Les luttes d’influence en Mongolie dans le cadre du projet Force de Sibérie 2 (Сила Сибири 2)
Le 3 septembre 2024, Vladimir Poutine a réalisé une visite officielle en Mongolie. Cette visite est commentée en France comme un pied de nez à la Cour pénale internationale (CPI) et aux occidentaux puisque la Mongolie n’a pas respecté ses engagements auprès de la CPI qui a émis un mandat d’arrêt international contre le président russe. La visite officielle intervient dans un contexte où la Russie entreprend un pivot oriental et essaye de réorienter ses exportations énergétiques vers la Chine. Depuis plusieurs mois, les doutes planent sur le projet phare de cette réorientation : Force de Sibérie 2 (aussi FS-2, Power of Siberia 2, ou en russe : Сила Сибири 2). Ce gazoduc doit permettre de relier les champs gaziers de l’Altai en Sibérie centrale et la Chine, et la route envisagée devrait traverser la Mongolie. Alors que les aspects géopolitiques de ce projet sont extrêmement lourds, les Russes, les Chinois et les Occidentaux sont dans une lutte d’influence sur les plaines mongoles pour défendre leurs intérêts respectifs. Quels sont ces intérêts et quelles sont les capacités d’influence de ces puissances extérieures dans le cadre du projet Force de Sibérie 2 en Mongolie ?
Force de Sibérie 1 (a), Force de Sibérie 2 et ses deux variantes : directement sur le territoire de la Chine (b) et via l'Altaï et la Mongolie (c).
La lutte pour la souveraineté de la Mongolie
La Mongolie a certes une histoire millénaire qui a marqué l’histoire politique de nombreux pays, mais son indépendance est, elle, très récente. Elle a passé les 300 dernières années presque exclusivement sous le contrôle des empires voisins chinois ou russes. La révolution démocratique et pacifique de 1990 l’a finalement émancipée de l’URSS ; mais cette émancipation reste relative. En effet, la Mongolie, 3,4 millions d’habitants, est un pays enclavé entre deux géants, l’un 43 fois plus peuplé, l’autre 414 fois. La Chine héberge même une population mongole plus importante. Sa situation géographique entraine une double dépendance extrême envers ses deux voisins. 90 % de ses exportations sont dirigés vers la Chine alors que ses importations énergétiques sont presque exclusivement dépendantes de la Russie : 1/4 de l’électricité, 90 % du pétrole, et près de 100 % du gaz.
L’existence même de la Mongolie est le fruit de la volonté de ses deux voisins. Bien que les relations entre la Chine et la Russie ne soient actuellement pas belliqueuses, la Mongolie est le stéréotype d’un État tampon. Aussi sa politique étrangère est adaptée à cette situation spécifique et dispose de trois choix. Institutionnaliser sa neutralité, se rapprocher de l’une des puissances voisines ou s’appuyer sur des puissances étrangères. La Mongolie a choisi la première et la dernière stratégie. D’abord, par son action diplomatique multilatérale au sein de l’ONU et d’autres structures internationales. Mais aussi par le refus de rejoindre certaines organisations régionales pilotées par l’une des deux puissances voisines, comme l’Organisation de Coopération de Shanghai ou l’Union Économique Eurasiatique. Mais elle s’est aussi ouverte plus directement à des puissances étrangères par des relations bilatérales avec notamment le Japon, les États-Unis ou des pays de l’Union européenne.
Doctrinalement, cela se traduit par la diplomatie du troisième voisin qui vise à limiter sa dépendance sur ses deux voisins par une diversification des relations politiques et économiques. Les investissements directs étrangers (IDE) ont explosé à la chute de l’empire soviétique, ce qui a déclenché un boom de l’activité minière. Mais après le constat du manque de retombées positives des politiques néolibérales sur l’économie nationale, le mal nommé nationalisme des ressources est monté en popularité en Mongolie, entraînant une montée des taxes, des disputes entre le gouvernement et des investisseurs, des renégociations de contrats et une pression populaire amenant à une réduction des IDE étrangers et surtout occidentaux. La recherche de désenclavement reste un invariable de la politique mongole et le projet des nouvelles routes de la soie chinoise peut y prendre son sens puisqu’il permet une diversification de ses exportations et des investissements massifs dans les infrastructures. Mais comme tous les projets en Mongolie, l’épée est à double tranchant et elle permettrait aussi à la Chine de cristalliser son influence et pose donc des enjeux de souveraineté à ce pays qui a tant de mal à l’affirmer.
Un héritage historique protecteur
Certaines spécificités culturelles de la Mongolie ont eu un retentissement particulier sur sa géopolitique et sur les projets d’infrastructures et d’exploitation de ressources naturelles dans le pays. La religion majoritaire du pays est le bouddhisme tibétain, avec environ la moitié du pays qui s’en réclame. Malgré sa paternité dans le territoire chinois actuel, ce lien fort entre la Mongolie et la Chine est plutôt source de tension. La visite du chef spirituel tibétain, le Dalaï-lama, à Oulan-Bator en 2006 a par exemple éveillé la colère de Pékin. De même, les liens ethniques et culturels de la Mongolie avec les régions chinoises de Mongolie intérieure et du Xinjiang ne sont pas source de dynamiques positives. Si des mouvements internes du bouddhisme tibétain en Mongolie ont concilié spiritualité et activités économiques extractives, les croyances religieuses bouddhistes comme chamaniques jouent aussi un rôle dans les débats autour des projets d’infrastructure et d’exploitation de ressources naturelles. Des licences d’exploitation minière ont ainsi déjà été retirées dans des zones considérées comme sacré suivant une pression locale et de divers organismes. Cela fut le cas de la montagne Noyon-Uul en 2021, sanctuarisée officiellement pour y empêcher tout développement futur.
La longue tradition nomade pastorale des Mongols se perpétue encore dans les steppes de ce pays d’environ trois fois le territoire métropolitain français. Le nomadisme et le mode de vie traditionnel y sont culturellement très respectés, y compris dans la capitale, mais ont encore du mal à trouver des relais dans l’élite d’Oulan-Bator. La Terre est aussi un élément central de l’identité culturelle et spirituelle mongole. L’ouverture de la gigantesque mine d’Oyu Tolgoi opérée par l’anglo-australien Rio Tinto a ainsi été fortement affectée par la pression d’éleveurs nomades soulevant des considérations environnementales nuisant à leur activité. Cette pression, soutenue par quelques moines bouddhistes, mais surtout par des ONG locales et internationales, a abouti à un accord historique entre des éleveurs, le gouvernement mongol et l’une des plus grandes multinationales mondiales, au bénéfice des locaux.
Ces exemples révèlent une anomalie : en Asie centrale, la Mongolie dispose d’une société civile active et expressive. Ses revendications réussissent à se faire entendre et à avoir un impact concret sur des décisions politiques et économiques, et particulièrement sur des projets de grande ampleur comme les projets d’infrastructure. Autre anomalie dans la région, la Mongolie a un système démocratique solide. Et sa forme locale s’est révélée résistante à des tactiques d’ingérence agressives utilisées avec succès par la Russie ailleurs dans ce qu’elle qualifie de son étranger proche. Le système politique particulier de la Mongolie avec ses élections régulières et sa société civile active a sanctuarisé la séparation des pouvoirs et octroyé une forte importance au Grand Khoural d’État (le Parlement). Cela permet une dilution du pouvoir qui rend plus complexe l’influence directe de la Chine ou de la Russie sur des personnalités clés pour favoriser la réalisation de grands projets d’infrastructures. Aussi, en raison de leur histoire, les Mongols, soient-ils dans la société civile ou dans des positions de pouvoir, maintiennent une méfiance envers les tentatives de domination étrangère et cherchent à protéger leur souveraineté.
Les opportunités et les contraintes autour du projet «et Force de Sibérie 2 »
Le projet d’un gazoduc reliant les champs gaziers de l’Ouest sibérien à la Chine remonte à 2006. Alors nommé Altaï, il devait connecter directement les deux pays en passant par la région éponyme, lieu d’une frontière commune étriquée entre le Kazakhstan et la Mongolie. La Chine et la Russie souhaitaient éviter de passer par un pays transit, cela permettant un meilleur contrôle et d’éviter une redevance au pays intermédiaire, donc une meilleure sécurité et un coût réduit. Mais la réalisation du projet prend du retard, freinée par des ONG locales et internationales comme WWF et Greenpeace, des scientifiques et des organisations internationales comme l’UNESCO. Des routes alternatives sont donc envisagées par le Kazakhstan qui se montre très intéressé et par la Mongolie qui y voit aussi un intérêt. Le projet, renommé Force de Sibérie 2 (en russe : Сила Сибири-2), devra finalement passer par la Mongolie où le gazoduc pourra compléter les infrastructures des nouvelles routes de la soie (OBOR) promues par la Chine en substantivant les accords sur le corridor économique Chine-Mongolie-Russie (CMREC), signés en 2016.
Le CMREC et Force de Sibérie 2 entrent parfaitement dans la politique mongole du Steppe Route Programme de 2014 qui vise à utiliser la position géographique stratégique du pays pour devenir un corridor de transit entre la Chine et la Russie. Le passage du gazoduc sur le territoire mongol avait donc été largement promu par le Président mongol Khürelsükh Ukhnaa. Depuis 2019 et la confirmation du choix du pays transit, une partie des négociations se fait en format tripartite. Mais la Mongolie reste un acteur mineur et ce sont bien les deux pays producteurs et clients qui gardent les clés du projet. Le pouvoir de la Mongolie se concentre sur les détails de transmission du gaz et ici encore, la substituabilité du pays transit rend sa marge de négociation très limitée. Corridoriser la Mongolie avec ce gazoduc doit permettre d’obtenir des recettes rentières importantes liées au droit de transit, mais aussi une modernisation des infrastructures énergétiques mongoles, et de diminuer sa dépendance au charbon qui est un problème majeur à Oulan Bator, capitale la plus polluée du monde. FS-2 devrait en outre créer des emplois, permettre de bénéficier de coûts énergétiques préférentiels et de renforcer la souveraineté et la puissance régionale en bénéficiant d’une position stratégique d’intermédiaire.
Force de Sibérie 2 présente aussi son lot de challenges pour la Mongolie, ce qui a entrainé la levée de voix critiques dans la société et au Grand Khoural d’État. Les bénéfices sur la souveraineté sont d’abord remis en question. La violence des actions russes sur d’autres pays transits peut inquiéter et pose question sur la possibilité d’exercer une quelconque souveraineté hors de la volonté russe. Aux vues de la très faible puissance mongole, le gazoduc pourrait donner des envies aux deux grandes puissances d’établir un contrôle politique strict sur le pays de transit afin de garantir la sécurité et le prix des approvisionnements, et il est difficile d’imaginer comment la Mongolie pourrait résister à leur pression. De même, le projet pourrait encore accroitre la dépendance énergétique déjà extrême au voisin russe. Les promesses économiques non tenues des projets miniers des années 90 sont encore dans les mémoires et il est aussi craint que les retombées économiques ne soient mal gérées et ne bénéficient pas à la population. Autre parallèle avec ces projets sont les craintes liées aux risques environnementaux, à la menace sur le mode de vie nomade dont les steppes seraient découpées par les tuyaux, à l’impact culturel et social du projet ; des thèmes qui ont un retentissement particulier en Mongolie.
Les appétits russes
La Russie a hérité d’une position unique sur le supercontinent eurasiatique. Son territoire continental s’étend de part et d’autre, joignant par la terre deux espaces culturels, de production et de consommation. Elle est résolument tournée vers l’espace eurasiatique, avec une doctrine forte et largement plébiscitée au sein des élites russes, l’Eurasisme. En 2011, V. Poutine déclare même avoir comme objectif la création d’une puissante Union eurasiatique, concurrente de l’Union européenne, qui deviendrait l’un des pôles principaux du monde multipolaire de demain. Mais depuis la chute de l’URSS, elle n’a cessé de perdre en influence dans tout l’espace, les anciennes républiques socialistes soviétiques constituant désormais un ensemble désuni de territoires indépendants et aux aspirations variées tout autour d’elle. Ses initiatives d’intégration régionales (CEI, Union de Défense Eurasienne, EAEC…) ont largement échoué. Des projets que la Mongolie, avec sa politique de neutralité, a toujours refusé d’intégrer. À travers sa vision multipolaire, l’ambition régionale russe n’est pas simplement d’être influente, mais de devenir l’hégémon. Mais avec sa position géographique particulière, excentrée du pôle de puissance en Russie occidentale, proche d’un autre avec la Chine, la Mongolie n’appartient pas exactement au concept d’étranger proche, elle se situe en bordure de l’espace d’influence russe revendiqué.
Avec son absence d’accès à la mer, enjeu essentiel pour la Russie, la Mongolie possède donc quelques caractéristiques qui limitent les aspirations russes de puissance sur le territoire. Sa position demeure stratégique, notamment en termes de sécurité, avec une frontière commune qui s’étend sur près de 3500 km. Les capacités d’influence russes sont aussi limitées puisque le modèle démocratique efficace limite la stratégie russe souvent orientée sur les élites nationales ou les despotes. De même, la Mongolie ne possède pas de large minorité russophone ou ethniquement russe. Depuis les années 2010, les incohérences de la politique étrangère russe, qui souhaite inspirer la confiance pour construire des relations de partenariat d’égal à égal sur les bases du respect de la souveraineté, entrent en opposition avec ses actions de domination par la force. Avec le passif soviétique, cela contribue à entretenir un climat de méfiance vis-à-vis de la Russie. Sans confiance, des pays comme la Mongolie ont recours à la compétition entre les différentes puissances environnantes afin d’extraire des bénéfices, une assistance et de meilleurs termes contractuels. Mais la Russie, superpuissance énergétique, dispose d’une influence considérable par ce vecteur sur la Mongolie comme sur d’autres de ses voisins.
L’empire soviétique puis la Russie ont installé des réseaux de transit tentaculaires afin d’acheminer énergie et matières premières hydrocarbonées – au premier rang desquels le gaz – vers l’Europe occidentale. De l’autre côté de la Sibérie, les réseaux sont presque inexistants. Installer des gazoducs aurait été très coûteux, aurait dû couvrir des distances gigantesques, sans grands foyers de consommation domestique intermédiaires et avec un voisin aux relations tumultueuses qui n’avait pas le besoin de tels approvisionnements ni n’avait moyen de les rétribuer. Depuis l’avènement de la Russie post-soviétique et le réveil de la Chine, la Russie a cependant cherché à accroitre sa capacité d’exportation et à diversifier sa clientèle. Ainsi, des projets ont émergé pour enfin relier la Chine et la Russie. Des projets dont l’urgence d’exécution devient critique devant la fermeture progressive des marchés européens depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Force de Sibérie 1 est déjà en fonction depuis 2019. Il permet déjà une compensation limitée des pertes des marchés européens et est encore loin de son plein potentiel. À pleine capacité, Force de Sibérie 2, avec une capacité équivalente à celle de Nord Stream 1, pourrait compenser plus de la moitié des pertes d’exportations de gaz russes en Europe entre 2021 et 2023. Les contraintes de la guerre et des sanctions entraînent un changement des rapports de puissances avec la Russie. Ici réside la synergie principale et l’intérêt de la Russie dans le projet.
Des approches occidentales dispersées
Les occidentaux sont marqués par une multiplicité d’acteurs aux intérêts variés et parfois opposés et souvent en concurrence. L’ouverture de la Mongolie vers l’étranger et sa politique du troisième voisin ont permis à de nombreux acteurs occidentaux nationaux et transnationaux d’entretenir des relations diplomatiques étendues avec le gouvernement et aux entreprises de s’implanter localement, notamment pour l’exploitation minière. Parmi les acteurs occidentaux, certains ont pour objectif la défense de certaines valeurs (démocratie, écologie, transparence, lutte contre la corruption). Il s’agit de certains États, mais aussi d’organisations internationales dominées par les occidentaux. Les programmes d’aide au développement USAID, MCC, de l’AFD, ceux de la Banque Mondiale et de la Banque asiatique de développement sont aussi conditionnés à des exigences liées à la RSE, à la transparence des institutions et à la démocratie. Les ONG jouent aussi un rôle en Mongolie, dont The Asia Foundation, WWF, Save the Children, Transparency International et Greenpeace, qui défendent chacune des causes spécifiques allant de la lutte contre la corruption à la protection de l’environnement en passant par la lutte contre la malnutrition.
D’autres défendent des intérêts économiques. On retrouve un ensemble d’acteurs privés comme des entreprises transnationales minières qui ont des intérêts importants en Mongolie ; les États y jouent aussi un rôle. Depuis la stabilisation de la démocratie mongole et la réduction de l’attractivité du secteur minier pour les investisseurs étrangers, les Américains ont perdu en intérêt dans le pays, mais leurs entreprises restent engagées. Le Japon, le Canada, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sont aussi présents. Des acteurs internationaux comme la Banque Mondiale ont contribué à réformer le secteur minier vers plus d’ouverture selon des principes néolibéraux, favorisant l’implantation d’entreprises étrangères. Les entreprises minières comme Rio Tinto, Engie ou Siemens sont très exposées sur le marché mongol et défendent aussi leurs intérêts en promouvant une plus large ouverture du pays, une diminution des taxes et en entrant en concurrence avec les autres acteurs. Les entreprises occidentales ont cependant peu de chance d’être impliquées dans le développement de FS-2 puisque la technologie de gazoduc terrestre est maitrisée par Gazprom, que ce dernier préfère limiter les collaborations avec les entreprises étrangères et que le financement dépendra des seuls investisseurs russes et chinois. De plus, en raison du monopole énergétique russe en Mongolie déjà existant, cette nouvelle source d’approvisionnement ne contredirait pas les intérêts actuels des entreprises occidentales, hormis sur quelques projets liés aux nouvelles énergies.
Enfin, on retrouve les intérêts géopolitiques des États. En Mongolie et particulièrement autour du projet FS-2, les enjeux géopolitiques sont particulièrement lourds pour les occidentaux. Les États-Unis et ses alliés soutiennent l’Ukraine contre la Russie et ont mis en place des sanctions contre cette dernière, y compris dans le domaine énergétique. Ces sanctions ont un impact significatif sur les revenus de l’État russe et sa capacité à soutenir l’effort de guerre, mais ont aussi un impact important en Europe avec une cascade de conséquences, et en particulier un coût de l’énergie plus élevé. De même, une orientation des exportations russes vers un client unique, la Chine, entrainerait un degré accru de dépendance de la Russie et contribuerait à rapprocher les deux pays, ce qui est contre les intérêts américains et occidentaux. Pour ces raisons, un remplacement de l’Europe par la Chine comme marché consommateur représente un risque majeur.
La pression immanente de la Chine
La Chine est désormais le principal partenaire commercial de la Mongolie et absorbe plus de 85 % de ses exportations. Mais pour la Chine, la Mongolie ne représente qu’un enjeu parmi d’autres. De même que la Russie, la Mongolie en tant qu’état limitrophe et état tampon joue un rôle important dans son espace de sécurité. Mais sa réelle utilité pour les ambitions chinoises se révèle à travers le projet OBOR (One Belt, One Road). À travers ce projet, la Chine souhaite multiplier ses moyens d’accès au marché Européen. Le vaste projet prévoit l’implantation, la rénovation et le développement de routes maritimes et terrestres pour relier la Chine à l’Europe. Un point important de ce dernier est la redondance. Les routes terrestres doivent permettre de remplacer les routes maritimes dans le cas de leur disruption, puisque la Chine ne dispose pas des moyens de contrôle suffisants pour en garantir l’accès face à d’autres puissances. De même, les routes terrestres entre elles doivent permettre une redondance du système et garantir que si l’une des routes rencontre des difficultés, les autres puissent absorber la charge et garantir le maintien des échanges Est-Ouest. Ainsi, s’il existe d’autres routes permettant d’atteindre les foyers de consommation européens par diverses routes en Asie centrale, la route mongole propose des avantages importants en étant plus courte que celle passant directement par la Russie à l’Est, en permettant un raccord sur la route nord qui offre une plus grande capacité de transit et en limitant les intermédiaires comme celles d’Asie centrale.
La situation géographique de cette route permet aussi des avantages considérables puisqu’elle permet de relier des vastes zones boisées de Sibérie dont la Chine est un importateur massif. Les exportations de Sibérie, dont le bois, cumulées aux exportations mongoles, permettent donc de tirer profit de la route retour vers la Chine qui, en raison du déficit commercial entre l’UE et la Chine, implique qu’un nombre conséquent de cargos au départ de l’Europe est et sera à vide. Enfin, OBOR, qui est principalement un réseau d’infrastructures routier, ferroviaire et maritime, permet d’importantes synergies avec le développement d’infrastructures de transport énergétique, dont le gaz. Mais la question de la sécurisation de son système d’approvisionnement reste centrale pour la Chine. Si le projet FS-2 entre en parfaite synergie avec la partie mongole et son extension russe des infrastructures OBOR, il entrainerait une dépendance plus élevée de la Chine à la Russie, ce qui pousse la partie chinoise à la méfiance. FS-2 n’est pas le seul projet de gazoduc pour améliorer la sécurité énergétique chinoise, il existe plusieurs autres projets en Asie centrale, dont plusieurs doivent passer par le Turkménistan, comme le gazoduc transcaspien qui pourrait permettre d’acheminer du gaz depuis l’Azerbaïdjan et le Central Asia Gas Pipeline en partie opérationnel.
La Chine dispose d’avantages exceptionnels dans les luttes d’influence autour du projet FS-2. Elle dispose d’abord de capitaux pour financer des projets d’infrastructures importants, d’une stratégie claire et ambitieuse, d’une attractivité liée à son foyer de consommation et à ses capacités d’export et surtout de temps. Contrairement à la Russie qui a besoin de stabiliser ses cashflows et de remplacer rapidement ses clients en raison de la guerre en Ukraine, la Chine peut user de sa position et mettre en concurrence les acteurs dans son intérêt pour obtenir de l’énergie à bas coût et dans de meilleurs termes. La Chine doit aussi concilier avec les intérêts occidentaux qui restent un partenaire commercial majeur et la destination des routes de la soie. Cela peut avoir des conséquences de ralentissement sur le soutien aux projets bénéficiant à la Russie comme FS-2.
Les risques de dépendance durable à l’égard de puissances extérieures
Si la Mongolie a en effet son propre agenda qui a des synergies positives avec OBOR et le projet Force de Sibérie 2, elle n’est pas exempte d’influence étrangère, surtout au regard de l’asymétrie des rapports de force. Afin d’influer sur le processus décisionnel et de promouvoir leurs intérêts en Mongolie, les puissances étrangères (privées ou publiques) usent d’un arsenal de techniques qui peuvent être utilisées dans des projets majeurs comme FS-2. Le premier ordre d’influence découle d’une influence à la mise en dépendance qui passe majoritairement par des volets économiques. D’abord, en termes d’approvisionnements et de débouchés économiques, la dépendance de la Mongolie à ses deux voisins entraine un encerclement de sa souveraineté et des capacités de pression extrêmes. Aussi, ces deux pays et d’autres puissances ont réussi à obtenir un contrôle sur une partie des ressources naturelles du pays par des IDE massifs permettant le contrôle de pans internes de l’économie. Des compagnies comme Rio Tinto peuvent ainsi menacer la fermeture de sites ou des licenciements pour faire pression, en outre, la Russie a aussi montré qu’elle était prête à utiliser son contrôle sur les infrastructures énergétiques pour faire pression sur des pays cibles. En Mongolie aussi, la Russie a été accusée d’avoir interrompu volontairement l’approvisionnement en gaz durant l’hiver 2023-2024 pour promouvoir ses intérêts.
Les investissements étrangers, comme dans le projet FS-2, s’accompagnent souvent de promesses comme des emplois locaux, des retombées positives pour la population, un coût de l’énergie plus bas et un accroissement du développement économique, des éléments qui sont organiquement repris par les décideurs locaux pour susciter l’engouement populaire. De tels projets s’accompagnent en contrepartie de clauses engageantes pour le pays transit, des clauses spécifiques qui sont, elles, rarement divulguées et comprises par le déroulé du projet. Des clauses similaires peuvent aussi avoir été implémentées dans les projets d’infrastructures terrestres et ferroviaires liées à OBOR et financées par la Chine ou dans d’autres projets énergétiques russes et servir à promouvoir FS-2. Elles peuvent favoriser les entreprises des pays financiers, donner un accès privilégié aux ressources naturelles mongoles, conditionner le remboursement et le refinancement, déterminer les prix d’achats et les tarifs de transit et inclure des engagements diplomatiques et géopolitiques. Autant de limitations qui entraînent une réduction de la souveraineté mongole au profit des acteurs de ces projets et contribuent à influencer le pays par une mise en dépendance. La transparence de ces contrats est donc essentielle à la compréhension des enjeux par la population.
Enfin un moyen de pression étranger important se situe au niveau de la dette. La diplomatie de la dette est une stratégie utilisée par la Chine pour renforcer son influence sur les politiques économiques et étrangères des pays dans lesquels elle investit. Bien que le faible endettement (60 %) de la Mongolie limite ces pressions, le pays reste vulnérable à des prêts conditionnels pour financer ses projets d'infrastructure, qui sont essentiels pour son développement. La Chine, par exemple, octroie des prêts à des taux attractifs pour des projets de transport selon des clauses similaires à celles précédemment mentionnées. Cette dynamique crée une dépendance progressive, qui peut déjà être utilisée pour promouvoir les intérêts chinois sur des projets comme le FS-2, mais qui monte en puissance à mesure que de tels projets sont créés. Malgré les tentatives de diversification économique du gouvernement mongol, en raison de la taille des marchés de ses voisins et du besoin critique de financements pour les infrastructures, elle reste fortement vulnérable aux influences économiques liées aux débouchés, aux investissements et à la dette qui permettent aux puissances étrangères d'influencer les orientations stratégiques de la Mongolie dans un cadre de dépendance partielle.
La confrontation des jeux d’influence extérieurs
L’influence conséquente de la Chine liée à la puissance de son économie et de sa population lui permet une capacité d’attraction qui nécessite moins d’action directe de sa part. Aussi, au regard de sa stabilité et de ses intérêts, elle dispose d’une capacité de patience stratégique qui lui permet une approche plus douce. La Russie est dans une situation différente avec ses impératifs géopolitiques et avec son approche des relations internationales. S’appuyant sur les liens historiques entre la Mongolie et la Russie, sur la dépendance énergétique et militaire et sur une partie de l’élite politique mongole pro-russe, la Russie a tenté de promouvoir ses intérêts aux plus hauts lieux de l’État mongol en s’appuyant sur un modèle qu’elle a utilisé dans d’autres anciennes républiques soviétiques. Ce modèle repose sur un soutien fort à des personnalités clés jusqu’à leur accession au pouvoir. En échange de politiques pro-russes, la Russie soutient ensuite le régime en place, y compris par une assistance militaire lors de révoltes populaires. Outre les raisons de moyens employés insuffisants, ces techniques ont échoué en Mongolie en raison de la robustesse du système démocratique et de la séparation des pouvoirs qui ont permis de retirer du champ politique et d’empêcher l’émergence de personnalités trop fortement corrompues ou vassalisées par Moscou.
Après les élections de 2024 et malgré l’importance du projet pour la Russie, le gouvernement mongol a retiré Force de Sibérie 2 de son plan de développement à long terme jusqu’en 2028 dans l’attente d’un accord final entre la Russie et la Chine sur le projet. À la suite de ces événements et dans le contexte d’un mandat d’arrêt international par la Cour Pénale Internationale (CPI) à l’encontre de V. Poutine. Ce dernier a effectué une visite officielle en Mongolie en septembre 2024. Cette visite avec pour but le développement des relations entre les deux pays réaffirme l’influence russe dans le pays et ses intérêts alors que le projet de gazoduc semble à l’arrêt et que l’influence chinoise et des troisièmes voisins est croissante. Par cette simple visite, Moscou a envahi l’espace informationnel. En révélant la faible souveraineté, elle diminue la crédibilité de la Mongolie devant ses autres partenaires et renforce la position de Moscou. La Mongolie devant justifier de la non-arrestation du chef d’État russe malgré le mandat de la CPI, alors que se déroulent dans sa capitale des commémorations militaires de la victoire soviéto-mongole sur le Japon.
Les autres puissances aussi font valoir leurs intérêts au plus haut niveau de l’État mongol, notamment lors de rencontres bilatérales largement médiatisées. On peut citer pour cela la visite d’E. Macron en 2023, première visite d’un chef d’État français en Mongolie. Avec son homologue mongole, ont été évoqués des projets de coopération et des facilitées de financement de la transition écologique avec des projets d’énergie renouvelable et nucléaire. De tels projets pourraient diversifier le mix énergétique mongol, diminuer la dépendance à la Russie et concurrencer les apports du projet FS-2. A. Blinken a aussi visité la Mongolie en 2023, assurant vouloir accroître la présence et l’influence américaine dans le pays pour contrebalancer l’influence russe et chinoise. Alors que le pays est normalement peu visité par les chefs d’État, ces différentes visites témoignent de la compétition d’influence entre des grandes puissances et de l’intérêt que suscite la Mongolie.
La société civile sous l’influence des ONG
La structure de la société civile mongole précédemment évoquée avec son système démocratique robuste, sa liberté d’expression et sa population impliquée dans la vie politique du pays la rend plus perméable aux influences occidentales. Une situation profitable pour ces derniers qui leur permettrait d’exercer une influence, même si limitée, sur le projet gazier. La société civile mongole est certes active, mais encore jeune et, comme pour le reste du pays, en manque de financement et de structuration. Cela permet de fortes synergies avec les ONG internationales et d’autres structures internationales. Le premier levier d’action occidental est financier. Par les choix de financement de projets sur des thématiques précises, les organisations ou les fondations étrangères disposent d’un premier levier d’action pour orienter les débats nationaux. Les financements peuvent aussi servir à gagner en pouvoir au sein des structures en devenant des parties prenantes importantes et des acteurs de référence.
Les ONG et fondations occidentales peuvent également apporter leur soutien d’autres manières en servant de soutien aux ONG locales. En effet, les associations locales ont souvent une bonne connaissance du terrain, mais peinent à faire entendre leur discours ou à promouvoir leur agenda auprès des sphères décisionnelles. Les organismes occidentaux peuvent ainsi leur apporter une expertise sur les impacts environnementaux pour crédibiliser leur discours et les aider par la qualité de leurs réseaux à atteindre les décideurs en agissant comme courroie de transmission informationnelle. Auprès du grand public aussi, les ONG occidentales très reconnues et bien financées peuvent élargir l’écho médiatique des revendications des ONG locales et favoriser un soutien populaire. Dans le cadre du projet FS-2, de fortes synergies émergent entre les associations écologistes locales, les associations promouvant le nomadisme et les ONG internationales. En effet, les premières permettent une crédibilité du discours, un ancrage local et une reconnaissance culturelle alors que les secondes ont des moyens beaucoup plus avancés qui permettent au discours d’être entendu. Les organisations occidentales ont ainsi un rôle à jouer pour permettre la meilleure intégration de la société civile mongole et agir comme d’un pont ou d’un relais entre les organisations locales et des réalisations politiques.
Il est cependant à noter qu’aux vues des intérêts stratégiques mongols, de ses faibles leviers de négociation et du soutien du Khoural ainsi que du gouvernement au projet, l’impact maximal qu’il est possible d’espérer de telles actions est un changement de route du gazoduc et un ralentissement de sa réalisation. Si la Russie s’est montrée très assertive dans d’autres parties de l’espace post-soviétique, son action sur le domaine informationnel en Mongolie est beaucoup plus limitée. La Chine et la Russie exercent une influence sur la société civile à travers des actions culturelles, mais peu par des actions d’influence à travers les ONG. Aussi, à contrario d’un nombre croissant de pays de l’espace post-soviétique (Russie, Géorgie, Kirghizistan), la Mongolie ne prévoit pas l’implémentation de lois sur les agents étrangers qui permettent un contrôle étendu des financements des ONG et de stigmatiser celles qui travaillent avec des ONG étrangères. De tels dispositifs ont été expressément employés en Russie contre les ONG environnementales ayant eu un impact dans la redirection de gazoducs et pipelines, comme dans l’Altaï. Ainsi, il est à envisager que la Russie promeuve un dispositif similaire en Mongolie afin de sécuriser son agenda et garantir le succès du projet FS-2.
La recherche d’un difficile équilibre
La Mongolie, coincée entre des intérêts divergents, tente de naviguer pour maximiser ses avantages tout en préservant sa souveraineté. Sa politique du troisième voisin et son système démocratique avec une forte transparence et une société civile relativement active lui offrent une marge de manœuvre, mais l’asymétrie des rapports de force avec ses voisins dans tous les domaines et sa dépendance économique et énergétique limite ses options. Le projet Force de Sibérie 2 semble pour l’instant être plébiscité par l’élite politique mongole pour sa résonance avec l’ambition mongole de corridor entre les deux puissances et de hub régional. La Russie, dans son pivot vers l'Est, voit dans Force de Sibérie 2 un moyen crucial et urgent de réorienter ses exportations énergétiques vers la Chine, tout en maintenant son influence dans son ancien espace soviétique. La Chine, quant à elle, cherche à sécuriser ses approvisionnements par un système robuste et redondant. Elle se méfie ainsi des dépendances excessives que pourraient entrainer la multiplication des projets avec la Russie. Le projet FS-2 comme d’autres projets gaziers en Asie centrale s’inscrit parfaitement dans les nouvelles routes de la soie, renforçant ainsi la position de Pékin dans la région. Mais la Chine dispose d’une situation confortable lui permettant de faire durer les négociations et de mettre en concurrence les projets dans son intérêt. Les puissances occidentales, principalement à travers leur soft power et leur soutien à la société civile mongole, tentent de contrebalancer l'influence russo-chinoise. Les intérêts des différents acteurs occidentaux ne sont pas alignés, mais peuvent entrer en résonance selon le degré de coordination. Leur stratégie s'appuie sur la promotion de la démocratie, le soutien aux ONG locales et internationales, et la mise en avant des préoccupations environnementales et culturelles liées au projet.
Les tentatives d’influence des acteurs autour du projet s’exercent à travers plusieurs canaux. D’abord diplomatique par visites officielles, négociations trilatérales, pressions politiques, ce sont des leviers utilisés par toutes les puissances, mais la Russie se distingue par une approche plus agressive par rapport aux autres acteurs, bien que retenue en comparaison à ses actions dans d’autres espaces où son influence est contestée. L’influence économique est utilisée par tous les acteurs de différentes manières. La Chine, par des capacités d’investissement, dispose d’un levier fort sur les projets d’infrastructures, alors que la Russie, avec des investissements sur les projets énergétiques, promet des dividendes de transit liés au projet. Les Occidentaux utilisent le levier économique par divers projets autour des énergies renouvelables et par des financements à la société civile avec un discours fort autour des risques environnementaux. Le levier sociétal est le plus utilisé par les troisièmes voisins. En relation au projet PS-2, il existe de très grandes synergies entre les actions des ONG locales (environnementales ou pour la préservation du mode de vie nomade) et les moyens des ONG internationales. La mise en interaction de ces acteurs permettrait d’exercer une influence et aboutirait à des ralentissements dans le projet. Enfin, l’influence par le volet culturel est importante, mais reste peu impactante pour ce projet en particulier.
Tous ces vecteurs d’influence ont une dimension et un aboutissement informationnels, dont la divulgation ou non d’éléments à des acteurs précis, mais surtout à la société civile, favorisent la réalisation du projet. Des éléments informationnels structurants orientent le cadre du débat. Ces derniers sont autour de la souveraineté du pays, des enjeux économiques, de l’écologie et de l’usage de l’énergie comme d’un outil de puissance. Mais ils sont aussi définis par l’image des acteurs, la puissance économique de la Chine, l’agressivité de la Russie. Des images en fluctuation au gré des événements internationaux renforçant ou limitant l’attraction au discours. Le projet Force de Sibérie 2 cristallise ainsi les tensions entre le désir de développement économique de la Mongolie, ses préoccupations de souveraineté, les intérêts géostratégiques des grandes puissances et les intérêts des populations locales. La décision récente de la Mongolie de retirer le projet de son plan de développement à long terme jusqu’en 2028 illustre la complexité de ces enjeux et l’impact décisif de la Chine. Il illustre aussi comment les crises internationales modifient les rapports de forces et les perceptions et comment les acteurs tentent d’en user pour favoriser leur position. En définitive, l'issue du projet et son impact sur la Mongolie dépendront de la capacité du pays à maintenir un équilibre délicat entre les différentes influences extérieures, tout en préservant ses intérêts nationaux et son identité culturelle unique.
Mathis B (SIE 28 de l’EGE)
Sources
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Le boom minier de la Mongolie et la montée du nationalisme des ressources : tensions politiques, promesses électorales et normes néolibérales
Tornike Turmanidze - Buffer States: Power Politics, Foreign Policies and Concepts
Tsedendamba Batbayar - Geopolitics and Mongolia's Search for Post-Soviet Identity
Moritz Pieper - The new silk road heads north: implications of the China-Mongolia-Russia economic corridor for Mongolian agency within Eurasian power shifts
Bayasgalan Sanallkhundev - Third Neighbor Policy Concept in Mongolia’s Geopolitics
Elena F. Tracy, Evgeny Shvarts, Eugene Simonov & Mikhail Babenko - China’s new Eurasian ambitions: the environmental risks of the Silk Road Economic Belt
Mongolian Institute for innovative policies – Mongolian Geopolitics
Sharad K Soni - Russian Policy towards Northeast Asia: The Mongolia Factor
Sukhgerel Dugersuren Eugene A. Simonov Power of Siberia-2 Pipeline: Possible Consequences for Russia, Mongolia, China and Natural Heritage
Pascale Hatcher - Le boom minier de la Mongolie et la montée du nationalisme des ressources : tensions politiques, promesses électorales et normes néolibérales
Irina Busygina1 and Mikhail Filippov2 - Trade-offs and inconsistencies of the Russian foreign policy: The case of Eurasia
John Irgengioro - Mongolia–Central Asia relations and the implications of the rise of China on its future evolution
Gagné-Ouellet - Regulatory Framework Review and Mining Regime Reform in Mali : Degrees of Rupture and Continuity.
Marina Glaser (Kukartseva)1 and Pierre-Emmanuel Thomann - The concept of “Greater Eurasia”: The Russian “turn to the East” and its consequences for the European Union from the geopolitical angle of analysis
Andrei Kazantsev, Svetlana Medvedeva, and Ivan Safranchuk - Between Russia and China: Central Asia in Greater Eurasia
Mirzokhid Rakhimov - Central Asia in the Context of Western and Russian Interests
TASS - Mongolian president thanks Putin for his visit https://tass.com/politics/1837559
France 24 - La visite de Vladimir Poutine en Mongolie, "un pied de nez" lancé à la CPI https://www.france24.com/fr/europe/20240903-la-visite-de-vladimir-poutine-en-mongolie-un-pied-de-nez-lanc%C3%A9-%C3%A0-la-cpi
Mongolia Weekly - Amar Adiya - How Can Mongolia Protect Itself from Russia’s Energy Grip? https://www.mongoliaweekly.org/post/how-can-mongolia-protect-itself-from-russia-s-energy-grip
Mining.com - Mongolian herders ink historic agreement with Oyu Tolgoi mine, government https://www.mining.com/web/mongolian-herders-ink-historic-agreement-oyu-tolgoi-mine-government/
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Ukraine War Environmental Consequences Work Group - Gas intrigues: Pipelines, nature reserves, NGOs and the war https://uwecworkgroup.info/gas-intrigues-pipelines-nature-preserves-ngos-and-the-war/
TASS - Expert says Power of Siberia-2 talks complex, project may be launched outside Mongolia - https://tass.com/economy/1837539