En psychologie du comportement et du langage, on considère que plus de 90 % d'un message ou d'un discours repose non pas sur les mots utilisés, mais sur l'attitude du communicant. Cela a été démontré par le psychologue Albert Mehrabian, qui a mis en évidence les composantes du discours non verbal : le langage corporel et la paralinguistique. Cela est d'autant plus vrai dans un discours politique, dont le but est d'obtenir une validation par l'auditoire en véhiculant un message émotionnel. Les mots utilisés n'étant responsables que de moins de 10 % de la force de conviction d'un message, il est donc très important de soigner son langage corporel et paralinguistique pour se démarquer sur la scène politique.
Types de communication non verbale
La communication non verbale désigne toutes les composantes du discours qui ne sont pas les mots eux-mêmes. En d'autres termes, il s'agit de la posture du communicant, de son attitude, mais aussi du ton de sa voix, de sa diction ou encore de sa maîtrise de l'espace d'expression. Il n'y a donc pas un, mais plusieurs types de langage non verbal.
La communication kinésique
Première composante de la communication non verbale, la communication kinésique englobe les mouvements du corps du communicant et sa posture. Par exemple, ses gestes, ses expressions faciales, etc. Cela inclut une multitude de détails qui donnent inconsciemment de la force (ou pas) à un message. Des bras croisés accentueront l'impression d'une attitude fermée à la discussion ; des mouvements nerveux des mains pourront aussi indiquer un manque de confiance en soi ou dans le message. Tous ces détails, mis bout à bout, contribuent pour une grande part à transmettre un message émotionnel particulier à l'auditoire.
La communication proxémique
Il s'agit de la manière dont l'orateur utilise l'espace de communication pour délivrer un message ou un discours. En politique, et encore plus en matière de diplomatie et de protocole, par exemple, la distance entre deux personnes est révélatrice d'un certain ton sous-jacent. La proximité peut être associée soit à de la cordialité, soit à une agression, selon le contexte de la rencontre. Pour se rendre compte de l'impact sur l'auditoire de l'utilisation de l'espace, il suffit de regarder les rencontres entre certains chefs d'État. Quand certains sont assis côte à côte, voire face à face, d'autres sont séparés par une table de plusieurs mètres de long, pour accentuer l'impression de distance et donner le ton de la rencontre. De même, en France, lorsque le président sortant accueille le président entrant, le nombre de marches descendues est soigneusement étudié par les analystes politiques et les journalistes.
La communication paralinguistique
C'est la dernière composante de la communication non verbale. Comme son nom l'indique, il s'agit ici des aspects vocaux tels que le volume de la voix, le ton et la vitesse d'élocution. Tout comme en musique, les silences sont importants dans la perception d'un message émotionnel. En politique, la maîtrise de la communication paralinguistique permet de conserver clarté et pertinence face à l'auditoire et d'insuffler une certaine force de conviction et de confiance dans le discours.
Le langage corporel : un outil de communication essentiel en politique
En politique, le langage corporel est mis à contribution dans de nombreuses situations. Par exemple, lors des débats télévisés, des discours publics, pendant les campagnes électorales, ou bien sûr, au cours des négociations diplomatiques. L'image étant un vecteur fort de communication, surtout à l'époque des réseaux sociaux, l'apparence et donc le langage corporel prennent une importance capitale pour soutenir un message et garantir sa crédibilité. Il arrive souvent que des personnalités politiques soient mises en difficulté par les critiques et l'opinion publique à cause d'un geste ou d'une attitude. Avec la rapidité de diffusion des images et la facilité avec laquelle on peut les utiliser comme outils de propagande, quelques secondes d'inattention ou un mouvement involontaire peuvent parfois suffire à décrédibiliser un candidat ou une personnalité politique.
Les hommes politiques et intervenants prennent donc soin de renforcer leur discours par une posture adéquate, étudiée à l'avance, afin de créer un climat de confiance, d'authenticité et de naturel, en adoptant des gestes fluides et une expression faciale étudiée pour ne pas trahir un manque de confiance ou une déstabilisation passagère. Les meilleurs orateurs lors des débats se servent souvent des expressions de leurs adversaires pour choisir le bon moment pour les attaquer sur les parties faibles de leur programme ou pointer certaines incohérences. Dans ces moments-là, un manque de contrôle du langage non verbal peut très vite se ressentir sur l'opinion publique.
De plus, les hommes politiques sont des personnalités publiques constamment observées et étudiées. Ils doivent constamment se maîtriser lorsqu'ils sortent du cadre privé. Ce n'est pas seulement vrai lors des débats, mais aussi pour les apparitions quotidiennes, leurs déplacements, et cette obligation les suit même dans leur quotidien. Cette cohérence dans leur langage peut renforcer ou briser le lien qu'ils entretiennent avec le public. De nos jours, il est presque impossible pour une personnalité politique de sortir sans être remarquée, prise en photo ou filmée, même à son insu. Le moindre faux pas dans leur manière de s'exprimer, de s'habiller ou de se comporter peut dès lors servir à l'opposition pour ternir leur image et fragiliser leur position, surtout en période d'élections ou de nomination.
Conseils pour renforcer la communication non verbale dans votre discours
Si, pour certaines personnes, la communication non verbale est une seconde nature, d'autres peuvent avoir besoin de travailler certains aspects de leur langage corporel et paralinguistique. La synergologie est d'ailleurs enseignée dans certains programmes universitaires ou de formations politiques, comme le Bachelor en sciences politiques. En plus de cela, il est possible de s'entraîner en suivant quelques conseils de base pour maîtriser son langage corporel.
Rester conscient de sa posture
Si adopter une bonne posture est relativement simple, le plus compliqué est de la maintenir durant une conversation ou un discours. Un moment d'inattention ou de concentration, et l'on reprend vite une posture confortable dont on a l'habitude. Il faut donc se forcer pendant quelque temps à y penser et à la rectifier régulièrement. Pour s'y entraîner, une astuce consiste à configurer son téléphone pour qu'il vibre toutes les deux ou trois minutes dans votre poche pour vous rappeler de maintenir votre posture. Décroiser les bras, redresser le dos, relever le menton, garder les épaules en arrière... Avec l'entraînement, cela deviendra une habitude naturelle.
Maîtriser le contact visuel
Durant un débat ou une conversation, il est très important de ne pas avoir le regard fuyant. Toute la difficulté sera de maintenir le contact visuel avec la personne en face, mais de manière naturelle et pas trop appuyée. Pour cela, il faut reposer ses yeux de temps à autre, afin de donner l'impression de réfléchir, sans pour autant décrocher de la conversation. Si l'on s'adresse à un auditoire nombreux, il sera plus simple de balayer la salle ou l'assemblée du regard, sans pour autant s'arrêter sur une personne en particulier. En moyenne, 70 % d'une conversation devraient se passer les yeux dans les yeux. Le reste du temps, il faudra composer l'expression du visage pour ne pas avoir l'air de vouloir fuir la discussion.
Adopter une gestuelle expressive
Sans pour autant « parler avec les mains », celles-ci doivent cependant accompagner le discours de manière naturelle et détendue, au risque de créer de la confusion ou de la distraction chez l'auditeur. À l'inverse, une absence de gestes peut facilement ôter une grande partie du dynamisme. Psychologiquement, les gestes montrant la paume de main visible prêtent au discours un supplément de clarté et d'engagement de votre auditoire.
Soigner les expressions du visage
Durant une conversation, en privé comme sur la scène politique, le visage de l'orateur doit pouvoir transmettre un message émotionnel si ce dernier veut convaincre et convertir. Le visage doit donc refléter les émotions que l'on veut faire passer, sans pour autant les surjouer. Habituellement, quelques cours de théâtre et d'expression permettent d'adopter certaines habitudes, pour éviter une trop grande neutralité, souvent interprétée comme un manque d'intérêt ou une certaine froideur. Deux choses que l'on veut souvent éviter en politique, excepté dans certaines situations délicates, mais qui restent peu courantes.
Le contrôle de l'espace de communication
Il n'y a pas de distance particulière à respecter. Il faudra, pour bien faire, s'adapter à la situation, à la formalité du moment, et à son auditoire. Cela dit, certaines règles de bon sens s'imposent. La distance doit permettre à la voix d'être audible sans effort et aux expressions faciales d'être lisibles par les personnes en face. Ce n'est pas un problème lors d'un débat quand les positions sont fixes ou lorsque l'on est assis. En revanche, une fois debout, il appartient au locuteur de faire varier la distance en fonction de la situation. Pour un sentiment de proximité lors d'une discussion avec le public, surtout en période électorale, on peut raccourcir les distances, et même, dans certains cas, aller au contact. Tandis qu'une relation formelle ou diplomatique exigera une distance de quelques pas pour préserver les apparences et conserver le degré de neutralité et de professionnalisme recherché.