La liberté d'expression et le droit d'expression sont deux notions différentes. Dans le cadre professionnel, le droit d'expression est encadré par le droit du travail. Ce droit est accordé aux salariés, tout comme il est accordé aux citoyens. C'est un pilier fondamental de la démocratie française. Ce droit donne le droit aux salariés de défendre leurs droits, leurs intérêts ou ceux de l'entreprise. Il va de l'expression syndicale au droit de réunion en passant par les instances représentatives du personnel, sans oublier les discussions avec la direction. Mais ce droit a aussi des limites. Voyons ce qu'il en est.
Qui sont les bénéficiaires du droit d'expression des salariés?
Le droit d'expression peut être :
● Individuel. Chaque salarié peut s'exprimer dans une démarche personnelle.
● Collectif. Chacun peut s'exprimer en tant que membre d'une unité (équipe, bureau, atelier…).
● Direct. L'entretien sera alors individuel.
● Par l'intermédiaire des instances représentatives (CSE, représentant du personnel…).
Le droit d'expression est inscrit dans le Code du travail (Articles L2281-1 à L2283-2). Il encadre les différentes dispositions communes sur l'expression des salariés. Il ne passe pas obligatoirement par les institutions représentatives du personnel. Ce droit peut s'exprimer à n'importe quel moment dans le contexte professionnel.
Ce droit est lié au travail directement. Il est en lien avec les conditions de travail et au poste de travail. Il peut également s'étendre aux suggestions que peut faire la direction pour l'amélioration du cadre professionnel (qualité de la production).
La loi oblige toutes les entreprises où un délégué syndical a été désigné à négocier les modalités d'exercice de ce droit d'expression.
Néanmoins, il existe une grande différence entre liberté d'expression et droit d'expression. La liberté d'expression est inscrite dans les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Elle concerne la vie publique alors que le droit d'expression concerne uniquement le contexte professionnel.
Le canal d'expression le plus simple pour le salarié est de passer par sa hiérarchie. Il peut s'agir :
● CSE,
● Représentant du personnel,
● Service des Ressources humaines.
Les entreprises ont de plus en plus une politique « porte ouverte » qui veut inciter les employés à s'exprimer sur leur activité et les conditions de travail. Cela peut être fait lors des réunions, des séances de brainstorming… Le management participatif ainsi que la stimulation des idées constructives permettent l'amélioration de l'engagement des salariés et l'esprit d'appartenance à l'entreprise.
Le droit d'expression concerne tous les salariés. Les principes du respect du droit d'expression du salarié au sein de son entreprise et en dehors résultent de l'article L.1121-1 du Code du travail. Le salarié possède une liberté d'expression qui ne peut avoir des restrictions que si celles-ci sont en rapport avec la nature de la tâche à accomplir. L'employeur peut encourir des conséquences lourdes s'il ne connaît pas les principes du droit d'expression. Ainsi s'il licencie un salarié à cause de ce droit d'expression, le licenciement pourra être considéré comme nul. Néanmoins, les abus (que nous verrons) du salarié sont une condition pour l'employeur de licencier le salarié. Il n'en reste pas moins que déterminer l'abus peut s'avérer délicat. Il faudra alors évaluer l'abus en fonction de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, mais aussi des fonctions du salarié en question et de l'activité de l'entreprise. La vigilance est donc de mise avant de sanctionner un salarié.
Le droit d'expression pourra ainsi concerner différents exemples d'utilisation :
● Soulever un problème de sécurité lors d'une réunion de comité ou du CSE ;
● Faire des suggestions pour améliorer les conditions de travail ;
● Dénoncer des situations de harcèlement moral ou sexuel ;
● Indiquer des mesures de surveillance des coûts ;
● Exprimer des désaccords avec la politique de rémunération ;
● Exposer des préoccupations concernant le manque d'effectif ;
● Dénoncer des irrégularités ou des fraudes (fournir des preuves) ;
● Participer à des mouvements de grève ou des actions syndicales ;
● Faire des négociations collectives.
Divisions du droit d'expression des salariés
Le droit d'expression est divisé en différents articles que l'on retrouve dans le Code du travail. On peut ainsi déterminer différentes parties. Il est important de noter que le CSE a pour fonction de protéger et faciliter le droit d'expression des salariés.
La partie législative
Différents articles sont liés à la partie législative du droit d'expression. C'est ainsi le cas de l'article L.2281-1 qui indique que les salariés ont un droit d'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. L'article L.2281-2 définit les actions à mettre en œuvre pour améliorer les conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail. L'article L.2281-3 indique que les opinions émises dans le cadre du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction. L'article L.2281-4 indique que le temps consacré au droit d'expression est rémunéré comme temps de travail.
La partie concernant les modalités de réalisation du droit d'expression
Cela peut être fait :
● Par démarche individuelle ;
● Par groupe d'expression,
● En réunions.
Rien n'interdit d'inviter de personnes extérieures à participer aux réunions.
Obligations juridiques pour respecter le droit d'expression des salariés
Un salarié peut exprimer librement ses opinions personnelles sur le fonctionnement de son entreprise et son organisation. Il peut également s'exprimer sur les conditions de travail.
Le salarié peut également avoir la faculté de garder le silence si son employeur lui demande une opinion ou prendre une position publique. Ce droit d'expression concerne encore la liberté artistique.
Mais le salarié peut-il tout dire au nom du droit d'expression ? Ce droit existe en miroir du droit des citoyens. Il donne la possibilité aux salariés de défendre leurs droits, de donner leurs avis, de participer aux décisions et de défendre leurs intérêts, mais aussi ceux de l'entreprise. Ce droit d'expression va donc, comme nous l'avons déjà indiqué, de l'expression syndicale au droit de consultation, en passant par les instances représentatives du personnel ou les discussions avec la direction. Il peut prendre en compte :
● Les conditions de travail ;
● Les décisions de l'entreprise ;
● Les pratiques managériales ;
● Les questions sociales et syndicales ;
● La santé ou la sécurité au travail…
La loi oblige toute entreprise à désigner un délégué syndical afin de négocier les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés.
Quelles sont les limites prévues dans le droit d'expression des salariés ?
Le droit d'expression des salariés est encadré par le Code du travail, mais aussi par le contrat de travail, l'accord de confidentialité et certains codes déontologiques professionnels. Et même si les employés ont des droits, ils ont aussi des limites dans le domaine de l'expression.
Ils n'ont ainsi pas le droit de porter préjudice publiquement à l'image de leurs collègues et de leur entreprise. D'autres limites peuvent être notées dans le droit d'expression. Il s'agit :
● Du délit de provocation publique à la haine raciale ;
● Les opinions révisionnistes et négationnistes ;
● Les propos racistes, sexistes, xénophobes ou discriminatoires ;
● La diffamation ;
● Les injures ;
● La divulgation de secrets industriels ;
● Le non-respect de la confidentialité ;
● Le harcèlement sexuel et moral.
Il est aussi obligatoire, pour les salariés, de respecter le règlement d'entreprise et les règles de courtoisie. Ils doivent évidemment faire preuve de responsabilité dans l'exercice de leur liberté.
Les abus et comportements qui ne suivent pas l'éthique peuvent être à l'origine de sanctions disciplinaires. Motif de sanction ou faute ne peuvent être à l'origine que d'un abus de droit.
Lorsque l'on remet en cause la loyauté du dirigeant ou que l'on calomnie l'entreprise par voie de presse, il y a abus de la liberté d'expression. Les critiques émises pour sauvegarder des emplois ne sont pas considérées comme abus.
Pour ce qui concerne la liberté et le droit d'expression sur les réseaux sociaux, ils sont protégés s'ils sont utilisés de manière responsable. Les salariés ont le droit d'exprimer leur opinion, de critiquer les pratiques de leur entreprise, de partager des informations sur les conditions de travail… Toutefois, les publications inappropriées ou diffamatoires, divulguant des informations confidentielles, peuvent conduire à des conséquences juridiques et disciplinaires.
Cela concerne également :
● L'impact sur l'image de l'entreprise ;
● Les règles de propriété intellectuelle ;
● Les informations confidentielles ou sensibles.
Le salarié devra être conscient des différentes répercussions et avoir la responsabilité de ses propos.
Pour éviter tout problème, il peut s'avérer utile de mettre en place des sessions de formation sur les bonnes pratiques. Le CSE (consultation du comité social et économique) peut aussi avoir un rôle à jouer dans le cadre du droit d'expression.
Pour bien comprendre les obligations juridiques du droit d'expression, les salariés peuvent se former auprès de différentes sources :
● Les syndicats et organisations professionnelles ;
● Les ressources en ligne, les formations de l'entreprise elle-même ;
● Les consultations juridiques d'experts (comme des avocats spécialisés).
Les personnes possédant un diplôme en intelligence juridique peuvent aussi être utiles pour en apprendre plus sur le droit d'expression en entreprise. Ce spécialiste aura une vision stratégique de ce droit d'expression et pourra construire des solutions pour prévenir les risques.
Les limites du droit d'expression sont encadrées par l'article L.1121-1 du Code du travail qui découle de l'article L.1222-1. Tout salarié dispose d'une obligation de loyauté envers l'employeur. Il doit donc s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise. Cette obligation de loyauté s'accompagne d'une obligation de discrétion et de confidentialité.
L'employeur peut donc restreindre la liberté d'expression d'un salarié en fonction de son poste. Ces restrictions ne sont toutefois admises que si elles sont considérées comme « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ».
La seule limite apportée à la liberté d'expression des salariés est l'abus de droit : propos ou écrits injurieux, excessifs ou diffamatoires. Trois critères sont caractérisés et sont retenus par les tribunaux pour caractériser l'abus dans la liberté d'expression :
● La teneur des propos du salarié ;
● Le contexte dans lequel les propos ont été tenus ;
● La publicité qu'en a faite le salarié.