La guerre informationnelle autour du Covid-19 : entre communication de crise et enjeux géopolitiques, un audit rétrospectif

Depuis l’émergence du Covid-19, la gestion de la pandémie a été marquée par une guerre de l’information sans précédent. Ce phénomène ne se limite pas à cette crise, ainsi en remontant le temps et à la grippe de 1918 (grippe espagnole), on observe des parallèles identiques. L'évolution des technologies de communication, des réseaux sociaux et des mécanismes de gouvernance étatiques a amplifié l'impact de l'information.

Les messages contradictoires, les manipulations des données et les controverses autour des traitements et des vaccins ont façonné les perceptions et les comportements. Un premier essai pendant la crise du Covid-19, sur « La polémique sur l'utilisation des traitements antipaludiques », permettait d’avoir un aperçu de la guerre informationnelle en mars 2020, ainsi cette rétrospective et audit vise à aller plus loin, pour comprendre comment ces dynamiques ont influencé les gestions de crises sanitaires depuis 1918.

 

Les Grippes asiatiques : Leçons des pandémies passées de 1914 à 1968

L’histoire des pandémies, notamment celles des grippes asiatiques, ont des similitudes avec la gestion de crise du Covid-19, même avec une différence de contexte et d’époque, nous trouvons dans les grandes pandémies du XXe siècle ; Grippe espagnole,1918, Grippe asiatique,1957, et la grippe de Hong Kong de 1968, un observatoire sur les limites des infrastructures sanitaires, les défis logistiques, et les stratégies de communication pour chaque époque.

 

La grippe espagnole (1918-1920), une crise totalement oubliée

La grippe espagnole, causée par un virus de type H1N1, a touché environ un tiers de la population mondiale, causant ± 50 millions de morts. Cette pandémie est arrivée dans un contexte de guerre mondiale, ou la seule « Solution de Dakin » permettait tout juste d’éviter une amputation, invention du Dr Henry Drysdale Dakin (Uk) et du Dr Alexis Carrel (Fr). Ainsi la « grande guerre » avait à sa disposition des innovations médicales expérimentales, le contexte apporta la matière à les utiliser.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les infrastructures sanitaires sont limitées, ainsi la guerre avait laissé des systèmes de santé totalement exsangues. Les hôpitaux étaient sous-équipés, et il était difficile de gérer l'afflux massif de malades. À Paris, des rapports font état de corps entassés en plein air dans les cours d’hôpitaux, faute de place en morgue. A cela s’ajoute l’absence de traitement spécifique, que cela soit des vaccins ou antiviraux. L’approche se limite à l’hygiène personnelle et à des mesures rudimentaires comme le port de masques, masque fabriqué  avec les moyens du bord ; du tissu….

La censure en temps de guerre a contribué à la désinformation. Les pays impliqués dans le conflit minimisaient l’impact de la pandémie pour maintenir le moral, et la grippe fut surnommée "espagnole" uniquement parce que l’Espagne neutre rapportait librement les cas.

 

La grippe asiatique (1957-1958)

La grippe asiatique, provoquée par le virus H2N2, a causé environ 1 à 2 millions de morts dans le monde. Cette pandémie marque les premières coopérations internationales en santé publique. L’origine et la diffusion est apparu en Chine, avant de se propager rapidement avec les prémices de la mondialisation (vols commerciaux, échanges internationaux). Les similitudes avec le Covid-19, est avec évidence l’origine asiatique et la propagation mondiale.

Contrairement à 1918, des vaccins ont été développés rapidement. Leur déploiement était limité aux pays les plus riches, creusant les inégalités sociales, sociétales et sanitaires. Les confinements n’étaient pas encore une pratique courante, mais des fermetures temporaires d’écoles et de lieux publics ont été instaurées. Concernant les Infrastructure médicale, les hôpitaux sont plus avancés qu’en 1918, mais étaient encore loin d’être dimensionnés pour des afflux massifs. L’absence de soins intensifs modernes signifiait que de nombreux patients mouraient de complications respiratoires.

La communication et perception dans les médias, la radio et les journaux majoritairement sous format papier, diffusaient des informations limitées. La mortalité plus faible que celle de 1918, la gestion est moins dramatique.

 

La grippe de Hong Kong (1968-1970)

La pandémie de grippe de Hong Kong (H3N2), a touché ± 500 000 à 2 millions de personnes. Elle est marquée par un monde de plus en plus interconnecté.

L’épidémie fait ± 30 000 décès en France en seulement deux semaines. [..] Le Pr. Pierre Dellamonica, médecin à Lyon, rapportait ; « On n'avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée »[..], ainsi cela indique, les limites structurelles et la gestion limitée de l’information sanitaire a de simple revue de presse.

On retrouve une diffusion rapide, en seulement trois mois, le virus a atteint les cinq continents. La mobilité des populations a facilité cette propagation. La solution médicale est encore le vaccin, développé en moins de six mois (une modification du vaccin de 1957, du Dr Maurice Hilleman), s’adaptant à la souche de 1968, mais pas suffisante pour contenir les premières vagues. La vaccination à grande échelle était encore limitée.

L’Impact hospitalier en France, ou les infrastructures ont été submergées, notamment à Paris, doublé de morgues improvisées, ainsi la perception publique est perçue comme une crise grave, mais sans panique. Les gouvernements n’ont pas mis en place de confinements, limitant l’information à des recommandations de bon sens.

 

Covid-19 : les infrastructures dépassées par un virus mondial.

En 2019, la pandémie de Covid-19 a révélé que les systèmes de santé mondiaux étaient sous-dimensionnés pour répondre à une crise d'une telle ampleur. En France, les services hospitaliers n’étaient pas préparés à accueillir plus de 2000 admissions en soins intensifs par jour, et ainsi forçant une réorganisation massive et des transferts de patients vers d’autres régions ou pays.

Les infrastructures françaises, bien qu'avancées, étaient en sous-financement. En 2020, la France disposait de seulement 5000 lits en réanimation, faible par rapport à d'autres pays européens comme l'Allemagne.

La guerre de l'information autour des vaccins : course ou stratégie ?

Vaccins ARN : une préparation antérieure, en effet l’une des premières controverses concernait la rapidité de la mise au point des vaccins ARN (les vaccins ARNm a commencé dans les années 1990) notamment ceux de Pfizer-BioNTech. Beaucoup ont perçu cette rapidité comme suspecte. D’ailleurs les grippes de 1957 et 1968 avaient démontrées la rapidité de développement d’un vaccin, à une époque ou la technologie était casi inexistante.

La communication officielle s’est focalisée sur l’urgence et l’efficacité, mais les questions de transparence sur les essais cliniques ont alimenté la méfiance. L’évolution rapide du virus, a fait que des chercheurs américains dès 2020, remettait en cause la pérennité des vaccins.

Les obligation indirecte et contraintes sociales, ainsi en France, les mesures contraintes, comme le pass sanitaire et la limitation d’accès aux espaces publics pour les non-vaccinés, ont alimenté le débat. Ces contraintes ont conduit certains à parler d’une "obligation déguisée", une stratégie d’une manipulation de l’opinion via la peur.

 

L’hydroxychloroquine : traitement ou propagande ?

Un médicament controversé, l’hydroxychloroquine, utilisée depuis les années 1950 comme traitement antipaludique, est devenue le » sujet » le plus discutés durant les débuts de la pandémie. Malgré des milliards de prescriptions historiques, la France a limité son usage par un décret en 2020 en citant des risques pour la santé.

Le Dr. Didier Raoult, défenseur de l’hydroxychloroquine, a été au centre de cette polémique. Son éviction des débats médicaux et la suppression des publications sur ce traitement par des revues scientifiques ont été perçues comme un acte de guerre de l’information.  Mais à ce jour The Lancet répertorie 69 articles du Pr Didier Raoult , notamment celui sur « La pandémie de COVID-19 plus d'un siècle après la grippe espagnole » d’avril 2021.

Les enjeux économiques et la controverse sur l’hydroxychloroquine s’inscrit dans un contexte où les vaccins représentaient une opportunité financière majeure. Les grandes entreprises pharmaceutiques, notamment Pfizer et Moderna, ont enregistré des bénéfices records, permettant alors des soupçons de lobbying.

La guerre de l’information, un vecteur de désinformation et ses conséquences en France

La crise du COVID-19 a révélé une nouvelle dimension de la guerre de l’information, où les données scientifiques, les discours politiques, et les opinions publiques se sont affrontés dans un espace numérique globalisé. Cette guerre informationnelle, parfois orchestrée par des gouvernements ou des acteurs privés, a reposé sur l’information par l’information, c’est-à-dire la manipulation de faits, afin d’influencer les comportements. Cela a eu pour conséquence des répercussions en matière de désinformation et la communication officielle.

La puissance de la désinformation en France

La désinformation a été amplifiée par la fragmentation des sources d’information et l’hyperconnectivité. Les réseaux sociaux, notamment Facebook, (X)Twitter, et WhatsApp et Telegram ont servi de vecteurs principaux pour diffuser des contenus non vérifiés. Simultanément, la communication officielle, contradictoire aux réseaux, a nourri une méfiance envers les institutions. Ainsi l’information de réseaux et d’état a créé un terrain fertile pour, les rumeurs, et les théories du complot, brouillant la frontière entre information et propagande.

Les conséquences majeures de cette guerre informationnelle

Cette guerre de l’information par l’information a engendré en France, des impacts sociaux, économiques, et politiques. Voici les 10 conséquences les plus marquantes :

  1. Polarisation sociale accrue : Les positions sur les vaccins, les traitements, et les mesures sanitaires ont divisé la société française, fragmentant les familles, les communautés, et les cercles professionnels.

  2. Défiance envers les institutions : La gestion perçue comme arbitraire ou incohérente par le gouvernement a érodé la confiance envers les autorités sanitaires et politiques. 

  3. Émergence des théories complotistes : La crise Covid a vu une prolifération des théories du complot, liant la pandémie à des conspirations sur le contrôle des populations par la vaccination. 

  4. Disparités dans l’adhésion vaccinale : La France ait atteint un taux de vaccination élevé, des poches importantes de réticence ont subsisté, notamment dans certaines régions rurales et communautés spécifiques. 

  5. Impact économique du pass sanitaire : Les secteurs du tourisme, la culture et la restauration ont été directement impactés par les restrictions imposées, divisant l’opinion sur leur efficacité et leur légitimité

  6. Débat sur la liberté individuelle : Les mesures restrictives, comme les confinements et le pass sanitaire, ont relancé le débat sur les libertés individuelles et l’intérêt collectif. 

  7. Érosion de l’autorité scientifique : La politisation des débats autour de l’hydroxychloroquine, des vaccins ARN, et des variants a contribué à une méfiance envers les experts médicaux. 

  8. Manipulation de l’opinion publique : Des campagnes de désinformation menées par des acteurs externes ou internes ont cherché à influencer l’opinion publique, avec des impacts sur les élections et les politiques de santé publique. 

  9. Fragmentation médiatique : Les médias traditionnels ont vu leur autorité remise en question par les médias alternatifs et les influenceurs numériques, souvent moins regardant sur la véracité de leurs informations.

  10. Lourdeur juridique et administrative : La multiplication des décrets, des recours judiciaires, et des amendements législatifs liés aux mesures COVID-19 a saturé les institutions, retardant des réformes essentielles.

Cette guerre de l’information, met en lumière les risques inhérents à une société hyperconnectée, où l’information peut être utilisée aussi bien comme un outil de sensibilisation, de déstabilisation politique et comme une arme de manipulation des masses.

Didier Gix (MSIE33 de l’EGE)