Les affrontements informationnels autour des énergies renouvelables au Brésil

Le 21 février 2021, le groupe Voltalia annoncé la construction d’un nouveau parc éolien au Brésil, à Canudos dans l’Etat de Baia. La fin du chantier est prévue au premier semestre 2022. Cependant cette échéance est retardée. 

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Le 09 mars 2023, le Ministère Public Fédéral (MPF) et le Ministère Public de Bahia (MP-BA) déposent une action conjointe. Ils demandent la suspension immédiate des permis environnementaux illégalement accordés dans le cadre de la procédure d'autorisation de ce complexe éolien. Le chantier est alors suspendu. 

Le 23 mai 2023 une ONG “Projeto Jardins da Arara de Lear” communique à travers l’agence France presse (AFP). Elle exprime ses inquiétudes sur une espèce de perroquet bleu classée en danger. Cet article vise directement Voltalia. Déjà affaibli par l’arrêt du chantier, c’est une nouvelle attaque sur le groupe qui s’opère. 

Voltalia acteur mondial de l'énergie renouvelable

Fondé en France en 2005, Voltalia s'est développé pour devenir un producteur d'énergie et un fournisseur de services international. Cotée en bourse sur le marché Euronext, ils sont spécialisés dans les solutions d'énergies renouvelables.

Le groupe produit et vend de l'électricité à partir de ses installations éoliennes, solaires, hydrauliques, de biomasse et de stockage. Il est présent en 2018 dans 18 pays, notamment au Brésil, où il vend son électricité directement à l'agro-industriel BRF. Il développe aussi des projets de stockage d'énergie, par exemple en Guyane

Il commercialise en France, une partie de l'électricité produite aux groupes BoulangerSNCF et Décathlon.

Bataille sur l'échiquier juridique

Le permis du parc de Canudos a été accordé par l’institut de l’environnement et des ressources en eau « L’inema ».

Des députés du Ministère public fédéral « MPF » mènent l’enquête à son sujet ; udossier de 70 pages soulignerait le non-respect de l’article l'art. 3º, § 4, inc. Prévu par la résolution Conama 462/2014 exigence pourtant indispensable à la délivrance de ce type de permis. 

La règle exige la présentation de l'étude d'impact environnemental et du rapport associé (EIA/Rima). Ainsi que la tenue d'audiences publiques, pour les projets situés dans des zones de vie d’espèces menacées d'extinction ou d'endémisme restreint. Les députés qui ont pour action d’arrêter le chantier, y parviennent. 

Les parquets de l'État et de la Fédération demandent la suspension immédiate des autorisations préliminaires, d'installation et d'exploitation. Les entreprises concernées doivent s’abstenir d'exploiter le complexe jusqu'à ce que la nouvelle étude soit présentée et qu'une audience publique soit tenue, sous peine d’une amende journalière de 300 000 R$.

Ils exigent, outre la confirmation de la mesure préalable, la déclaration de nullité des autorisations. La nouvelle procédure d'autorisation environnementale devra alors respecter la législation en vigueur.

Une réponse évasive

Dix jours après, Voltalia face à cette interdiction de poursuivre le chantier fait preuve fait de discrétion. L’entreprise déclare dans un communiqué de presse : « Voltalia va faire appel d'une décision préliminaire de suspension des permis du projet Canudos au Brésil » et réaffirme :

« Voltalia a mis en place de nombreuses initiatives dans l’État de Bahia » ou alors « Voltalia réaffirme son engagement dans le dialogue avec les communautés locales et sa volonté de continuer à investir en faveur de l’environnement ».

L’entreprise déclare être conforme à la procédure.

Le perroquet Ara bleu

L’Institut de la conservation de la biodiversitéChico Mendes, indique qu’en 2022, 2 254 aras ont été recensés. En 2019, lors de la précédente enquête, l'estimation était de 1 469 oiseaux. L’espèce était dans le passé considérée comme fonctionnellement éteinte dans la région. La population locale n'était plus capable de croître. Elle est actuellement considérée comme « en danger de disparition ». 

Cette organisation publique fondé par la ministre de l'Environnement, indique également que le commerce illégal et les conflits directs avec les agriculteurs (les oiseaux se nourrissent occasionnellement de cultures de maïs) sont identifiés comme des menaces pour le perroquet ara bleu. Les éoliennes ne font donc pas partie des menaces identifiées par l’institut. 

Échiquier médiatique

Le 23 mai, 2 mois après la précédente médiatisation, l’AFP publie « Un perroquet bleu freine l'installation d'éoliennes au Brésil » de nombreux médias abonnés à l’AFP republient l’article. C’est l’ONG “Projeto Jardins da Arara de Lear“qui prend position. 

Les termes employés par l’AFP on pour but d’alerter le lecteur : « Les défenseurs d'un perroquet bleu menacé d'extinction sont parvenus à faire suspendre la construction d'un parc de Voltalia au Brésil. » ou encore « Impact « irréversible ». 

Cette tentative de déstabilisation public, oblige Voltalia à changer sa réaction. Le responsable Brésil prend la parole à travers le media et dit : « les possibles conséquences environnementales et sociales » avaient été « traitées de façon exhaustive ». Les études déjà menées par des spécialistes pour obtenir les permis auprès des autorités locales « ont montré que l'installation de parcs éoliens ne menace aucunement la conservation de l’espèce des aras de Lear ». 

La réponse de Voltalia est défensive et montre l’incompréhension du groupe.

Gestion de crise sur YouTube 

Voltalia, un mois après la publication de l’article, prend l’initiative de mettre en ligne une vidéo. 

Le 15 juin 2023, une vidéo de 14 minutes 55 secondes est publiée sur la page YouTube du groupe. Paysage, présentateur et interviews, le groupe veux montrer qu’il prend très au sérieux, tous les problèmes liés au chantier. 

Il montre qu’il est à l’écoute et qu’il entreprend de nombreuses initiatives en local. Notamment, la protection des perroquets bleu en installant des caméras pour arrêter les éoliennes en cas de passage de perroquets. (passage de la vidéo à 7min). La vidéo a 2000 vues, elle a donc un faible impact médiatique.

Décision annulée

Le 26 juillet 2023, Voltalia annonce en quelques lignes sur son site : 

« Voltalia annonce aujourd'hui, que la cour d'appel fédérale brésilienne a annulé la décision préliminaire qui avait suspendu les permis du projet Canudos en avril dernier. Voltalia est donc autorisé à finaliser les travaux de construction, réaliser la mise en service et démarrer l'exploitation des parcs éoliens. Parallèlement à la reprise des opérations, Voltalia présentera une étude environnementale complémentaire et organisera une audition publique avec les communautés locales dans un délai de six mois. Le procureur public aura la possibilité de faire appel de cette décision de deuxième instance dans un délai limité (30 jours ouvrables après avoir été informé de cette décision). »  Après cette deuxième attaque, le groupe prend cette fois une initiative et essaie d’être prévoyant sur une future procédure à leur encontre. 

Quelles finalités ?

Le groupe a été déstabilisé. Attaques juridiques et médiatiques. Malheureusement ce n’est pas fini pour Voltalia. Une coupure de courant en août 2023, immobilise la production d’un de leur parc de panneaux solaires au Brésil. A l’annonce, le 27 septembre 2023 d’un EBITA « Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement » à la baisse, l’action du groupe chute de 30% en 1 semaine. Voltalia accuse la coupure de courant, et, le président du groupe se défend sur l'émission Ecorama : « La sanction me semble excessive mais on est à l'écoute du marché ! ». Le marché brésilien est difficile pour Voltalia. 
C’est à ce moment qu’une vente est réalisée. Le 10 octobre, Gerdau SA (groupe métallurgique brésilien) annonce que sa filiale Newwave Energia achète une ferme solaire du groupe Voltalia pour environ 266 millions d’euros. Elle a pour but de fournir à hauteur de 30% son énergie, aux unités de production d’acier de Gerdau. Voltalia n’a malheureusement pas été dans la meilleure des positions pour réaliser cette vente

 

 

Laporte N,
étudiant de la 42ème promotion Management stratégique et intelligence économique (MSIE)

Pour aller plus loin : 

https://evenements.courrierinternational.com/transition-ecologique/le-bresil-en-transitions-energetiques/

https://www.capital.fr/entreprises-marches/voltalia-vente-dun-projet-de-90-megawatts-pret-a-construire-au-bresil-1488536

https://www.lerevenu.com/reussir-bourse/conseils-bourse/voltalia-les-investisseurs-ne-partagent-pas-loptimisme-des-dirigeants/