La guerre informationnelle sur le projet Nord Stream

Le gazoduc Nord Stream (NS), est un gazoduc sous-marin de 1200 Km traversant la mer Baltique depuis les côtes russe près de Vyborg (au sud-est de la Finlande), vers Greifswald en Allemagne. Le premier projet Nord-Stream date du début des années 2000 pour une mise en service en 2012. Contrairement au NS1, le NS2 n’a pas eu grâce des mêmes faveurs sur le plan international.

Le projet Nord Stream 2 est initié quant à lui en 2012, le chantier ne débute qu’en 2018 pour s’achever en 2021 à la suite d’un affrontement entre les États-Unis et la Russie. Dans ce cadre, le NS1 était déjà contesté (principalement pour des raisons « écologiques » puisque celui-ci passait auprès des lieux de villégiatures suédoises) et permettait déjà un acheminement représentant 25% des flux de gaz d’approvisionnement européens. C’est avec la construction du NS2 que les flux de gaz à destination de l'Union européenne dont un peu plus de 50% passeront par ces 2 l'infrastructure. Libérant toute contrainte territoriale de la Pologne et l'Ukraine dont les commissions de transit au montant de 5 milliards de dollars par an faisant augmenter le prix du gaz en bout circuit.

La stratégie russe en ligne de mire

L'affrontement russo-américain n'est pas une nouveauté dans le visage politique mondial. Le retour de la Russie en tant que puissance d'envergure contribue à la crainte des états unis. Depuis l'acte militaire russe en Crimée des sanctions occidentales ont été établies à l'encontre de la Russie. Cet épisode marqua le début d’un refroidissement entre la diplomatie occidentale, les États-Unis et la Russie.

À ce titre la dépendance énergétique de l'Union européenne à l'égard de la Russie en matière gazière est considérée par les autorités américaine comme un détournement des sanctions infligées à la Russie. Qui plus est, les intérêts divers des États-Unis avec les pays de l'est comme la Pologne ou l'Ukraine contribuent à l'escalade des tensions diplomatiques. En effet, bien que la Pologne et l'Ukraine tirent profit de l'exploitation de commission de transit des gazoducs en provenance de Russie vers L'Union européenne, il n'en demeure pas moins que l'influence et l’intérêt développé par les Américains sur cette zone s'accroît (Enhanced Defense Cooperation Agreement, présence militaire américaine en Pologne renforcé en 2020) : « to help Ukraine and United States allies and partners in Europe reduce their dependence on Russian energy resources, especially natural gas, which the Government of the Russian Federation uses as a weapon to coerce, intimidate, and influence other countries ».

L'intérêt sous-jacent de l'opposition américaine vis-à-vis du NS 2 provient également du fait que l'Amérique est aussi un producteur considérable de gaz notamment grâce au gaz de schiste et souhaite développer également les hélant commerciaux de l'Europe.

L'Europe divisée pour la défense des intérêts divers

Alors qu'il restait 150 km de gazoducs à poser sur les 1200km que les sanctions américaines sont tombées et ont mis à jour des divergences au sein de l'Union européenne. Il s'agit d'une divergence intéressante au sein de l'Union européenne au sens où les termes identiques employés par les Américains contre le projet NS 2 sont utilisés, c'est à dire considérer comme arme économique de la Russie la fourniture de gaz. Cet élément a été repris par le président ukrainien lors de son entretien avec Angela Merkel en août 2021. En sachant que le contrat de transit du gaz par les Ukrainiens expire en 2024 et que ce manque à gagner pour l'économie ukrainienne outre les élans idéologique pour la défense et l’indépendance de l'Union européenne et son indépendance stratégique relèvent comme la Pologne davantage d'intérêt nationaux plus que de ferveur européenne.

L'Allemagne quant à elle a joué de sa bonne entente avec les différents partis pour se montrer en offensée à l'égard des États-Unis, en déclarant que les mesures adoptées par ceux-ci, étaient illégales et relevaient en aucun cas d'une extraterritorialité du droit américain.  Car outre la posture de défenseur du droit européen il faut garder à l'esprit que l'Allemagne va être à la fois bénéficiaire des commissions de transit des gazoducs Nord Stream mais aussi principal interlocuteur européen concernant le gaz naturel en Europe.

La question centrale de la dépendance au gaz russe

Il ressort de cet affrontement informationnelle 3 éléments :

Premièrement, les États-Unis ont renforcé, selon Joe Biden "La coopération entre les États-Unis et l'Allemagne est forte et nous espérons poursuivre cela, et je suis confient que nous le ferons", leur lien avec l'Allemagne au sortir de cette crise mais se sont institués défenseurs des économies polonaise et ukrainienne. Cet élément vient bien entendu déstabiliser encore plus les relations internes de l'Union européenne.

Deuxièmement, la Russie sort vainqueur de cet affrontement car c'est objectif ont été remplies, l'aboutissement du chantier NS2 a été finalisé ces derniers jours. Des exigences à l'égard de l'Ukraine et la Pologne, exigences non formelles qui n’ont aucune valeur contraignante pour la Russie, si ce n'est engagement moral de respecter les accords passés avec l'Allemagne.

La Russie demeure gagnante sur le court terme mais aussi sur le long terme car les gazoduc NS 1 et 2 sont également conçus pour acheminer de l'hydrogène liquéfié ce qui pousse la Russie à la fois pour les 10 prochaines années comme principal fournisseur de l'Union européenne en matière de gaz naturel mais à horizon 2050 une transition vers l'hydrogène liquéfié lui garantira également une continuité de sa puissance en matière énergétique post-transition énergétique.

Troisièmement, l’Allemagne ne proteste pas contre les sanctions américaine lorsqu’elles ne touchent pas ses intérêts, partenaire commerciale sur bien des points tout en réitérant les traits à l’égard de la Russie et accommodante enfin lorsqu’il s’agit de faire plaisir à son pourvoyeur de main d’œuvre (Ukraine) et son proche voisin (Pologne).

Le 14 juillet dernier un accord de sortie de crise a été trouvé entre l'Allemagne et les États-Unis. Cet accord de sortie de crise comprend des concessions faites pour l'Ukraine et la Pologne engageant l'Allemagne à faire « tout ce qui est en son pouvoir » pour garantir que les contrats de transit gazier demeurent après 2024, conformément aux exigence du gouvernement américain. L'Allemagne au travers de Merkel s'est entretenu avec les principaux dirigeants de ces 2 pays marquant son accord sur le fait que le gaz ne doit pas devenir une arme économique pour la Russie. Utopie d'autant plus grande que le gaz d'ici les 15 prochaines années sera un atout majeur pour les pays qui en sont producteurs et capable d’influer sur les prix (comme la situation actuelle de hausse mondiale du gaz le laisse présager) au vu de la transition écologique engagée notamment en Europe. La nouvelle coalition gouvernementale qui prend ses fonctions à Berlin doit gérer une série de contradictions qui résultent de sa recherche d'accroissement de puissance par l'économie :

. L'accord bilatéral sur l'importation de gaz, passé avec la Russie depuis de nombreuses années, est en contradiction avec la définition d'une politique énergétique commune de l'Union Européenne. 

. Les relations très pro-atlantiques que la nouvelle coalition semble vouloir pérenniser, risquent de mettre l'Allemagne en porte à faux dès lors que Washington resserre l'étau sur la Russie.

. Le refus allemand du nucléaire au nom de l'écologie est entrain de devenir une position de plus en plus indéfendable, compte tenu de la montée des prix du gaz importé et de l'impasse dans laquelle se trouve actuellement l'Allemagne . Cette dernière doit recourir à l'énergie charbon très émettrice CO2 pour compenser l'arrêt de ses propres centrales nucléaires.

 

Loik Le Cam
Etudiant de la 25ème promotion Initiale Stratégie et Intelligence Economique

Sources

Site lobbying Nord stream 2

Andrea Shalal et Jeff Mason, Biden et Merkel promettent de raviver les liens USA-Allemagne, latribune, 15/07/2021

Crone, Olivier. « Nord Stream, le gazoduc germano-russe sous la Baltique du point de vue suédois », Outre-Terre, vol. 19, no. 2, 2007, pp. 219-228.

Sami Ramdani, De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2, la revue de géopolitique, 2/05/2021

Thomas wieder, Gazoduc Nord Stream 2: les Etats-Unis et l’Allemagne se mettent d’accord, le Monde 22/07/2021

Countering Russian Influence in Europe and Eurasia Act of 2017.

Sophie Marineau, Nord Stream 2,  comment interpréter la fin des sanctions américaines ? La tribune, 17/07/2021

Thomas Colson, Trump was slammed for cozying up to putin, but Biden handed him a greater gift by waiving sanctions on a gas pipeline that could destabilize Europe, Business insider, 20/10/2021