Récapitulatif des contre-mesures vis à vis des « fake news »

Qui ou quoi pour arrêter les « fakes news » ?  Utilisé aujourd’hui sur un large spectre, d’un côté par de nombreux mouvement afin d’influencer l’opinion publique et jusqu’à son utilisation en masse par la Chine afin d’interagir dans ses intérêts un peu partout dans le monde.

Contexte

Tout le monde connait l’ampleur qu’avait pris les fakes news utilisés par les Américains en attestant l’utilisation d’arme chimique en Irak, dans le but de renverser l’opinion publique et de légitimer leur attaque en Irak. Le rapport de l’IRSEM du 20 septembre 2021 dévoile des faits dont on n’avait jusqu’à présent que le pressentiment. Il est le fruit de deux ans de travail, d’entretiens dans une vingtaine de pays, de l’analyse de sources en chinois, combinées aux travaux scientifiques et à la recherche en sources ouvertes (OSINT).

La Chine s’est inspirée des méthodes russes et semble utiliser comme stratégie « il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » et entend « vaincre sans combattre, en façonnant un environnement favorable » à ses intérêts. C’est tout un réseau qui s’affaire à cette grande opération d’influence, du parti communiste chinois (avec le département de la Propagande, le Bureau 610), la Base 311 (qui regroupe un département militaire de cyberattaque) mais aussi des géant du numérique chinois.

Cette vaste galaxie au service de l’influence chinoise est en mesure de mener de multiples actions autour de deux objectifs : « séduire et subjuguer les publics étrangers, en faisant une narration positive de la Chine » et surtout » infiltrer et contraindre » via une diplomatie agressive et coercitive. On pense ainsi aux ambassadeurs de Chine dans les pays occidentaux, qualifiés de « loups guerriers ».

Les Etats-Unis d'Amérique sont en première ligne de cette attaque, mais on peut aussi compter d’autres pays qui sont la cible comme Taïwan, Singapour, la Suède, le Canada ou la France via la Nouvelle-Calédonie où la Chine encourage les indépendantistes. Ces opérations d’influence ont atteint leur paroxysme avec la crise du Covid-19. Pour faire croire que le virus était originaire des États-Unis et non de Chine, Pékin a monté une vaste opération baptisée « Infektion 2.0 » et consistant à inonder internet de contre-récits et de « fake news ».

Aux Etats Unis

La liberté d’expression, aux États-Unis, est protégée par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Le concept est vraiment sacro-saint aux Etats-Unis, on ne peut pas y toucher. On ne peut jamais aller à l’encontre du 'Free Speech' (pouvoir exprimer librement son point de vue). Après les émeutes du 6 janvier dernier aux Etats-Unis, on reproche au président républicain d’avoir "délibérément fait des déclarations" qui auraient encouragé l’invasion du bâtiment du Congrès par ses partisans. Les discours de Donald Trump ont été très loin, à certains moments. Mais la Cour Suprême est frileuse pour prohiber tous ces discours, qui sont "protégés", dès le moment où il n’y a pas de preuves qu’ils ont incité à une émeute ou à des violences.

Il est donc difficile de combattre les Fakes News émanant des citoyens américains. Pour ces derniers il semble clair que la meilleurs défense reste l’attaque (ou plus précisément la contre-attaque) avec les même outils que la Chine, que ce soit via l’armée ou des entreprise privé.

Contre-Attaque en Europe

Les pays en Europe ont, quant à eux, mis en place des leviers en cas d’utilisation de techniques de désinformation et de Fake News. Depuis le 1er Janvier 2018, lassé par l’inaction des opérateurs des grands réseaux sociaux, le gouvernement allemand a décidé début 2017 de sévir. L’autorégulation promise par Facebook ou Twitter n’a pas porté ses fruits : les contenus haineux et les fausses informations continuent de proliférer. La République fédérale se trouve alors à quelques mois d’élections législatives. Ses responsables ont observé comment les réseaux sociaux ont pesé sur le référendum sur le Brexit et, plus encore, sur l’élection de Donald Trump. Heiko Maas, alors ministre de la Justice aujourd’hui en charge des Affaires étrangères, décide de présenter un projet de loi pour forcer les réseaux sociaux à supprimer les contenus pénalement répréhensibles. Le texte impose d’effacer sous 24 heures les publications « manifestement illégales ».

En 2019, l’Espagne a mobilisé une centaine de policiers pour surveiller particulièrement Facebook, son application de messagerie instantanée WhatsApp, Twitter et d'autres réseaux sociaux dans le cadre d'un plan qui sera lancé le 1er avril pour protéger le déroulement du scrutin des législatives.

Du côté de la Grèce la solution semble être la mise en place de mesures forte allant pour certain jusqu’à un sentiment de mise en danger vis-à-vis de la liberté de la presse. On note l’espionnage massif des journalistes et de la population par les services secrets grecs (EYP). Dans cette stratégie qui peut être discutable, le gouvernement cherche sans doute à avoir à l’avance les informations qui seront publiées afin de préparer sa réponse, notamment sur la question de l’immigration. D’ailleurs, au lendemain de la nomination de Kyriákos Mitsotákis à la tête du gouvernement, les services secrets ont été rattachés directement au bureau du Premier ministre.

Et en France ?

En vigueur depuis 2019, la Loi Nyssen relative à la lutte contre la manipulation de l’information adoptée le 22 décembre 2018, législation contre les fausses informations sera bien opérationnelle pour le scrutin présidentiel. Elle devrait connaitre une monté en puissance durant les élections présidentielles de 2022. Le texte vise précisément des « allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir, […] diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne ».

Autre disposition : sur cette même période de trois mois avant le scrutin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourra suspendre une chaîne détenue par un Etat étranger, ou sous son influence, en cas de diffusion de fausses informations ou d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Enfin, et au-delà des périodes électorales, les plateformes sont contraintes de mettre en place des mesures – contrôlées par le CSA – contre les fake news.

En septembre 2021 Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), Stéphane Bouillon, a annoncé, la création d'une agence nationale de lutte contre les manipulations de l'information en provenance de l'étranger. Le service verra le jour en septembre et mobilisera 60 personnes.

La récente publication du rapport Le rapport de la commission Bronner intitulé « les lumières à l'ère numérique » disponible sur le site Vie publique complète en quelque sorte cette dynamique pour aider à contrer les « fake news ».

Au-delà du phénomène des « fake news », il existe ce qu’on appelle la guerre de l’information par le contenu qui recouvre un champ bien plus large que celui des tentatives de manipulation lors des élections ou des propos complotistes divers et variés sur les réseaux sociaux. L’affrontement par le biais de la connaissance (pertinente ou tronquée) et de l’information (vraie ou fausse) est au cœur de tous les enjeux géopolitiques du moment. Or dans cette guerre de l’information multiforme, l’éthique n’existe pas. La grande erreur que commet la commission Bronner est de ne traiter qu’une petite parcelle du sujet, en s’abritant derrière un discours moral. Or la moralisation de la guerre est un vain mot.  

 

Benoit Barrat

Auditeur en MSIE - Executive MBA en Management Stratégique et Intelligence Economique