L'influence des femmes dans le soft power des Etats et des entreprises
Le premier manuel d’intelligence économique Manuel d'intelligence économique 2012 définit l’influence comme « une capacité à changer l’état d’une chose par des biais psychologique ou cognitifs, et cela sans exercice de l’autorité ou de la puissance sur la chose ou son état ». Au chapitre sur l’influence, la stratégie d’influence est associée à la théorisation du « soft power » développé en 1990 par l’analyste américain de l’Harvard Kennedy school, Josef Nye. Opposé au « hard power » caractérisé par les seules puissances militaires, politiques et économiques aux aspects coercitifs, le « soft power » se distingue par la diplomatie, la culture, le lifestyle ou art de vivre, la diffusion de l’éduction et de la langue, une créativité, l’influence numérique, le mode de gouvernance. Il existe un Global soft power index 2021 édité par l’institut de recherche londonien Brand Finance Brandirectory/globalsoftpower qui établit un classement des pays en fonction de leur pouvoir d’influence (sans la force militaire).
Concept en vogue dans le langage informationnel contemporain, le « soft power » n’est cependant pas nouveau .Il faut remonter à l’antiquité grecque pour en découvrir les prémices , comme pour en identifier ses acteurs, plus particulièrement ses actrices dont les pouvoirs de séduction , de créativité et d’influence ont déterminé des changements de paradigmes considérables à commencer par ce pouvoir presque surnaturel , celui de la survie de l’espèce humaine , donc de la reproduction des hommes. Cette influence ancestrale de la femme sur la recherche de puissance des états et des échiquiers qui les composent mérite le décryptage de son évolution.
L’influence des femmes commence dans les grands cycles légendaires
L’unité narrative des cycles de légende tourne généralement autour des héros, dieux et monstres fantastiques. Ces légendes n’auraient pu traverser l’histoire sans la présence des femmes, à travers le rayonnement des déesses qui maitrisaient la fécondation et la fertilité de la terre. Le couple divin y met en conflit la force masculine et la séduction féminine, des pouvoirs magiques qui permettaient aux déesses d’exercer leur influence. Jason ne se serait jamais emparé de la toison d’or sans la magie de Médée mythologie/medee-jason , le héros Athénien Thésée ne pouvait sortir du labyrinthe sans l’ingéniosité d’Ariane mythologie/ariane-thesee , la fidélité de Pénélope pour Ulysse permet la transmission du royaume d’Ithaque mythologie/ulysse-penelope. Et comment interpréter la légendaire guerre de Troie sans le personnage clef de son histoire : la belle Hélène, cause de tous les maux des Grecs, des Troyens et des Spartes ?
Rendue célèbre par Homère, la guerre de Troie mêle le mythe à l’histoire, agite le jeu de la séduction et les enjeux du pouvoir, met en évidence la ruse et les stratagèmes. Le conflit débute lors d’un concours de la plus belle déesse dont la lauréate, Aphrodite, obtiendra la récompense par la ruse - une pomme d’or - aux dépens de ses concurrentes Héra et Athéna (d’où l’expression « pomme de discorde »). La fuite de Pâris, fils du roi de Troie Priam avec Hélène, épouse du roi de Sparte – Ménélas-, provoque la célèbre guerre avec son épisode mémorable de l’entrée du cheval dans la forteresse inviolable d’Anatolie. Après la guerre, Hélène retrouvera sa place de reine de Sparte. L’Odyssée décrit sa personnalité influente sur les populations de Rhodes et de Sparte, notamment sur Ménélas.
Des parallèles entre les épopées homériques et l’histoire contemporaine sont possibles. L’influence des femmes sur le cours des événements et sur l’évolution des rapports de force en est une illustration parfaite.
Trois rôles peuvent donc être distingués :
- Les femmes qui contrôlent le pouvoir d’en haut avec la maitrise de leur environnement et des différents niveaux hiérarchiques qui les entourent.
- Les femmes qui sont utilisées comme alibi, obéissant à une autorité supérieure ou à une mission hard power dont les messages doivent être adoucis par l’image ou par les mots.
- Les influenceuses directes qui créent, inventent pour façonner les comportements et le life style, pour valoriser des différences et changer l’opinion publique.
Les femmes contrôlent le pouvoir d’en haut : femmes au pouvoir sur l’échiquier gouvernemental
A la lecture des dictateurs et des despotes de l’histoire, il est très difficile de trouver des femmes. Ontologiquement, le dictateur est un homme, il n’y a pas de dictatrice.
Quel est alors le particularisme du pouvoir féminin dans le soft power ?
Femmes du Moyen-âge et de la Renaissance : des esprits influents
A une époque où le pouvoir était exclusivement masculin, Aliénor d’Aquitaine (1122-1204) Aliénor d'Aquitaine va régner 67 ans sur une puissance territoriale qui comprend l’Aquitaine, l’Anjou, le Maine et l’Angleterre. Protectrice des Arts et des lettres, elle développe l’influence de sa culture occitane sur l’environnement du royaume. Elle soutient les mesures innovantes du concile Latran IV de 1125 accordant aux femmes le droit de disposer d’elles-mêmes, révolution sociétale pour l’époque, que poursuivra sa petite-fille Blanche de Castille (1188 -1252) Blanche de Castille . Etrangère en terre de France, l’adolescente espagnole va imposer son pouvoir par l’exemplarité, par le courage face à l’autorité de son beau-père Philippe Auguste (1165-1223), par sa détermination et son habilité face aux barons ennemis de la monarchie, par ses convictions pour élever ses 11 enfants, par son charisme au service des intérêts du royaume.
La Renaissance, née en Italie, gagne au XVème siècle l’ensemble de l’Europe occidentale.
Il existera à cette époque une contradiction entre le nombre important de femmes au pouvoir sur l’échiquier politique et l’exclusion des femmes de la vie publique. Les plus illustres de ses dirigeantes sont :
- Anne de Beaujeu (Anne de France 1462-1522) dont l’exemplarité et l’intelligence politique firent d’elle une des femmes les plus puissantes d’Europe à la fin du XVème siècle.
- Louise de Savoie (1476-1531), mère de François 1er, reconnue comme la régente la plus influente de la Renaissance. le rôle politique de Louise de Savoie
- Catherine de Médicis (1492-1589), princesse florentine, qui gouverne le royaume de France au nom de ses trois fils rois pendant 30 ans (1559-1589). Catherine de Medicis va user de la ruse, avec machiavélisme, c’est-à-dire sous l’influence des idées de son compatriote florentin Nicolas Machiavel (1469-1527). Elle sera la première à mettre en pratique l’art du réalisme politique décrit dans le Prince le-prince-machiavel , mélangeant force et ruse dans le conflit entre catholiques et protestants.
Le despotisme éclairé et la diffusion des Lumières par les femmes
Le siècle des Lumières (1715-1789) reste une période de référence pour la compréhension du soft power : il met en avant la révolution dans les esprits par l’apprentissage et la diffusion des connaissances dont l’Encyclopédie www.larousse.fr/encyclopedies représente l’actif matériel le plus tangible. Il fait aussi apparaitre des nouveaux systèmes politiques dont les concepts, en apparence contradictoire, l’absolutisme (combattu par l’esprit des Lumières) et l’esprit des Lumières lui-même se rencontrent pour créer le despotisme éclairé.
L’impératrice Catherine II de Russie (1729- 1796) est l’exemple illustre de ce régime. Ses origines allemandes, son éducation internationale (elle parlait 5 langues, était férue d’histoire et de philosophie), son autorité naturelle et son ambition pour le pouvoir orientent son style de gouvernance vers les valeurs d’ordre public, de progrès matériel et d’éducation :
- Elle ancre la Russie à l’Europe occidentale des Lumières (la France, l’Allemagne et La Grande Bretagne). Elle finance en partie l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
- Elle s’inspire de l’esprit des Lois de Montesquieu pour publier un manifeste des réformes à venir pour son pays. « L’Etat, ce n’est plus moi » affirme Catherine II pour moderniser et centraliser l’appareil de l’Etat russe, qui doit passer au service de la collectivité et respecter le contrat social. Le génie politique de la Grande Catherine réside dans sa capacité à maitriser les étapes de la stratégie d’influence dans le cycle du pouvoir.
Partie d’une volonté de conforter les élites russes de l’époque de transformer le pouvoir autocrate, orthodoxe et rigide de St Pétersbourg, elle assure finalement son autorité par des actions de contre-influence face à l’accroissement des pressions révolutionnaires violentes venues de France.
Le soft power britannique acquis par la longévité
Le long règne de 63 ans de la reine Victoria d’Angleterre (1819-1901) va marquer la société britannique et incarner le soft power très britannique, symbolisé par la diplomatie dans les relations internationales, la consécration de la révolution industrielle et l’exemplarité de la gouvernance. L’Angleterre du XIXème va attirer l’attention du reste du monde et influencer l’organisation commerciale, financière, économique de ses partenaires, comme de ses rivaux par des moyens souvent non contraignants. Il est intéressant de noter que, dans un contexte de guerre économique différente, la reine Elisabeth II perpétue cette tradition anglaise du soft power par l’exemplarité de sa gouvernance, pourtant fragilisée par le Brexit.
Le soft power allemand acquis par l’exemplarité de la gouvernance
En septembre prochain, Angela Merkel achèvera son 4èmemandat.L’exemplarité de sa gouvernance lui permet la longévité du pouvoir, assis sur une identité forte, Angela Merkel est la « Mutti », surnom amical pour Mutter (la mère). Tout un symbole pour une femme qui n’a pas eu d’enfant et par qui les Allemands se sentent protégés. C’est sur ce sentiment de protection que joue Angela Merkel : protection en évitant tous les écueils de conflits hard power qui pourraient affaiblir la 3èmepuissance mondiale. Par sa connaissance de l’Allemagne (Angela Merkel a grandi dans le Brandebourg en Allemagne de l’est, elle est fille d’un pasteur et d’une institutrice, elle obtient un doctorat en physique à l’université de Leipzig), par sa compréhension des enjeux, des acteurs et des mécanismes des coalitions allemandes, Angela Merkel va affirmer son pouvoir en appliquant un soft power politique au service de l’économie. Ce soft power se manifeste essentiellement par le jeu des alliances ou l’art de bâtir des grandes coalitions « Große Koalition » pour unir toutes les forces du pays en direction d’une économie performante.
Ainsi, le rôle de la femme comme chef état se met plus facilement en évidence dans des pays qui maitrisent le soft power comme la Grande Bretagne, l’Allemagne (surtout depuis la réunification) contrairement aux pays où les clivages sociétaux et guerres informationnelles à l’intérieur du pays sont récurrents et parfois violents, comme en France ou en Espagne.
Les femmes comme alibi pour le soft power des Etats et des entreprises
L’ancien Régime (de François 1er à la Révolution française) est marqué par l’institution de la maîtresse royale dont le rôle fût déterminant pour l’affirmation de la puissance du Royaume de France. L’historienne Flavie Leroux retrace dans son livre Les maitresses du roi les parcours très singuliers de ces « influenceuses » dont les actions d’influence dépassaient largement les cercles intimes autour de la cour pour atteindre des communautés qu’elles protégeaient ou dont elles modifiaient les comportements. Avec le temps, ce rôle a évolué avec les enjeux et les structures gouvernementales et concurrentielles.
La femme représente les causes à défendre et permet de justifier une politique hard power ou de protéger l’image d’une autorité dont elle sert les intérêts.
Les femmes montent alors au front des enjeux de guerre informationnelle sur les échiquiers politiques et concurrentiels. L’expression « monter au front » signifient quitter les positions calmes de l’arrière et se diriger avec ses armes sur le lieu de combat. Louise Depuydt, philologue belge, retrace dans son livre Les Grandes Guerrières de l’histoire le courage de ces combattantes qui prennent les armes face à l’adversaire, des hommes en général. La guerre économique et sociale a progressivement remplacé le conflit militaire avec des paramètres bien différents où la violence des mots a succédé aux armes destructives, où les conflits d’intérêts, les idées, les convictions, une vision d’un monde ont supplanté la conquête territoriale.
La transposition du conflit armé en conflit économique change la nature de ses acteurs poussant les femmes sur la ligne de front.
- Est-ce un hasard si en 1974, le président Valery Giscard d’Estaing envoie une femme, Simone Veil monter à la tribune de l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse ? De même quand le président François Hollande délègue le 29 janvier 2013 Christine Taubira pour présenter la loi sur « le mariage pour tous » devant cette même Assemblée ? L’honnêteté intellectuelle porte à croire que ces deux lois très controversées n’auraient jamais été votées si elles avaient été portées par deux hommes ayant les mêmes convictions.
- Est-ce fortuit si le président chinois Xi Jinping nomme en 2017 une femme - Carrie Lam - (une chinoise de Hong-Kong) pour accélérer la mise au pas conflictuelle de Hong Kong depuis sa rétrocession à la Chine le 30 juin 1997 ?
- Pourquoi Georges Bush nomme-t-il Condoleezza Rice comme conseillère pour la Sécurité Nationale en 2001, puis comme Secrétaire d’Etat des Etats-Unis en 2005, les deux postes les plus influents auprès de la présidence américaine ?
- Quel est le véritable rôle d’Aung San Suu Kyi pour sauver la Birmanie dans un contexte de guerre informationnelle permanent entre le SLORC (State Law and order Restauration – la junte militaire), l’influence anglo-saxonne et les puissants voisins Indiens et chinois de la Birmanie ?
Le point commun de ces 5 femmes aux compétences exceptionnelles est leur personnalité forte qui devient un symbole pour gagner la bataille des guerres informationnelles. Elles défendent certes des convictions personnelles, mais surtout elles arrivent à modifier le comportement de leurs adversaires au nom d’une autorité supérieure ou étrangère. Le concept d’influence illustré ici est la prédominance du profil emblématique de l’influenceuse (son histoire, ses origines, sa formation, ses talents oratoires) sur la nature du combat à engager
Rôle des femmes sur le soft power des entreprises
Dans les entreprises, l’analyse du rôle de l’influence des femmes commence par l’analyse de leur présence à leur tête et de leur représentation dans les Comex (comités exécutifs).
La proportion de femmes dirigeantes dans une entreprise de la SBF120 (Société des Bourses Françaises) est en France de 2%, de 6% au Royaume-Unis et de 8% aux USA. La part des femmes dans les Comex du CAC40 est de 18,0%.
La Skema Business school a publié une étude très détaillée en 2021 sur la situation des femmes du CAC 40 (voir lien de l’étude sur les sources). Quelques chiffres pour illustrer la situation :
- Aucune femme PDG.
- Aucune femme présidente.
- 2 femmes directrices générales.
- 229 femmes présentes dans les Conseils d’administration (43,21%).
- 98 femmes présentes dans comités exécutifs (20,37%).
- Toujours selon l’étude, la féminisation des comités exécutifs (Comex) est associée à :
- Une meilleure rentabilité de l’entreprise
- Une meilleure responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE)
- Une diminution du risque financier que représente l’entreprise
- Une diminution des risques extra-financiers que représente l’entreprise
En France, la dernière loi pour encadrer la représentation des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance (et pas des comités exécutifs) date du 27 janvier 2011. Elle impose un seuil de 40% pour les entreprises cotées et pour les entreprises de + de 250 salariés avec un total de bilan ≥ 50millions d’€. Dès que les entreprises ne rentrent plus dans le cadre de la loi, les statistiques montrent des taux inférieurs : 16,33% de femmes dans les conseils d’administration.
A la lecture de ces statistiques, le rôle de l’influence des femmes sur l’échiquier concurrentiel est ciblé, ce qui rejoint les critères d’influence sur l’échiquier politique. Il répond à des missions bien spécifiques fixées par une autorité individuelle ou collective.
A noter que les femmes dans les conseils d’administration ne sont pas des relais d’influence pour la nomination de femmes dans les comités exécutifs, ce que la loi était sensée encourager. L’influence des femmes sur la performance des entreprises est très nette.
En 1990 le professeur canadien Stephen C.Right avait osé parler du Tokenism le-tokenisme , concept de la femme alibi qui sert à maintenir la prééminence masculine, sous couvert d’ouverture. Bien des exemples démontrent la pratique de cette stratégie d’influence dont la femme est une actrice très efficace.
Le rôle des influenceuses directes
La médiatisation des réseaux de femme d’affaire, l’affirmation sur l’échiquier sociétal d’un nouveau leadership au féminin maitrisant les outils d’influence, propres au soft power, expliquent un bouleversement des enjeux de l’entrepreneuriat.
Les femmes changent le monde industriel
Le site internet de la prestigieuse marque automobile allemande Mercedes Benz affiche la citation « Eine Frau bewegt die Welt », une femme change le monde. Il s’agit de Bertha Benz (1849-1944). La fameuse expression « plan B » utilisée pour toute solution de secours dans un plan à risques aurait été inspirée par son prénom et par son initiative pour promouvoir l’invention de son mari.
Le 29 janvier 1886, son mari Carl Benz brevète la première voiture à explosion (brevet Nr.37435). Le succès n’est pas au rendez-vous. Sa femme Bertha Benz qui a participé aux travaux de la conception du 1er prototype prend le volant du véhicule en aout 1888 et parcourt 106km entre Mannheim et Pforzheim dans la région du Bade-Wurtemberg, devenant la première personne à parcourir une telle distance en voiture. Une publicité dont profite la marque encore aujourd’hui.
La société DuPont communique sur son site « we make essential innovations the word need now ». En 1965 Stéphanie Kwolek invente en effet le Polymère à cristaux liquides sous le nom de la marque Kevlar® qui est utilisé dans la construction, l’automobile, le textile, les équipements de protection, de sport et de loisirs.
En 1908, l’Allemande Melitta Bentz (1873-1950) brevette le premier filtre à café. Cette invention qui transforme le goût du café, réussit à survivre aux deux guerres mondiales et symbolise le soft power moderne allemand avec sa marque Melitta. L’image véhicule un art de vivre mondialement reconnu par cet objet incontournable.
Il existe de nombreuses inventions de femmes dont l’auteur britannique Deborah Jaffé a retracé 500 d’entre elles de 1634 à 1914 dans son livre Ingenious Women.
Les femmes changent le monde scientifique
L’influence de Marie Curie (1867-1934), prix Nobel de physique en 1903, prix Nobel de chimie en 1911 va transformer le monde non seulement par ses inventions sur la radioactivité, mais aussi par son engagement pour le droit des femmes, le partage des connaissances, le progrès social et la paix. Elle place la coopération scientifique entre les nations au cœur du soft power scientifique qui inspirera la création de l’Unesco et sa devise :
« Construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes » unesco.org/historical-events-series/marie-curie-1867-1934
Le lead numérique des femmes
Selon une étude de la société Reech REECH , experte du marketing d’influence, sur le profil des influenceurs 2021 en France, les influenceurs désignés comme « créateurs de contenus » sont à 74% des femmes. Ces « créatrices de contenu » sont reconnues par leurs communautés comme des expertes pour choisir une marque jusqu’à devenir des modèles d’inspiration pour un style de vie. La contribution des technologies d’information et de communication (TIC) dans les enjeux du marketing d’influence a, comme le soft power, une histoire de femmes.
Elle commence avec la Britannique Ada King, comtesse de Lovelace (1815-1852), qui réalisera en 1842 la traduction de la machine analytique du professeur Charles Babbage, première étape de la programmation informatique. Le langage informatique Ada est encore usité dans de nombreuses technologies de pointe. En 1960, Frances Allen (1922- 2020), informaticienne américaine transforme le code informatique manuel en instruction lisible par un ordinateur (principe de compilation). Frances Allen a aussi travaillé sur un supercalculateur de la NSA (National Security Agency) pour analyser et traiter l’information récoltée, technique indispensable de l’intelligence économique américaine de l’époque. l’Association for Computing Machinery (ACM) soulignera l’importance de ses travaux en disant « Les compilateurs d’aujourd’hui reposent encore sur des techniques qu’elle a inventées ». frances-allen-pionniere-de-l-informatique.
Toujours dans la compilation, la création en 1959 du langage COBOL (Common Business oriented language) Le langage COBOL revient à Grace Hopper (1906-1992), mathématicienne et amirale de la marine américaine. Elle rend le langage de programmation accessible aux non- mathématiciens et contribue à la conception des premiers ordinateurs commerciaux. Grace Hopper fournit ses compétences au monde universitaire, aux entreprises privées et au secteur militaire, ce qui lui donne une excellente réputation sur tous les échiquiers de l’influence.
Dans le renseignement, Hedy Lamarr (1914-2000), actrice et inventrice autrichienne avait créé en 1941 « le système de communication secrètes », ancêtre de la Wifi, du GPS ou du Bluetooth d’aujourd’hui. Le génie créatif d’Hedy Lamarr est inné et elle sait qu’elle peut utiliser ce don aussi bien sur une scène de spectacle que pour créer des objets insolites. Elle met au point avec un compositeur musical américain – Georges Anteil – un nouveau système de communication qui utilise les « sauts de fréquence » des ondes radio (l’émetteur et le récepteur sautent ensemble vers de nouvelles fréquences), ce qui empêche l’interception de l’onde radio. Ce système sera breveté aux Etats-Unis d’Amérique en 1942 et utilisé à des fins militaires dans les sous-marins pour le guidage des torpilles.
Quels sont les liens entre ces pionnières de la technique informatique et les influenceuses du XXIème siècle ? Toutes, elles pensent la communication autrement en donnant du sens aux actions d’influence. Le dénominateur commun est donc la recherche du langage adapté aux actions d’influence. Un langage technique pour les premières et un langage commercial codé pour les deuxièmes, de la compilation aux « Hauls », « Tuto » et « crash tests ».
Le marché de l’influence marketing pesait 10 Milliards de dollar en 2019. Ce nouveau pouvoir de prescription accaparé par les femmes, est devenu la meilleure arme marketing des marques.
De New-York à Londres, en passant par Séoul, Milan ou Madrid, la liste des influenceuses est longue et parfois impressionnante par la puissance de leur réseau comme le montre par exemple le blog influence4You https://blogfr.influence4you.com/top-influenceuses-mode-2019/ . Les marques ont pris conscience de l’utilité des réseaux sociaux dans le processus d’analyse des comportements, de décryptage des dernières tendances, de conseils et de changement de comportement. Le rapport 2020 sur le Marketing Benchmark Influencer_Marketing_Benchmark_Report_2020.pdf montre les enjeux de ce que les anglo-saxons appellent le branding, de plus en plus technique dans son contenu et son mode de diffusion.
Les guerres concurrentielles sur les 3 échiquiers : les états, les entreprises et les individus ont changé de nature en entrainant corrélativement un changement de profil de leurs acteurs et de leurs comportements. La disparition progressive des conflits armés, particulièrement visible sur les espaces des puissances affirmées par l’économie, met en exergue le rôle des femmes, inspirées plus particulièrement par ces aspects encore dissimulés du soft power que sont le pouvoir de l’image, l’exemplarité de la gouvernance, des nouveaux codes de communication et la recherche de sens.
Paul Duteil
Auditeur de la 35ème promotion MSIE
Pour aller plus loin.
Manuel d’intelligence économique (1ÈREédition) sous la direction de Christian Harbulot, Paris, PUF, 2012.
Blog de Sophie Muse.
Flavie Leroux, Les maitresses du roi, Paris, Champ Vallon, 2020.
« Déesses ou dieux : un enjeu du pouvoir terrestre » par Geneviève Nihoul et Claude Cesari.