La désinformation sur la protection hygiénique féminine

Dans le métro, sur internet, dans les journaux, les publicités pour les culottes menstruelles fleurissent de toutes parts. Cet engouement récent témoigne d’un réel intérêt pour cette nouvelle protection hygiénique. Mais d’où vient-il ? Comment plus d’une trentaine de start-ups françaises ont réussi à émerger dans ce marché de niche ?

La révolution de la culotte menstruelle 

Commercialisées pour la première fois aux États-Unis en 2014, les culottes menstruelles se démocratisent de plus en plus en France depuis 2017. Alors que le secteur des protections hygiéniques était privé d’innovation depuis des dizaines d’années, la culotte menstruelle est souvent présentée comme LA méthode révolutionnaire pour les femmes pour les nombreux avantages qu’elle présenterait :

. Plus écologique : avec la culotte menstruelle, fini les déchets générés par les protections hygiénique (100 à 150 kg par femme en moyenne sur une vie), sans parler des parties plastiques (applicateur, emballages…) qui peuvent mettre des centaines d’années à disparaître.

. Plus économique : avec en moyenne 1730 € de dépenses en protections hygiéniques traditionnelles par femme sur une vie (selon une calculette en ligne publiée par la BBC en 2017), l’utilisation de la culotte menstruelle serait rentable sur le long terme. Cette dernière contribuerait ainsi à la lutte contre la précarité menstruelle.

. Plus sûre : contrairement aux tampons et serviettes qui sont susceptibles de contenir des traces de glyphosate, de chlore ou d’autres perturbateurs endocriniens en contact direct avec les muqueuses vaginales selon un rapport de l’Anses, les culottes menstruelles seraient moins nocives. Contrairement à une mauvaise utilisation des tampons et des cups, le syndrome du choc toxique est impossible avec cette nouvelle protection.

La majorité des culottes menstruelles proposées présente les caractéristiques suivantes :

. Des produits bio : les produits proposent des labels qui garantissent la qualité du produit ;

. Des produits souvent made in France : la plupart des marques proposent des produits souvent fabriqués en France, sinon dans des pays proches comme le Portugal. Les productions en Turquie ou en Chine sont plus rares ;

. Un soutien à des associations : de nombreuses marques reversent une partie de leurs profits à des associations, notamment féministes, ou pour lutter contre la précarité menstruelle.

Parce qu’elle répond aux nombreux critères socio-responsables actuellement recherchées par de nombreuses personnes, la culotte menstruelle a su trouver sa place aux côtés des autres méthodes de protections hygiéniques traditionnelles.

Les campagnes de désinformation contre la précarité menstruelle

Le 25 avril 2017 sur France 5, le documentaire «Tampon, mon ennemi intime» fait l’effet d’une bombe dans le monde des protections hygiéniques. Autrefois présenté comme objet émancipateur pour la femme, le tampon fait désormais l’objet de nombreuses critiques, notamment à cause du syndrome du choc toxique. Cette puissante attaque informationnelle contre les tampons, fortement relayée par les médias et sur les réseaux sociaux, ouvre la voie aux nouvelles alternatives, dont la culotte menstruelle. La voie aux alternatives du tampon était désormais ouverte.

Face à l’inaction des grandes marques traditionnelles de protection hygiéniques (Always, Nana, Vania…) qui n’ont pas su saisir cette opportunité, l'essor de ce produit révolutionnaire a été le fait de petites entreprises. C’est ainsi que l’émergence du marché français de la culotte menstruelle s’est accompagnée de la création de plus d’une trentaine d’entreprises. 

Le graphique ci-dessous présente de façon non exhaustive les marques françaises créées depuis 2017. Il est intéressant de noter une accélération du nombre de créations de ces start-ups de 2017 à 2019 puis une décélération du mouvement depuis 2020.

startuphygiène

L’analyse de ces start-ups permet de mettre en évidence que leurs fondateurs sont très majoritairement des femmes (85% des entreprises ci-dessus par exemple). Cela s’explique principalement par le fait que ces entrepreneures, directement concernées, ont souhaité faire bénéficier aux autres femmes de ce produit novateur. Le succès de la culotte menstruelle est donc également celui de la femme qui entreprend et qui ose. Claudette et Fanny (les fondatrices de Fempo) résument parfaitement cet état d’esprit : “puisque personne ne propose de vraie solution à ce problème, il va falloir la créer ! “

Ces entrepreneures sont à l’origine de nombreuses attaques informationnelles contre les autres protections hygiéniques. Sur son site internet, la marque Réjeanne s’attaque à la question suivante : “les tampons hygiéniques sont-ils nocifs pour la santé?” La marque va citer trois études notables qui mettent en cause les tampons :

. Elle commence par faire référence au célèbre documentaire de 2017 qui fait autorité sur le sujet. 

. Elle poursuit en citant une étude de 2016 de 60 millions de consommateurs et présente des dangers potentiels liés à la composition des tampons : “Glyphosate, phtalates, dioxines, HAP, EOX et/ou AOX et perturbateurs endocriniens”

. Enfin, elle rappelle qu’une nouvelle étude de février 2019 “indique que les contaminations persistent dans les protections périodiques”. Personne ne trouve de solution à ce problème et c’est donc aux femmes de se prendre en main.

La marque Réjeanne conclut par l’affirmation suivante qui laisse peu de place au doute : “Dans tous les cas, l’utilisation de tampons présente toujours un risque de syndrome du choc toxique”. La marque FEMPO propose un blog avec de nombreux articles liés aux règles parmi lesquels l’article “Les différentes protections hygiéniques internes". Cette marque met tout d’abord en avant le fait que les tampons “produisent de grandes quantités de déchets” avant de s’attaquer à la composition des tampons et de rappeler que “dans tous les cas, l’utilisation de tampons présente toujours un risque de syndrome du choc toxique”. La marque Moodz rappelle que “Choisir une culotte menstruelle c’est aussi choisir une protection hygiénique fiable qui te met à l’abri du Syndrome du Choc Toxique et des produits chimiques que l’on retrouve bien souvent dans les composants des tampons ou des serviettes”.

Il faut briser les tabous pour lutter contre la précarité menstruelle

La majorité des marques de culottes menstruelles mettent ainsi en avant les dangers liés aux tampons, notamment le syndrome du choc toxique. La culotte menstruelle apparaît comme l’alternative la plus saine et la plus rassurante. On retrouve également souvent un engagement militant chez ces créatrices d’entreprises, avec l’idée de vouloir faire bouger les choses en faveur de la femme :

. Les créatrices de FEMPO ont à cet effet “l’envie profonde de changer le jeu dans la vie des femmes”.

. Pour les créatrices de Plim “l’enjeu principal est d’influencer positivement la société à travers des produits sains, écologiques, éthiques et novateurs comme la culotte de règles.”

C’est en représentant cet engagement commun à toutes les créatrices que la culotte menstruelle vient finalement incarner un symbole fort du féminisme sous différents aspects. Il s’agit ici d’une véritable guerre de l’information qui vise à mettre en avant les dangers du tampon d’une part et par la symbolique que va incarner la culotte menstruelle d’autre part.
 

La culotte menstruelle prend, au-delà de l’utilisation pratique en tant que protection hygiénique, tout un aspect symbolique.  En premier lieu, avec une majorité de femmes à l’origine de start-ups créées pour fabriquer ces nouveaux produits, la culotte menstruelle peut tout d’abord être vue comme le symbole de la femme qui entreprend. La femme devient acteur de son propre changement. C’est elle qui impose ses propres conditions. De nombreuses culottes menstruelles ont par exemple été conçues en amont avec les avis des utilisatrices. La culotte menstruelle prend part à une révolution plus grande, celui du marché de la FemTech (menstrutech, grossesse, fertilité, ménopause, bien-être sexuel…) qui présente un potentiel de 50 milliards de dollars d’ici 2025 selon Frost & Sullivan. Afin de libérer le potentiel de ce marché, la culotte menstruelle contribue également à en ôter certains tabous.

En second lieu, la culotte menstruelle devient un sujet de société qui permet justement de libérer la parole sur le sujet tabou des règles. Comme le met en avant Elia Lingerie, “on participe aussi à faire éclore le tabou des questions menstruelles”. La culotte menstruelle incite à l’engagement, à prendre part à la lutte féministe et vient casser les codes. Fin octobre 2021, la marque Moodz a réalisé une campagne de publicité “sauvage” dans le métro parisien afin de « casser les tabous autour des règles et libérer la parole sur ce sujet encore occulté » avec le slogan suivant : ”On ne va quand même pas parler de règles ici, oups trop tard”. Cette campagne de publicité aurait en effet été censurée car « trop de poils, trop centrée sur le sexe, culottes trop échancrées… ». Cette campagne choc montre bien cet engagement que porte la culotte menstruelle

campagnechoc

Illustration de la campagne choc de Moodz

Le choix du nom de la marque FEMPO, contraction de FEMme + POuvoir, illustre parfaitement cette symbolique selon laquelle, avec la culotte menstruelle, la femme (re)prend le pouvoir. Enfin, la culotte menstruelle devient un symbole de liberté pour la femme. Contrairement aux protections traditionnelles qui doivent être changées toutes les quatre heures environ, les culottes menstruelles permettent une totale liberté pendant toute une journée. La collaboration de la judokate Clarisse Agbegnenou et de la marque Réjeanne témoigne de cette liberté retrouvée : “De nombreuses fois, entre les entraînements, j'ai dû aller aux toilettes pour tout changer... [... ] Maintenant que je les utilise, pour moi c'est une révolution, c'est un souffle !". Avec la culotte menstruelle, la femme retrouve toute sa liberté.

Par son caractère écologique, économique et plus sûr pour la santé, la culotte menstruelle représente indéniablement une révolution dans le domaine des protections hygiéniques. C’est par des attaques informationnelles contre les tampons et en faisant de la culotte menstruelle un symbole du féminisme que les start-ups ont réussi à l’imposer. En levant certains tabous, elle libère également la parole et contribue activement à l’émancipation de la femme.

 

Camille Lamoisier
étudiant de la formation initiale SIE25