Le Royaume-Uni pleure sa souveraine, décédée à 96 ans. Sur internet les fausses rumeurs, photos manipulées et autres fausses informations foisonnent au sujet de la mort de la reine. En effet, de nombreuses fausses informations imputent sa mort aux vaccins contre la COVID-19 et à des personnes politiques américaines. Dans le monde entier, les gens ont été informés du décès de la reine. Cela a donné aux propagateurs un réservoir inépuisable d'histoires trompeuses dans lequel puiser pour diffuser des messages de complot et de haine. On peut se poser la question de savoir le pourquoi de cette campagne de désinformation et tenter de trouver des solutions pour y remédier ? Il est nécessaire de tenter de décrypter les dessous de ce conflit informationnel impactant non seulement la famille royale mais aussi les domaines économique et politiques outre-manche.
Vague de fake news
La semaine qui a suivi la mort d'Elizabeth II, la société Zignal Labs a fait état de 76.000 mentions de la reine associée à Jeffrey Epstein. Cet individu et sa complice Ghislaine Maxwell avaient été condamnés pour trafic sexuel aux Etats-Unis en 2021. Les récits liant Elizabeth II à des faits de pédophilie, à Hillary Clinton et aux vaccins contre le COVID-19 étaient eux mentionnés respectivement à hauteur de 42.000, 8.000 et 7.000 fois. La famille royale a toujours été sujette à ce type d’attaque. Cependant dans ce cas précis, la force des attaques est plus importante.
Des théories nombreuses et improbables
Certains ont imputé la mort d’Elizabeth II au vaccin contre le coronavirus, au même titre que pour le décès des acteurs américains Betty White et Bob Saget. D’autres ont tenu Hillary Clinton pour responsable, alléguant que la souveraine aurait eu en sa possession des dossiers compromettants sur l’ancienne candidate à la Maison Blanche. Il s’agit d’une théorie du complot ancienne selon laquelle les Clinton feraient assassiner leurs opposants politiques. Ceux qui adhèrent aux idées de la nébuleuse QAnon ont associé la mort de la reine à leurs convictions, selon lesquelles il existe un complot mondial sataniste et pédophile, s’en servant pour valider par la même occasion, la légitimité de leur mouvement.
Une personnalité à la longévité exceptionnelle cible habituelle des fake-news
L'incroyable longévité d'Elizabeth II a toujours été mise en avant, beaucoup peinant à imaginer son décès. Une mort mainte fois annoncée, mais qui ne s'était jamais vérifiée jusqu'à aujourd’hui. Les exemples de ces infox ne manquent pas. En février dernier, un média people américain indiquait que la reine venait de rendre l'âme. Une rumeur qui fut démentie sans tarder. En 2015, c'est une journaliste de la BBC qui tweetait à propos du probable décès d'Elizabeth II. Un message pris très au sérieux, puisque la radio britannique est reconnue pour son professionnalisme et sa proximité avec l'entourage de la famille royale. Là encore, il s'agissait d'une fausse alerte : le post mis en ligne sur les réseaux sociaux avait été posté publiquement par erreur. Cette « bévue » serait apparue lors d’un exercice de simulation du décès de la reine.
Raison de la désinformation
Lorsqu'un événement important se produit, un militant ou opposant tente toujours de trouver un l’angle appuyant la thèse qu’il défend. Ce processus est connu et décrit par Mike Caulfield, spécialiste de la désinformation au Center for an Informed Public (CIP) à l'Université de Washington. De plus la situation géopolitique mondiale instable avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine et le récent BREXIT créent un climat propice aux campagnes de désinformation à grande échelle.
Conséquence des campagnes de désinformation
L'information en continue sur la souveraine et son influence mondiale expliquent en partie la popularité des théories du complot autour de sa mort. Les mouvements antimonarchiques sont nombreux dans le monde et la production de fausses informations semble permettre d’affaiblir l’arrivée du nouveau monarque à la tête du royaume britannique. La situation géopolitique du Royaume-Uni est sensible actuellement. Le BREXIT, les tensions économiques, l’instabilité politique et l’arrivée d’un nouveau souverain sont propices à la fragilisation de la couronne britannique tant sur le plan politique et qu’économique. Ainsi l’ajout de ces campagnes de désinformation fragilisent l’écosystème britannique de façon non négligeable à l’échelle de ce pays.
Des méthodes toujours plus pointues
Les différents modes d’actions sont nombreux et évolutifs. Le blanchiment d’informations est au cœur de la propagande. Ce mode d’action est développé aujourd’hui dans le champ informationnel. Il arrive que des individus ou des médias occultent volontairement la source d’une information, parfois dans le but de tromper. La fausse histoire sur les laboratoires en Ukraine servant à fabriquer des armes biologiques est un bon exemple.
La stratégie des captures d’écran manipulées lors de la crise du Covid a été très souvent utilisée pour manipuler la population sur les réseaux sociaux. Enfin l’usurpation d’identité, la dissimulation de la propagande au milieu d’articles anodins ou encore la manipulation des faits et des images sont autant de techniques utilisées sur internet pour renforcer les nombreuses campagnes de désinformation. Ainsi il est complexe de démêler le vrai du faux et les impacts sur la vie politique et économique des Etats deviennent plus marqués. Les nouvelles technologies pourraient peut-être aider à sortir de ce cercle vicieux.
L'IA contre les fake news et la désinformation
Aux Etats-Unis, le site d’informations généralistes Californien utilise le programme « Knowhere » qui identifie les sujets populaires sur le net issu de différents médias. Il classe ses sources par ordre de confiance et rédige des articles qui sont ensuite relus et corrigés par des éditeurs humains. L’augmentation des réseaux sociaux et des sources de fake news impliquent l’utilisation de moyens de calcul puissant pour tenter de limiter la circulation de ces informations. Le gouvernement américain développe une technologie d'IA pour démasquer les écrivains anonymes afin de permettre le suivi des campagnes de désinformation et d'autres activités malveillantes en ligne. Les GAFAM et en particulier FACEBOOK a dû développer de nouveaux algorithmes d’analyse pour filtrer les fausses informations sur la toile.
La France n’est pas en reste. Avec une technologie basée sur l'apprentissage profond, la jeune société française BUSTER AI propose une solution innovante pour détecter ces fakes. Des applications dans le domaine du renseignement et dans le champ informationnel militaire pourraient aussi être développés à l’avenir en partenariat avec les armées françaises et les industriels français de l’IA. Les avancées technologiques en découlant pourraient aider le monde civil à l’avenir.
Lutter contre les fakes news
Il existe des moyens pour ne pas tomber dans le piège de la désinformation. Les organisations d'éducation aux médias recommandent de comparer les publications en ligne à des sources d'information fiables et de marquer une pause avant de les partager sur les réseaux sociaux. L’emploi des solutions à base d’IA est voué à se développer dans l’avenir proche et à long terme.
Le flux de données va augmenter de façon exponentielle dans les années futures. Cette recherche de vérité est essentielle dans tous les domaines de notre société (économique, politique et militaire). Les Etats sont obligés de prendre en compte cette menace ravageuse. Lors des élections présidentielles américaine (2016) et française (2018), les impacts ont été importants médiatiquement et politiquement.
Les Etats en lutte
Face à ces menaces, les démocraties tentent de se renforcer. Le Parlement britannique a mis en place une commission d’enquête. Le Parlement allemand a légiféré. Les autorités italiennes ont mis en place une plateforme de signalement de fausses nouvelles. La France a établi une loi contre la manipulation de l’information en 2018. A Bruxelles, la Commission européenne travaille sur le sujet depuis de longues dates.
Le code de bonnes pratiques de 2022 en matière de désinformation a été signé par 34 signataires. Il appartient à ces derniers de décider quels engagements ils souscrivent. Il est en effet de leur responsabilité d’assurer l’efficacité de la mise en œuvre de leurs engagements. C’est un outil intéressant par lequel les acteurs concernés de l’industrie se sont mis d’accord pour lutter contre la désinformation (44 engagements et 128 mesures : Démonétisation, publicité politique, intégrité des services, Centre de transparence et task-force, etc). Ce combat de tous les instants est devenu le lot quotidien de tous les grands acteurs politiques, économiques et militaires mondiaux.
L'explosion du phénomène
Au vu de la recrudescence des campagnes de désinformation et malgré l’emploi accru des nouvelles technologies pour réguler mais aussi pour diffuser ces menaces, le combat n’est-il pas déjà perdu d’avance ? En effet, le monde générera 23 fois plus de téraoctets de données par an en 2030 qu'en 2020. Par conséquent, l’évolution et la régulation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) directement liées au phénomène de désinformation doit se concevoir dans les 3 dimensions (humaines, technologique et fonctionnelle). Sans cette approche tridimensionnelle, le combat sera délicat à remporter. Cette lutte doit partir du plus haut niveau (Etats, grandes instances internationales) et ruisseler au plus bas niveau de la population mondiale « simple tweeter ». Sans une prise de conscience collective avec des actions fortes multiniveaux et multi-domaines, cette guerre sera longue voire impossible à gagner. Le récent achat de Twitter par Elon Musk peut illustrer parfaitement cette problématique de vérification et de contrôle des informations. « L’oiseau est libéré », a tweeté le milliardaire pour officialiser l’opération. Opportunité ou recul ?
Thomas Gratiolet (MSIE 40 de l’EGE)