecte de données en back-end.
Quels sont les défis du Social Media Intelligence (SOCMINT) ?
La collecte de données est une activité soumise à certaines limites légales comme éthiques. La barrière est assez fine parfois pour risquer de tomber dans l'illégalité et risquer ainsi des sanctions qui peuvent coûter cher à l'entreprise. Il est donc important de connaître ces enjeux, et de se former, au besoin à travers une formation en intelligence économique à distance, avant de se lancer dans le SOCMINT.
Les données relatives à la vie privée
Il faut faire la distinction entre données publiées, données publiques et données à caractère privé. En effet, certaines données, bien que publiques, car affichées sur le mur d'un réseau social, concernent la vie privée des utilisateurs et leur collecte et stockage sont soumis à une réglementation stricte. De même, grâce aux API, il est possible d'accéder à des données publiées par des entreprises, mais qui ne sont pas publiques et ne sont partagées qu'au sein d'un cercle privé. C'est là toute la problématique des réseaux sociaux et de leur utilisation, qui est souvent au centre de débats dans les médias comme en politique.
La désinformation et les fake news
L'authenticité des informations est primordiale dans l'intelligence économique. En collectant des données en grand nombre, il est très facile de se laisser piéger (et donc de fausser les analyses) à cause du nombre grandissant de fausses informations disponibles sur les réseaux sociaux. Cette tendance s'accélère même depuis ces dernières années, au point de nécessiter une réglementation et une modération plus active de la part des plateformes. Avec l'accès au grand public de logiciels de création de fake vidéos ou photos, de nombreuses entreprises se tournent vers des services spécialisés dans la lutte contre la désinformation et l'analyse d'authenticité.
La législation sur la collecte des données à caractère personnel
L'Union européenne a mis en place il y a quelques années le règlement général sur la protection des données, qui oblige les entreprises qui collectent des données d'utilisateurs à respecter de nombreuses contraintes. Au même titre, selon la nature des données, ce seront les avis et préconisations de la CNIL qui devront être suivis, au risque de lourdes sanctions.
En conclusion, la surveillance des réseaux sociaux qui fait l'objet du SOCMINT s'apparente à une veille sociale, capable d'agréger une quantité colossale de données, pour peu que l'on utilise les bons outils. Ces données, bien utilisées et analysées par un expert ou une batterie d'outils d'analyse informatique (voire une intelligence artificielle spécialisée) donnent aux entreprises un avantage économique majeur en anticipant les tendances tout en se protégeant de la concurrence. En revanche, il s'agit d'un domaine sensible, car même s'il est fortement réglementé, il ne dispose pas encore d'outils de modération efficaces. Il est donc possible de franchir la barrière de la légalité sans y prendre garde, tout particulièrement en ce qui concerne les données à caractère privé, ou lorsque la collecte se fait de manière automatique sur de grandes quantités de données.