Les stratégies d’influence autour du mouvement #MeToo

Le mouvement #metoo a bouleversé l’ordre établi, révélant des réalités longtemps enfouies. Ce n’est pas qu’un simple hashtag, c’est une vague de témoignages puissants qui a inondé les réseaux sociaux, apportant avec elle des histoires de souffrance et de résilience. 

Voix libérées : les réseaux sociaux, les médias et les ONG au cœur d’une lutte contre les abus

Pour la première fois, un véritable appel à la libération de la parole s'est élevé, offrant un espace où les femmes peuvent parler publiquement des abus sexuels dont elles ont été victimes. Le Figaro retrace le pouvoir de ces réseaux sociaux qui a insufflé un sentiment d'espoir et de solidarité, rassemblant des victimes autour de ce sujet délicat. En moins de trois jours, plus de 150 000 messages ont inondé Twitter, mobilisant plus de 60 000 internautes autour de ce hashtag puissant, avec 16 000 témoignages d’agressions, d’abus ou de viols présumés.

Les grands médias, jusqu'alors réticents, ont fini par saisir l'ampleur de ce phénomène et ont commencé à couvrir cet événement marquant. Des noms prestigieux comme Le Monde, Le Figaro, CNews, TF1 et RTL ont enfin ouvert leurs colonnes à ces récits de souffrance et de résilience.

Ce mouvement, né d'un cri collectif et amplifié les réseaux sociaux et la puissance des médias traditionnels, a résonné au-delà des frontières et des âges. Initié par des journalistes, et repris très rapidement dans la sphère informationnelle, il a permis à des milliers de voix de s'élever, de briser le tabou du silence et de redonner pouvoir à celles qui avaient été réduites au silence, avec un approche du vocabulaire tout particulier. 

Quand on évoque le mouvement #metoo, impossible de passer à côté de ce fameux « hashtag », devenu incontournable. Symbole d'une lutte moderne, ce petit signe accompagne inévitablement toutes les discussions autour de ce phénomène, qu'il s'agisse des réseaux sociaux ou de la presse traditionnelle. À l'origine, le hashtag est un outil de recherche, utilisé pour catégoriser des contenus et maximiser leur visibilité. Mais dans le contexte de #metoo, il prend une signification beaucoup plus poignante. Bien qu'il ait une consonance anglaise, il est crucial de comprendre l'origine de sa dureté. Le mot « hashtag » fusionne deux termes : « hash », qui évoque la destruction, le hachage, et « tag », qui signifie étiqueter ou marquer. Ainsi, #metoo pourrait être interprété comme « moi aussi mon image a été détruite », étant à la fois revendiqué par une victime d’abus sexuel que par une personne présumée coupable, 

Le mouvement #metoo et son hashtag emblématique ont provoqué une véritable révolution dans notre façon de percevoir et d’aborder les violences sexuelles. Ce combat n'est pas seulement un affrontement d'idées, mais un appel à la solidarité, à la compréhension et à l’empathie qui trouvent leur genèse dans la redéfinition des mots et en utilisant un champ sémantique de guerre, qui concours au changement de notre réalité par l’information où nous pouvons noter le professionnalisme des mécaniques mises en place.

Les ONG du mouvement #metoo 

Des ONG influentes, souvent reliées par des réseaux professionnels, façonnent le discours autour de la lutte pour l’égalité. Leur héritage médiatique influence-t-il la perception des droits des femmes en France et la lutte pour les droits des femmes est-elle vraiment dépolitisée, ou s'agit-il d'une nouvelle façade du pouvoir ?

Dans un monde où les voix des opprimés se heurtent encore aux murs du silence, la techno-sociologue turque Zeynep Tufekçi nous éclaire sur un point crucial : sans représentants pour porter leurs revendications sur la scène politique, les protestations en réseau perdent de leur puissance. Et cela, les militants et les leaders d'organisations l’ont bien compris. Ils se sont rapidement regroupés, unissant leurs forces derrière la même cause, tissant des liens avec des ONG dont les membres partagent souvent un passé professionnel commun dans des entreprises influentes.

Parmi ces ONG, la Fondation des Femmes se distingue. Fondée début 2016 avant que le mouvement #metoo ne devienne viral, elle est devenue la référence incontournable en France. Son engagement dépasse le cadre des abus sexuels : elle milite pour la liberté et les droits des femmes, dénonçant aussi les violences dont elles sont victimes. Lors de son lancement, le 8 mars 2016, en pleine Journée internationale des droits des femmes, 300 personnes se sont rassemblées à la mairie du 3ème arrondissement. Ce moment fort a été soutenu par des personnalités influentes, comme Delphine Ernotte, Présidente de France Télévisions, ou Thomas Delpech, ancien Délégué Général du Groupe Up, controversé pour son passé de fonctionnement en cartel. La Fondation regroupe également des associations luttant contre les violences faites aux femmes, soutenant les sans-abris et favorisant la réinsertion des femmes isolées. Anne-Cécile Mailfert, sa présidente dynamique, chroniqueuse chez France Inter est aussi membre active du réseau Les Napoléons (actuellement en liquidation) créé par Olivier Moulierac et Mondher Abdennadher, deux anciens d'Euro RSCG (resp 1990-2011, 1994-1998) désireux de créer un mini Davos dédié aux acteurs de la communication et plus largement de l’innovation.

À la suite de la médiatisation du mouvement #metoo, l’association « Femmes avec » voit le jour en 2018, avec pour premier message la lutte contre les violences conjugales. L’association se veut indépendante de tout parti politique et prône une communauté laïque et diversifiée. Etonnamment, la vice-présidente Catherine Ibled est également Conseillère de Paris et candidate députée suppléante pour le parti Renaissance. Jean-Christophe Danchaud, trésorier de l'association, apporte une touche de controverse avec une société de relations presse et d'influence qui met en avant des jeunes femmes dénudées sur Instagram, laissant planer un doute sur l’image que renvoie l’association. Muriel Réus, véritable experte de la communication de masse, préside l’association et apporte avec elle une expérience impressionnante. Elle sera successivement présidente de l’ensemble Hieaux Réus Partner de 1990 à 2000, filiale du groupe Euro RSCG. Puis conseillère stratégique de la TNT en 2003, directrice générale adjointe en charge de la marque, de la communication et des régies de 2004 à 2007 chez TPS, filiale du groupe TF1 / M6 et CEO de Publicis Events en 2007 à 2009, principal concurrent de son ancien employeur RSCG. Une carrière marquée par les grands groupes médiatiques influents sur l’opinion publique et proches de la sphère politique.

Le 11 novembre 2021, une nouvelle étape est franchie avec la création de l’association metoomedia, dédiée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les médias et la culture. Son conseil d'administration est composé de professionnels de la communication aguerris, tels qu’Emmanuelle Dancourt, présidente, avec près de trois décennies d’expérience dans le journalisme chez France TV, RTS puis KTO. Nous y retrouvons Muriel Reus, vice-présidente précédemment citée. Cécile Thimoreau, secrétaire générale, qui à passé 15 ans de sa carrière en tant que journaliste dans le groupe TF1 ou encore Florent Pommier, trésorier, journaliste rédacteur, chef de rubrique chez 60 millions de consommateurs,

En examinant ces ONG, un constat s'impose : elles partagent trois points communs notables. - Elles sont ancrées dans des grandes maisons médiatiques et publicitaires par les fonctions professionnelles occupées par leurs représentants notamment chez Euro RSCG (aujourd’hui Havas)

- La politique est omniprésente, avec des personnalités ayant des liens étroits avec les partis jusqu’à Marlène Schiappa, elle aussi passée par Euro RSCG, ancienne secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations du gouvernement Macron

 - une parité homme-femme non représentée et pourtant prônée. La majorité des fonctions de direction étant occupées par des femmes, avec parfois un homme,

Le mouvement #metoo, bien plus qu'un simple cri de révolte, a permis l'émergence d'organisations puissantes et structurées, dont les voix résonnent à travers tous les canaux d’informations pour défendre les droits des femmes. Ces ONG, tout en naviguant dans les eaux parfois troubles de la politique et des médias, ont su s’imposer comme des acteurs incontournables dans la lutte pour l’égalité et la défense des femmes. 

Compte tenu de la fulgurance de la viralité du mouvement initié par des journalistes, de la structuration rhétorique aux racines même du champ sémantique utilisé et de l’organisation associative tenue par des experts de la communication, nous pouvons souligner un certain professionnalisme du mouvement et nous alerte quant à sa genèse et son véritable objectif. Il est impératif de rester attentif à leurs actions, car en unissant leurs forces, ces organisations deviennent un véritable consortium d’influence de l’opinion public et de la mouvance sociale. Aussi noble soit-il eu égard de la défense de sa cause, ce mouvement pourrait-il trouver sa source dans d’autres objectifs que la seule protection des femmes ?

L’impact des accusations sur la réputation et la perception sociale

Aujourd'hui, les principales associations - de concerts avec les médias mainstream - œuvrant pour l'égalité femme-homme sur fond de violences sexuelles sont devenues de véritables arbitres de la réputation, à tel point qu'elles peuvent influencer même la perception d'une personne après sa mort. Cette dynamique pose un problème délicat, surtout lorsqu'il s'agit de présomptions d'innocence, souvent mises à mal par le biais d'ancrage.

Le biais d’ancrage se manifeste lorsque l’on se réfère à la première information reçue sur un sujet, une tendance particulièrement évidente dans le contexte du procès d’Harvey Weinstein. Accusé par 90 femmes dans le milieu du cinéma et jugé coupable, ce cas a créé un précédent qui ancre dans l'esprit collectif une image d'impunité pour les hommes accusés d'abus. Ainsi, lorsque l'on évoque un homme accusé d’abus sexuel dans le secteur de l’image, cette première information devient une référence, rendant difficile toute remise en question.

Cette perception est renforcée par le biais d'influence continue, qui pousse à maintenir une croyance dans des informations, même fausses, longtemps après qu'elles aient été corrigées. Prenons l’exemple des accusés dans l’affaire Outreau : malgré leur acquittement, leur réputation est entachée depuis 20 ans à l’image de Karine Duchochois qui a décidée d’en publier un livre « Moi, Karine innocente et cassée ». Qu’en sera-t-il des deux rugbymen français, Auradou et Jegou, accusés de viol aggravé en réunion par une citoyenne argentine ? Si leur innocence est prouvée, leur image publique sera-t-elle pour autant réhabilitée ?

Christine Dugouin-Clément, chercheuse au CREOGN, souligne que la distribution de l'information sur un large spectre est cruciale pour gagner la bataille des perceptions. Lors d'une conférence sur la désinformation, elle explique comment une information émotionnelle peut contourner notre réflexion critique, technique savamment exploitée par les médias lorsqu’il s’agit de lutte contre les abus sexuels.

Ces organisations, véritables expertes de la communication, maîtrisent l’art du ciblage cognitif, capable de miner la réputation d'une personne, peu importe l’issue d’un procès. Leurs moyens de communication variés et leurs vecteurs d'influence leur permettent d'assurer une diffusion massive de leurs messages, parfois au détriment de l'équilibre et de la justice.

Ce contexte soulève deux problèmes majeurs dans notre société :

  • L’angoisse des hommes face au mouvement féministe : nombre d’hommes ne s’identifient pas aux élites incriminées (Epstein, Weinstein, PPDA, Depardieu) et perçoivent ce mouvement comme une menace. Selon Brigitte Grésy, secrétaire générale du conseil supérieur à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, plus de 84 % des femmes estiment que ce mouvement mondial est bénéfique, tandis que 81 % des hommes le jugent problématique. Cette année, 30 % des hommes estiment avoir été qualifiés d’harceleurs à tort, contre 19 % l'année précédente.

  • La banalisation des abus : le mouvement #balancetonporc, à l’origine porteur d’un message fort, semble désormais perdre de son impact. Sur les réseaux sociaux, il est de plus en plus utilisé pour tourner en dérision des situations qui devraient être prises au sérieux, qualifiant d’abus sexuels des comportements qui relèvent plus de l’abus sexiste. Ce phénomène, lié au biais cognitif de simple exposition, fait que l’on finit par voir des abus partout, minimisant ainsi la gravité des véritables violations.

Dans cette ère de communication instantanée et virale, la lutte pour l'égalité femme-homme est indispensable, mais elle doit se faire avec discernement. Si l’information joue un rôle crucial dans la sensibilisation, il est tout aussi essentiel de préserver la présomption d'innocence et de ne pas laisser la perception remplacer la vérité. Un équilibre délicat s’impose, où la justice et la compassion doivent coexister, pour ne pas sacrifier l’un au profit de l’autre dans notre quête d’égalité. 

Véritable arme réputationnelle, la médiatisation du mouvement #metoo peut agir comme un coupeur de tête, où l’accusation vaut pour faute, capable aussi de briser les carrières les plus prometteuses. Rappelons nous quelques années auparavant la vague d’indignation face à l’affaire DSK alors qu’il était décrié par tous comme le prochain président de la République Française. Jusqu’où les entreprises médiatiques peuvent elles façonner notre environnement politique ?

Les stratégies cachées pour capturer le vote féminin

Dans un paysage médiatique façonné par des géants comme Havas, comment les mouvements pour l'égalité des sexes se transforment-ils en outils de stratégie électorale ? Comment l'intégrité des discours féministes à l'ère du marketing politique vient influencer le vote féminin, les partis politiques et la récupération des luttes sociales.

Euro RSCG c’est l’abréviation de Eurocom et Roux, Séguéla, Cayzac et Goudard, aujourd'hui rebaptisée Havas Worldwide et filiale du groupe Vivendi, dirigé par Yannick Bolloré. Ce groupe se positionne comme un leader mondial dans la culture, le divertissement, les médias et la communication. L'entreprise se donne pour mission de contribuer à des sociétés plus ouvertes, inclusives et responsables en soutenant une création plurielle et inventive. Historiquement, Havas a toujours entretenu des liens étroits avec les gouvernements français, influençant les campagnes politiques quel que soit leur camp. C’est Jacques Séguéla, ancien patron de la boite qui affirme lui-même qu’il veut « faire un président ! ».

Il est important de noter que plusieurs personnalités occupant des postes clés au sein des associations qui militent pour les droits des femmes sont liées à Euro RSCG, tant par leur parcours professionnel que par les réseaux d'influence qu'elles occupent, tels que les cercles, ou les partenaires.

L’agence Havas a pour réputation publique de travailler en étroite collaboration avec tous les partis et surtout ceux en place. Mael Jouan souligne ce phénomène dans un article publié dans le journal Marianne le 22 avril 2024, intitulé « Collusion, image de marque et influence : Havas Paris, la ferme à conseillers com de la Macronie ». Dans cet article, il mentionne que la présidente exécutive d’Havas, Mayada Boulos, était pressentie pour devenir porte-parole du gouvernement, un poste que Gabriel Attal lui aurait proposé. 

Par cette proximité au pouvoir politique, l’entreprise Havas aurait-elle pu initier ou se saisir du mouvement #metoo, qui a profondément marqué le débat public, au profit de ses clients politiques ? Quoi qu’il en soit, ce scandale représente une opportunité de récupération électorale pour les partis politiques et donc, in fine, un axe stratégique pour les agences de marketing qui les accompagnent. Et l’agence Havas a sans doute su jouer de cette dynamique, car de coutume, elle travaille avec tout le monde. C’est Euro RSCG qui, en 1978 lors de la campagne législatives, créée l’affiche et le slogan des principales têtes comme Jacques Chirac pour le RPR, de Jean-Pierre Soissons pour le Parti Républicain et de de François Mitterrand pour le Parti Socialiste. Ce dernier pour lequel l’agence prendra part dans la campagne présidentielle pour le faire élire en 1981.

Vers une stratégie de lutte des genres : peut-on envisager une stratégie de lutte des genres, en parallèle avec la lutte des classes, comme moyen de récupération électorale ? Des études révèlent des divergences significatives entre les votes des femmes et des hommes, influencées par des facteurs tels que l'âge, le capital culturel et l'insertion sociale et professionnelle. Ainsi, les femmes et les hommes ne participent pas de la même manière à la vie politique ni ne partagent les mêmes valeurs. Une nouvelle théorie évoque même l'émergence d'un "gender gap" et d'autres fossés générationnels.

Selon l'INSEE, les femmes représentaient en mai 2021 une part électorale supérieure de 2,1 millions d'électeurs à celle des hommes, conférant ainsi un levier d’influence crucial sur les résultats électoraux. Les partis politiques, conscients de cette réalité, ont cherché à fidéliser cette base électorale, notamment à travers l’obligation de parité dans les listes électorales, instaurée par une loi en 2000.

Nonna Mayer, experte en sociologie électorale, démontre que les femmes votent moins pour les partis de droite radicale populiste, bien que cette tendance tende à s'estomper avec le temps. 

De plus, une théorie émerge sur le "modern gender gap", qui illustre la tendance croissante des jeunes femmes à voter pour les partis de gauche, avec des écarts significatifs par rapport aux hommes. Par exemple, aux élections européennes de 2024, les femmes de moins de 35 ans soutenaient le parti LFI ou les Écologistes avec une avance de 5 et 6 points, respectivement. Dans le même temps nous avons remarqué que le RN a gagné dix points dans l’électorat féminin entre le scrutin européen de 2019 et de 2024, passant de 19 % à 30 %.

Évolution du vote par genre aux élections présidentielles : en analysant la répartition des votes par genre aux différentes élections en France, on observe une tendance où les jeunes femmes votent davantage à gauche que les hommes, renforçant l'idée d'un "modern gender gap". Cela souligne l'intersection entre la lutte des classes et la lutte des sexes, révélant comment ces dynamiques s'entrelacent dans le paysage politique français et où la médiatisation des luttes féministes, soutenues par les ONG qui défendent le droit à l’égalité femme-homme, peuvent influencer le résultat des élections et donc, représenter un axe stratégique pour une agence fortement ancrée dans la vie politique Française. Sachant que la part de voix représentée par les 2,1 millions d’électrices sont en majorité des personnes de plus de 60 ans, on pourrait se questionner quant à une stratégie d’apport de voix féminines en faveur du rassemblement national issu de ces personnes qui se mettent en opposition aux mouvements modernistes dits « wokiste ». Selon Anja Durovic, « le RN a beaucoup travaillé pour se débarrasser de ce gender gap et ne voudrait pas le retrouver en s’alliant avec Eric Zemmour » et la stratégie de mettre une femme à sa tête à semblée être payante. 

La convergence de l'influence médiatique, des mouvements sociaux et des stratégies électorales, souligne l'importance cruciale de la voix des femmes dans la politique contemporaine. Cela concoure à l’émergence d’une tactique d’encerclement cognitif de la société Française dans tous les champs. Alors que les partis politiques cherchent à capitaliser sur le soutien des femmes, il est essentiel de naviguer avec prudence dans cette nouvelle réalité, en préservant l’intégrité du débat démocratique et en évitant de réduire des luttes sociales complexes à de simples outils de manipulation électorale. Qui irait affirmer qu’il n’est pas juste de défendre le droit des femmes ? Aujourd’hui, on note une nette récupération du votes des jeunes femmes en faveur des partis historiquement de gauche, plus particulièrement marquée lors des dernières élections. Et à l’inverse, une nette récupération du vote des femmes plus âgées en faveur des partis dits « conservateurs », avec une accentuation de l’écart lors du dernier passage aux urnes. Qu’en serait-il de la mouvance électorale si la lutte se concentrait sur le droit des enfants.

Les chocs de résonance

La résonance du mouvement #metoo a-t-elle étouffé la justice contre la  pédocriminalité et les « intellectuels » ont façonné notre vision de l'innocence

Une étude réalisée en 2016 par Michael Salter pour l’Oxford Research Encyclopaedia of Criminology and Criminal Justice révèle l'impact des décisions éditoriales et journalistiques sur la perception sociale de la pédocriminalité. Cette recherche souligne particulièrement les dénégations des accusés et l'influence des groupes de pression promouvant l'idée des « faux souvenirs », contribuant ainsi à un scepticisme ambiant autour de cette problématique. Un événement marquant s'est produit le 23 mai 1977, lorsque 80 intellectuels français, parmi lesquels Jack Lang, Bernard Kouchner, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, et Michel Foucault, André Glucksmann, ont signé une tribune dans Le Monde, plaidant pour la décriminalisation des rapports sexuels entre adultes et enfants de moins de 15 ans. Ou encore Daniel Cohn Bendit qui affirme en 1982 sur le plateau d’Apostrophes « Quand une petite fille de 5 ans commence à vous déshabiller, c'est fantastique, c'est un jeu érotico-maniaque..." »

En 2019, les statistiques indiquent que 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les forces de sécurité concernent des actes commis au sein de la famille. En France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes. Pourtant, la couverture médiatique des abus sexuels se concentre principalement sur les femmes, adultes, dans le milieu professionnel. Un dossier de presse du gouvernement publié le 12 septembre 2023, intitulé « Campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants », met en lumière que 25 % des victimes d'inceste avaient moins de 5 ans au moment des faits.

La Fondation Enfance souligne que les viols, au même titre que la torture, entraînent des conséquences psychotraumatiques particulièrement graves. Plus de 80 % des victimes de viol souffrent d'un état de stress post-traumatique chronique, souvent associé à des troubles dissociatifs. Dans une société où la pédocriminalité était autrefois banalisée, soutenue par des figures intellectuelles, il n'est guère surprenant de retrouver des adultes ayant été victimes d'abus sexuels dans des milieux professionnels. Ces victimes, porteuses de traumatismes, qu'ils soient amnésiques ou non, s'efforcent de remémorer leur expérience, parfois en cherchant à la revivre dans des relations avec d'autres personnes. De nombreux psychologues soulignent l'existence de schémas répétitifs issus de notre histoire inconsciente, qui incitent les victimes à revivre des expériences traumatisantes pour les intégrer à leur conscience. 

Malheureusement, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) a connu de nombreux revers, illustrés par le retrait de Caroline Rey-Salmon de ses fonctions suite à une plainte pour agression sexuelle, entraînant la démission de plusieurs membres et mettant en péril les travaux de la commission, ainsi que les 82 recommandations proposées pour améliorer l'écoute et le témoignage des victimes.

En concentrant la part d’audience médiatique et institutionnelle des abus sexuels aux violences faites aux femmes dans un contexte professionnel, concentré par le mouvement #metoo aux mains de professionnels de la communication, il semble difficile de mobiliser l’opinion public en faveur d’un travail de fond destiné à la protection de l’enfance sur un large spectre et participe à masquer un problème pourtant bien présent dans notre société.

La guerre de l’information menée par les agences de publicité et de marketing, comme Havas, révèle un enjeu majeur : leur pouvoir de façonner l'opinion publique et de manipuler les récits. Ces entreprises influencent la perception sociale sur des questions aussi sensibles que l’égalité des sexes et les abus sexuels, en mettant en lumière des luttes légitimes tout en servant des intérêts économiques et politiques sous-jacents. À travers des stratégies de communication sophistiquées, elles parviennent à capturer l'attention du public, et même à orienter les débats sociétaux dans une direction favorable à leurs clients.

Cependant, cette influence soulève une question cruciale : où s’arrête l’information et où commence la manipulation ? En maîtrisant l'art du récit et en jouant sur l'émotion, ces agences peuvent transformer des mouvements sociaux, comme #metoo, en outils de contrôle de l’opinion, utilisant le risque réputationnel et la récupération politique. En exploitant des biais cognitifs et des stratégies d’ancrage, elles façonnent des perceptions durables, même en dépit de faits avérés.

Dans un contexte où les lignes entre justice et manipulation sont floues, il devient essentiel de s’interroger sur la réelle finalité de ces agences. Sommes-nous témoins d’une authentique quête de justice, ou d’une instrumentalisation cynique de nos idéaux pour servir des agendas cachés ? Face à ce pouvoir croissant, la vigilance du public est plus que jamais nécessaire pour préserver la vérité et l’équité dans le débat démocratique.

Les contradictions d'un combat légitime

Le mouvement #metoo a non seulement permis une libération des voix, mais a également engendré des démarches d'influence où les mots deviennent des outils de pouvoir. Dans ce contexte, les réseaux sociaux et les médias jouent un rôle catalyseur, amplifiant les témoignages tout en exacerbant les tensions entre les genres. Cependant, cette lutte pour la reconnaissance des victimes est souvent récupérée par des ONG et des intérêts politiques qui exploitent ces récits pour des gains stratégiques, notamment en influençant l’électorat féminin. En parallèle, la surmédiatisation des affaires impliquant des personnalités publiques détourne l'attention des victimes moins visibles, comme celles des abus sur enfants, laissant dans l'ombre des réalités tout aussi tragiques. Ce phénomène met en lumière l’ambiguïté des intentions des médias et des organisations qui, tout en prônant l’égalité des genres, pourraient servir des intérêts économiques et politiques. Ainsi, la quête d’égalité se heurte à des enjeux de manipulation et de récupération qui nécessitent une vigilance critique afin de préserver l’intégrité des luttes menées. La question demeure : comment s’assurer que ce mouvement reste authentique et au service des véritables victimes plutôt que de devenir un outil d'instrumentalisation ? 

Louis-Arnaud Motte (MSIE45 de l’EGE)

Sources : 

  1.  https://x.com/search?q=(%23balancetonporc)%20lang%3Afr%20until%3A2017-10-14%20since%3A2017-10-12&src=recent_search_click
  2. https://x.com/search?q=(%23balancetonporc)%20(from%3AGiulia_Fois_)%20until%3A2017-10-16%20since%3A2017-10-13&src=recent_search_click
  3. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/10/16/32001-20171016ARTFIG00286-comment-le-hashtag-balancetonporc-est-devenu-viral-sur-twitter.php
  4. https://www.europe1.fr/societe/du-verbe-hacher-aux-reseaux-sociaux-dou-vient-le-hashtag-4022354
  5. https://www.facebook.com/watch/?v=1745234635999233
  6. https://d-nb.info/124031910X/34
  7. https://fondationdesfemmes.org/
  8.  https://www.latribune.fr/technos-medias/medias/pour-les-napoleons-aujourd-hui-tout-est-communication-541205.html
  9.  https://www.instagram.com/agenceauvrayboracay/
  10. https://www.agipi.com/association/administrateur-agipi/muriel-reus/
  11. https://www.metoomedia.org/
  12. https://www.linkedin.com/in/marl%C3%A8ne-schiappa/
  13. https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/pourquoi-lautonomisation-economique-des-femmes-profite-a-lensemble-des-societes-#:~:text=De%20plus%2C%20lorsque%20les%20femmes,et%20du%20d%C3%A9veloppement%20%C3%A9conomique%20g%C3%A9n%C3%A9r%C3%A9.

  14. https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2018/11/28/blog-economic-gains-from-gender-inclusion-even-greater-than-you-thought

  15. https://www.rue-des-livres.com/livre/2259201520/moi-karine-innocente-et-cassee.html
  16. https://www.youtube.com/watch?v=dzwzf9oYWRc&t=2027s
  17. https://www.elle.fr/Elle-Active/Actualites/Travail-un-an-apres-quel-impact-de-MeToo-sur-les-relations-femmes-hommes-3731398
  18. https://x.com/JustePaulette/status/1821022770043494607/photo/1
  19. https://fr.wikipedia.org/wiki/Havas_Worldwide
  20. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/faire-un-president-5117128
  21. https://www.marianne.net/politique/collusion-image-de-marque-et-influence-havas-paris-la-ferme-a-conseillers-com-de-la-macronie

  22. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5395043
  23. https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/03/08/la-parite-fait-de-2000-l-annee-des-femmes-en-politique_3684976_1819218.html
  24. https://lejournal.cnrs.fr/articles/droite-radicale-les-femmes-sy-mettent-aussi-surtout-en-france
  25. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/genre-et-elections-les-jeunes-femmes-plus-a-gauche-que-les-jeunes-hommes-20240711_GAABRNQ4QFBXZPIFRW7PJQ6GMU/
  26. https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2016_La_pedocriminalite_organisee_vue_par_les_medias_article_complet.pdf
  27. https://www.radiofrance.fr/franceculture/quand-des-intellectuels-francais-defendaient-la-pedophilie-2026242
  28. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763591?sommaire=5763633#figure2_radio2
  29. https://enfance.gouv.fr/sites/enfance/files/2023-09/DP%20Violences%20sexuelles%20faites%20aux%20enfants%20VDEF.pdf
  30. https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/memoire-traumatique-victimologie_impact_violences_sexuelles.pdf
  31. https://www.spp.asso.fr/textes/textes-et-conferences/introduction-psychanalyse/2001-2002-realite-trauma-fantasme/fixation-au-trauma-resurgence-elaboration/
  32. https://www.marianne.net/societe/demission-dun-membre-de-la-ciivise-apres-la-vague-de-scandales-qui-reste-t-il-au-sein-de-linstance