L’industrie minière face aux actions menées par des collectifs citoyens

La crise sanitaire actuelle rappelle de façon tragique le rapport qu’a l’humanité avec la nature. Le recul des zones sauvages face à l'hyper industrialisation est à l’origine de l’apparition du virus SRAS-COVID19. En pleine désorganisation administrative, les élections municipales françaises de 2020 ont rebattu les cartes de la politique locale en consacrant dans plusieurs communes le parti d’Europe Écologie les Vert. Cette volonté “verte” s'immisçant dans les politiques publiques, censées être plus juste avec l’environnement, trouve un écho à l’international.

En effet, on peut voir aujourd’hui des manifestations fédérant au-delà des frontières, tel que les mouvements sociaux de la -devenue célèbre- militante suédoise Greta Thunberg. Ses interventions publiques ont convaincu : des manifestations étudiantes à son discours grondeur à la COP 24, elle a su attirer l’attention du plus grand nombre, mettre sur le devant de la scène politique les thèmes environnementaux.

Sauvegarde de l'économie contre sauvegarde de l'environnement ?

Les acteurs économiques dont les secteurs d’activités ont un impact direct sur la nature, sont contraints de réorienter leur activité, ou tout au moins à en moderniser les processus en vue de s’aligner sur les nouveaux principes écologiques, aux risques d’attirer les lumières des médias se focalisant sur les militants enchaînés aux grilles de leurs portes, manifestant leur désapprobation des modes d’exploitation polluants et/ou irrespectueux de l’environnement.

La défense de l’environnement prend une place de plus en plus importante auprès des populations et dans la politique nationale. On le constate par la pression exercée par la fédération du public dénonçant les grandes catastrophes industrielles telles que Tchernobyl ou l’accident de l’usine agrochimique Union Carbide à Bhopal en 1984, 10 000 morts en trois jours, 3 générations de malades affectés par la pollution. Dès lors les défenseurs de l'environnement s’organisent : Des opérations spectaculaires menées sur des sites sensibles trouvent un public convaincu qui soutient les actions percutantes.

En 2007, le village de Loncopue en Patagonie argentine se mobilise en même temps que la communauté Mapuche en faisant reculer la multinationale canadienne Golden Peaks intéressée par l’or des collines alentour. Puis, en 2009 une société chinoise Exploitations Minières SA, a-t-elle trouvé une forte opposition chez la communauté Mapuche alors qu’elle souhaite exploiter une mine de cuivre à ciel ouvert également dans ces environs.

Là, le problème est qu’à l’instar de l’or avec le mercure, le traitement du minerais nécessite l’usage de l’acide sulfurique. La société doit alors construire une unité devant stocker de grande quantité de ce liquide corrosif. C’est alors que, devant ce risque polluant, les habitants s'associaient à la communauté Mapuche et s’organisaient dans un front de lutte informationnelle pendant plusieurs mois. A l’aide d’actions coups de poing telles que le blocage des accès à la mine : ceux des routes en filtrant le passage des véhicules afin d’informer la population sur les risques environnementaux, mais aussi par la visite d’une délégation de représentants locaux au président du tribunal afin de l'informer des irrégularités de l’acquisition de la mine.

Ces actions d’influence aboutissent au référendum du 03/06/2012 au cours duquel les habitants se prononcent pour l'ordonnance visant à interdire les projets miniers, n’en déplaise au président du gouvernement de la province Jorge SAPAG, dont la famille est issue de la tradition minière. Au moment des faits, son neveu était le président de l’Union des producteurs miniers de la province.

L'État français et ses contradictions

De 2019 à 2021 devait se concrétiser le projet “La montagne d’or “ en Guyane française. Rapidement les communautés locales faisaient part de leurs désaccords tant sur les aspects de la protection de la nature qu’économique. Issue de l’alliance entre l’entreprise canadienne Colombus Gold et la russe Nordgold, ces dernières promettaient la création de 750 emplois directs et 3000 indirects sur une période de 12 ans d’exploitation. Le représentant de l’association Jeunesse autochtone de Guyane, Christophe Yanuwana PIERRE, dénonçait un projet court-termiste où les emplois créés ne permettaient pas d’inscrire le département ultra-marin dans une dynamique de croissance économique durable, visant plusieurs générations.

Dès 2015, le Comité des Nations Unies pour l’Élimination de la Discrimination Racial (CERD) recommandait à la France de “consulter et de coopérer avec les peuples autochtones avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur l’utilisations de leurs terres ou territoires et autres ressources”.  Puis, le 23 février 2017, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) émettait un avis sur la place des peuples autochtones dans les territoires d’outre mer, visant à renforcer la participation des peuples autochtones dans les domaines publics, politiques et économiques.

Or le 10 janvier 2019, devant l’absence de volonté des représentants publics à consulter les chefs coutumiers, et après que l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane (ONAG) ait transmis une requête au CERD, ce même comité remettait un document reprenant ses inquiétudes sur le manque de volonté collaboratrice des pouvoirs publics, au Représentant permanent du gouvernement français auprès de l’Office des Nations Unies à Genève. De plus, le 14 janvier 2019, Alexi TIOUKA membre de l’ONAG, interviewé sur la chaîne RT France, argumentait que les autorités françaises n’avaient pas prêté attention aux doléances des peuples autochtones, alors même que le pays est signataire de la Déclaration des droits des peuples autochtones auprès de l’ONU. En effet, l’article 32 prévoit que Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux... avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources…”

D’autre part, apparaissait une autre critique conséquente consistant au déboisement d’une surface de 8 km2, soit 820 stades de football de forêt amazonienne pour ce projet. De plus, l’utilisation du cyanure devait être utilisée pour l'extraction de l'or, dont les rejets restaient contenus dans les eaux usées. Ces eaux devaient être stockées dans de grands bassins construits en extérieur donc soumis aux caprices du climat local.

La contestation sociétale

Le collectif Or de question précisait que le site prévu était situé à 125 km de Saint Laurent du Maroni, entre deux Réserves Biologiques Intégrales (RBI) où l’interaction humaine est réglementée pour favoriser le développement naturel des espèces et respecter leurs habitats. Les pouvoirs publics faisaient preuve d’une incohérence sous la forme de ces contradictions de non-respect des droits de l’Homme, de soutien à un projet industriel mettant en péril un écosystème exceptionnel dans des zones classées comme patrimoine à préserver de l’industrialisation.

Malgré l’appui du gouvernement, le consortium russo-canadien perdait la bataille informationnelle. En effet, le 29 mai 2019, répondant à Mme F. TUFFNELL, députée LREM de Charente-Maritime, M. le Ministre de la transition écologique François de RUGY annonçait l’abandon du projet de la montagne d’or : “Après un examen approfondi qui m’a amené à rencontrer au cours des derniers mois tous les acteurs, partisans comme opposants, nous avons considéré que ce projet comportait trop de risques pour l’environnement et qu’il était par conséquent incompatible avec nos exigences environnementales.”

À l’heure du grand débat national voulu par le Président de la République, ce projet industriel allait à rebours de la volonté affichée sur la transition écologique. Volontairement axée sur le développement économique d’un département français fortement touché par le chômage et la pauvreté, les arguments avancés n’ont pas convaincu. Il est difficile de comprendre comment l’État français pensait mener à bien ce projet, en ignorant les obligations légales y afférent. La réalité des systèmes de communication ont permis la sensibilisation de la population, contrevenant ainsi à une volonté politique sur un territoire.

On constate que la politique environnementale est devenue un sujet majeur, que l’usage de l’information comme un outil d’influence, permet de fédérer les populations au-delà des frontières, au préjudice de décisions socio-économiques approximatives. Aujourd’hui, les seules justifications par les vecteurs de création d’emplois, de bénéfices fiscaux locaux, de développement économique local ne sont plus suffisantes pour édifier un projet industriel conséquent impactant l’environnement.

Une décision internationale portée par la volonté du nombre à fait plier les pouvoirs publics qui sont désormais contraints d’appréhender la force de l'influence de l’information. Désormais les organisations commerciales doivent anticiper les développements positifs ou négatifs, influencés par la prise en compte de l’environnement dans leurs projets industriels et ainsi orienter les décisions.

 

N. Cerdan
Auditeur de la 36ème promotion MSIE