La gestion de crise complexe de TotalEnergies dans la région du Cabo Delgado au Mozambique

Les entreprises d’origine française ont encore des capacités non négligeables pour préserver leurs intérêts sur des marchés complexes. C’est le cas de TotalEnergies (TE) dans un pays très difficile d’approche comme le Mozambique où il s’agit à la fois de préserver ses parts de marché face à ses concurrents ENI et EXXON ainsi qu’à contrer les attaques informationnelles menées par des Organisations non gouvernementales (ONG).

 

Les enjeux énergétiques dans la zone

L’année 2010 a marqué le début d’une nouvelle ère pour l’industrie gazière au Mozambique, avec la découverte de gaz naturellement liquéfié (GNL ou LNG). Ce qui a suscité de nombreuses spéculations de la part du gouvernement mozambicain et de la communauté internationale. Plusieurs compagnies telles que ENI et Anadarko ont fait des découvertes significatives de gisement de gaz dans le bassin de Rovuma, avec des estimations de réserves évaluée à 5 milles milliards de mètre cube.

Situé au Cabo Delgado dans un environnement sécuritaire dégradé du fait d’une insurrection islamique résiliente, les potentialités économiques offertes par les découvertes des gisements gaziers au large du Mozambique, constituent autant de perspectives de développement économique et social dans cette région par ailleurs très pauvres, que des sources de tensions pour l’ensemble des acteurs nationaux, régionaux et internationaux associés à leur projet exploitation de façon directe ou indirecte.

La major pétrolière française TotalEnergies (TE) est présente au Mozambique depuis 1991. Aujourd’hui représentée dans chacune de ses 3 branches (Marketing et Supply, Gas renewable & Power, et Exploration production) dans ce même pays, son positionnement a pris une dimension stratégique depuis la découverte de la neuvième réserve mondiale de gaz naturel liquéfié offshore dans la zone économique exclusive mozambicaine. TotalEnergies a acquis les 26,5% de part d’Anardarko Petroleum au sein du projet de gaz naturel liquéfié (LNG) en 2019 visant à en assurer l’exploitation sur un modèle majoritairement onshore. 

 

 

Les particularités historiques du Mozambique

Le Mozambique a obtenu officiellement son indépendance le 25 juin 1975 à la suite d’un conflit de 10 ans l’opposant alors à son ancien pays colonisateur, le Portugal. Les Mozambicains se structurant alors autour d’un mouvement politico indépendantiste nomme FRELIMO (Frente de Libertacao do Mocambique), appuyé notamment par des puissances communistes notables (Russie, Chine et Cuba). À la suite de cette indépendance, une guerre civile va alors éclater et durer 15 ans entre 2 entités que sont donc le FRELIMO et le RENAMO (Resistencia Nacional Mocambicana). Le premier remportant une nouvelle fois la victoire et s’affirmant comme le parti présidentiel incontesté depuis lors. Constat sur lequel viennent se greffer les traditionnelles logiques de corruption et de clientélisme, souvent marqueurs de ces modèles politiques caractéristiques du continent africain qui n’ont de démocratie que le nom.

A ce leg historique et politique, il faut ajouter les aspects tribaux, confessionnels et ethniques ainsi que les très fortes inégalités entre les différentes régions de ce pays a la géographie étendue, éloignant les centres de gravité économicopolitiques de zones rurales jusqu’ici livrées à elles-mêmes bien qu’au potentialités exceptionnelles sur le plan des ressources naturelles.

Ces quelques éléments de contexte sont importants à souligner en ce sens qu’ils structurent le pays et ses ingérences extérieures multiples en exerçant un contrôle sur l’ensemble des acteurs étatiques, compagnies ou investisseurs privés (nationales ou étrangères) désirant s’établir au Mozambique, s’y développer ou y investir. 

La stratégie de communication et le positionnement de TotalEnergies s’inscrit dans ce contexte global.

 

Les facteurs favorables au projet de Total Energie

Concernant le projet Mozambique LNG, TE a pu s’appuyer sur plusieurs facteurs qui ont pu lui permettre d’affirmer sa légitimité pour se positionner favorablement vis-à-vis des autorités mozambicaines et de la concurrence.

 

L’antériorité de la firme dans le pays depuis 1991

TE a développé ses premières activités au Mozambique à partir de 1991. En effet ce positionnement « business et contractuel » aura permis à ses différents country chair (chef de la filiale TE au Mozambique) successifs, d’y développer un réseau d’acteurs locaux d’influence dont des personnalités politiques, issus des milieux de la communication ou encore des journalistes. Ceux-ci constituant autant de vecteurs de diffusion de l’information (directs ou indirects, conscients ou inconscients) rendus fiables et manœuvrables par une relation de confiance et de long terme. Point particulièrement important à l’heure d’accompagner le projet LNG et d’en défendre son bien fonde face à ses nombreux détracteurs. 

 

Le statut privé de TE et par extension de sa filiale mozambicaine

Ce statut privé lui a permis d’appuyer et de structurer sa stratégie de lutte dans le champ de l’information face à ses concurrents, de façon indépendante en s’affranchissant de toutes injonctions gouvernementales françaises (autres qu’un alignement de principe « officiel » avec les positions de la diplomatie française dans la zone) sur le cas du projet Mozambique LNG notamment. Une telle approche se décline au niveau tactique sur le terrain dans les zones et avec les populations directement concernées par le projet Mozambique LNG, au niveau opératif, à l’échelle du pays sous la coordination du chef de filiale, et au niveau stratégique par le réseau international dont dispose TE pouvant parfois aller jusqu’à se substituer à l’action de la diplomatie française. Celle-ci de surcroit étant en perte d’influence exponentielle en Afrique et éloignée culturellement et historiquement dans le cas du Mozambique. Si on peut légitimement penser qu’ENI dispose des mêmes atouts et relais internationaux l’Etat italien détient toujours une part directe de 2% et participation supplémentaire de 28.5%. On peut également penser que l’Etat Italien peut appuyer ENI dans le champ informationnel par les outils régaliens dont il dispose, mais cela peut devenir une contrainte, par la concertation qu’il suppose avec les représentants des actionnaires privées. De plus, son influence dans cette région du monde reste toute relative et a priori n'est pas de nature à pouvoir contrer durablement une stratégie de lutte informationnelle consolidée, telle que TE peut mettre en œuvre par une empreinte terrestre de son projet bien supérieure. 

 

La position majoritaire de Total Energie dans le projet

Ce dernier facteur est celui qui a la fois consolide le second évoqué supra, et limite le risque d’ingérence étrangères autour de ce projet dans lequel TE est majoritaire. En effet, du fait du statut prive du groupe et de son implantation internationale à travers toutes ses filiales et associes, il dispose d’asset et d’autant de relations avec plusieurs autorités politiques lui permettant de contrôler en grande partie le risque d’ingérences étrangères notamment sur le projet LNG. Le conflit russo-ukrainien l’illustrant très bien par la dimension donne au projet Mozambique LNG, avec notamment l’obligation pour l’Union Européenne de diversifier ses approvisionnements en gaz. 

De plus les relations que cultive TE avec la Russie et plus largement les pays du BRICS lui permettent de se désolidariser, au moins non officiellement, de la ligne diplomatique officielle française pour préserver ses activités autour du projet Mozambique LNG. A plus forte raison dans un pays ou, comme évoqué préalablement, l’influence russe et l’héritage soviétique comptent. Cette logique s’applique également à ses concurrents directs que sont ENI et EXXON, usant des mêmes mécanismes et logiques de réseau, mais dont la combinaison des 3 facteurs réunis laissent à penser que TE bénéficie la encore d’un certain ascendant, si on l’associe au fait qu’il détient la participation majoritaire dans ce projet onshore a l’impact économique et social régional.

 

L’alliance avec le pouvoir local

Le second outil pour se prévaloir de toutes futures attaques physiques (contre les insurgés opérant dans les zones d’intérêt du projet) et informationnelles comme celle décrite dans le paragraphe précèdent, est l’intégration et association croissante de l’Etat mozambicain et de ses forces de sécurité (police, armée de terre, marine, etc.). Ce dispositif existait alors déjà lors des attaques de 2021 mais il a aujourd’hui été renforcé et repensé en invitant les représentations nationales, et régionales à s’impliquer davantage dans la sécurisation du projet. 

Cette relation entre une entité privée et des forces gouvernementales est définie par des documents officiels, appelles « Mémorandum of understanding » (MoU) a la valeur juridique établie pour l’ensemble des parties signataires, définissant les conditions d’emploi et d’application des différents prérogatives qui y sont listées.

Si de multiples raisons obligent TE a établir ce type d’accord avec les autorités de tutelle du pays concerne (Le Mozambique dans le cas présent), l’un de ses effets indirects est celui de la légitimation du projet pour sa communauté nationale et internationale et l’association d’image qui en résulte de facto. Cela en complément d’une association de l’Etat mozambicain déjà formalisée par sa participation minoritaire au consortium du projet à hauteur de 8.5% via son entreprise nationale ENH (Empresa nacional de Hidrocarbonetos).

 

L’appui indirect de l’Union Européenne au projet Mozambique LNG

TE en bénéficie de facto par l’intermédiaire de financement de déploiement de contingents militaires africains (Rwandais, SAMIM et SADNF) au prétexte de lutte contre l’islamisme radical et de stabilisation sécuritaire dans la sous-région du Cabo Delgado.

Intégré à une manœuvre géopolitique et stratégique globale, ce type de concours financier de l’union européenne aux opérations de maintien de la paix ou à la stabilisation sécuritaire de cette région fait par nature l’objet de conditions d’octroi très encadrées et en tout état de cause d’une décision politique concertée, dont l’honorabilité et l’universalité de finalités aussi consensuelle ne sauraient être contestées (au moins officiellement et selon les standards occidentaux).

TE ne manquera de capitaliser sur un tel engagement d’organisation internationale tel que l’UE, même de façon indirecte et non officielle (malgré l’existence de MoU aux conditions d’exécution très stricte et relatives aux activités de TE) pour faire valoir la légitimité de son positionnement comme vecteur de développement économique en complément de la manœuvre militaire et diplomatique visant la stabilisation sécuritaire de la région.

 

Les menaces sur le projet

Il existe une instabilité endémique du Nord Cabo Delgado incarné actuellement par le mouvement islamiste des Shebabs (Aka ANSAR Al Sunna ou EIM – Etat islamique au Mozambique).

Les principaux de gisement LNG offshore identifies, et dont le regroupement puis la concession (GOLFINHO/ATUM) ont été attribués au consortium a la tête duquel TE se situe du fait de sa participation majoritaire, sont situés au large de la partie Nord du Cabo Delgado proche de la frontière tanzanienne. 

Cette région qui est à 2500 km de la capitale Maputo, cultive le paradoxe de la concentration importante de ressources naturelles et minières (pour l’industrie extractive) comme autant de perspectives de développement économiques et sociales, et la carence/absence des services publics générant une faiblesse particulièrement prégnante de l’état de droit, et donc un sentiment d’abandon des populations.

 

Les germes d’une déstabilisation 

A cela s’ajoute, le poids de l’histoire contemporaine du Mozambique au cours de laquelle le Cabo Delgado a été le théâtre d’insurrections armées (Constitution du FRELIMO durant la colonisation Portugaise, implantation du RENAMO lors de la guerre civile, puis berceau de l’insurrection islamiste),les rivalités ethniques, les influences régionales (Tanzanie, Somalie et Congo dans l’export d’éléments dangereux issus de leur propres foyers d’instabilité, ou la Péninsule arabique jusqu’au Pakistan par le biais de liens commerciaux entretenus et implantes au Mozambique), et la présence d’une activité mafieuse pratiquant des trafics de toutes natures (Pierres précieuses, migrants, drogue). On devine ainsi la complexité de la zone et le terreau fertile qu’elle constitue pour la montée en puissance d’une insurrection islamiste qui a pris ses bases en 2000 sous l’influence de prêcheurs radicaux pour se structurer à partir de 2017 et faire allégeance en 2019 a la franchise terroriste islamiste Daech. Le point culminant de cette rébellion ayant été atteint en 2021 avec l’attaque de la ville de Palma, obligeant TE, dont la construction de son site industriel pour le projet LNG se situe immédiatement à proximité sur le site d’AFUNGI. 

Cette dernière obligeant TE a déclaré le statut de force majeure, l’évacuation de son site d’AFUNGI ainsi que de nombreuses populations environnantes par des moyens mis en œuvre dans l’urgence. Cette séquence dramatique a amené de nombreux observateurs internationaux (Dont des journalistes, ONG, ou autres opposants au projet) à associer directement et indirectement ces évènements aux activités de TE dans cette région. Avec tous les impacts que l’on peut imaginer en termes d’image et de moyens de lutte informationnelle à mettre en œuvre pour contrer ces allégations. 

 

L’offensive judiciaire contre TotalEnergies

Après les attaques islamistes de Palma de 2021, le groupe français a fait l’objet d’une enquête préliminaire pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger, à la suite d’une plainte accusant le géant pétrolier de ne pas avoir assure la sécurité de ses sous-traitants. Cette plainte est instruite par le Parquet de Nanterre. Si le motif d’une telle plainte aux fondements par ailleurs très discutables, est évidemment la compensation financière qui peut résulter d’une telle action en justice, la personnalité d’Alex Perry (journaliste a l’origine de l’enquête sur laquelle reposent les différents chefs d’accusation) soulève quelques interrogations. En effet il est évident que ce journaliste instrumentalise ce dossier pour combattre TE sur le terrain informationnel et donc judiciaire avec comme but personnel un impact réputationnel important et durable. A travers son action, Alex Perry détourne l’opinion nationale et internationale des véritables responsables de ces attaques, que sont le mouvement islamiste au Cabo Delgado et très probablement les soutiens de puissances étrangères qui leur ont permis de se structurer sur place. Et parmi lesquels on peut légitimement penser qu’un impact durable sur le projet Mozambique LNG était l’objectif réel. La concurrence géoéconomique sur la fourniture de gaz était déjà très importante avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Les retombées des sanctions occidentales contre la Russie ont accru l’importance de la fourniture de gaz au niveau mondial. Certains pays fournisseurs se montrent désormais très actifs pour défendre leur situation privilégiée dans l’offre et n’hésitent pas à recourir à tous les stratagèmes pour limiter ou retarder l’importance de nouveaux entrants sur le marché du gaz. Le fait d’armer et d’apporter un soutien logistique à des groupes se réclamant de Daesh entrent tout à fait dans cette ligne de conduite.

Ne se prononçant que très peu publiquement sur le process judiciaire en cours, il est intéressant d’observer les outils judiciaires et légaux sur lesquels s’appuient TE pour répondre aux attaques informationnelles récurrentes et véhémentes dont il fait pourtant l’objet par médias interposés. Dans ce contexte et plus généralement une époque marquée par une très forte judiciarisation, le renforcement et consolidation actuelle d’un corpus documentaire encadrant encore davantage les activités de la filiale TE Mozambique avec la redéfinition précises des responsabilités de chacune des parties prenantes.

Si ces accusations sont considérées avec le plus grand sérieux par TE comme en témoigne les outils mis en œuvre pour y répondre, les conséquences actuelles de ces attaques semblent pour le moment contenues.

 

Les conséquences de l’offensive jihadiste 

Le 26 avril 2021, le groupe Français TE a annoncé la suspension de son projet gazier dans le nord du Mozambique, après les attaques jihadistes ce même mois contre la ville de Palma (localité la plus proche du site industriel d’AFUNGI retenu pour développer et construire toute la structure Onshore du projet), indiquant dans un communique avoir déclaré une situation de « force majeure ». 

Cette décision ayant eu notamment pour conséquence le retrait de l’ensemble de ses personnels et l’évacuation du site. Pour autant il ne s’agissait pas d’abandonner le projet même si ce retrait a eu pour conséquence de suspendre un certain nombre de contrats. En termes d’image et dans le champ informationnel, s’est alors imposé un double défi à TE :  la résilience du groupe et de sa filiale Mozambicaine face à cette séquence assez inédite dans sa portée et ses conséquences, ainsi que celle de maintenir un positionnement clair vis-à-vis de ses partenaires et surtout une fois de plus face à ses détracteurs pour ne pas hypothéquer les conditions futures d’un redémarrage du projet. TotalEnergies se devait d’être en position de force à l’heure de la renégociation des différents contrats partenaires et d’avoir la capacité de pouvoir remobiliser les effectifs en interne comme auprès de ses contractors habituels.

 

La résilience de TotalEnergies mise à l’épreuve

L’organisation de TE s’appuie sur un maillage mondial de filiales dans chaque pays ou le groupe s’est implanté, conférant de facto une base d’appui solide de par la diversité des activités qui y sont développées, le réseau et les accès « diplomatiques » que cela autorise et la capacite d’ajustement RH dans le cas où une filiale viendrait a subir un évènement majeur comme dans le cas du Mozambique.

Il s’agit-là des piliers de sa résilience interne. Sur le plan de la résilience externe, TE s’appuie aussi sur son maillage international avec l’avantage des atouts et capacités lies a son statut de géant industriel. Il autorise à absorber les contingences d’une telle suspension de projet par, on l’imagine, des compensations pouvant prendre la forme de « compensations » contractuelles avec d’autres filiales et les perspectives d’une reprise du projet ou les modalités contractuelles (Une nouvelle fois) d’association au projet pourront être possiblement revue à la hausse (même si les couts devront rester raisonnables au risque de retarder la reprise du projet et la levée de la force majeure). TE a conscience de ce dernier point pouvant être à son désavantage sur le plan financier ponctuellement. En revanche sur le plan informationnel il démontrera toute sa résilience vis-à-vis des investisseurs et concurrents au niveau national et international. Point sur lequel il pourra capitaliser pour des projets futurs. 

 

L’adaptation à la crise…

En tant que société aux activités mondialisées, TE fait reposer son fonctionnement sur des structures standardisées et un recours important aux sociétés de Contractor (comme variable d’ajustement RH), ensuite déclinées au niveau de chaque filiale (as per the local Working laws). Ce modèle de fonctionnement autorise ainsi une adaptabilité et réversibilité constante de ses collaborateurs quant à leur employabilité et lieu d’affectation. Une nouvelle fois, si TE n’a bien sûr pas l’exclusivité de ce type d’organisation, il a pu faire ses preuves dans ce cas exceptionnel de force majeure et s’affirmer comme un vecteur informationnel indirect de diffusion interne et externe positif se basant sur l’ensemble de l’argumentaire détaillé ci-dessus. Le choix de l’onshore (Impact territorial important) par rapport a l’Offshore ne faisant qu’exacerber cette analyse.

Comme cela vient d’être expose, l’arrêt ou la suspension d’un projet suppose une forme de résilience et une bonne capacite de réarticulation. Au même titre que le projet Mozambique LNG, TE a dû suspendre son projet YAMAL LNG en Russie pour des raisons géopolitiques, réputationnelles et financières du fait du déclenchement de la guerre en Ukraine et des condamnations internationales dont la Russie fait l’objet depuis lors. 

Avec cette décision TE s’aligne sur les chancelleries occidentales sans pour autant hypothéquer l’héritage d’une relation de confiance solidement établie avec ses partenaires économiques ainsi que les autorités russes. Le CEO TE notamment, Mr de Margerie avant son décès en 2014, avait pour habitude de s’entretenir avec Vladimir Poutine, relation préservée jusqu’alors même si le conflit Ukrainien a dû imposer une distanciation, au moins officielle, des relations)

L’une des conséquences de la suspension du projet YAMAL LNG a été notamment sur le plan des ressources humaines (Incluant la chefferie de projet notamment), ou du fait d’une correspondance de calendrier avec le besoin de redéfinir les bases d’une reprise du projet LNG au Mozambique, un certain nombre de personnes ont été réaffecté au Mozambique.

TE n’opère pas toujours dans des pays dont les valeurs universalistes occidentales sont partagées ou comprises des autorités ou autres partenaires micro ou macro-économiques. La préservation d’asset (humaines, économiques, infrastructures) composant avec chaque réalité et cultures locales, s’impose donc comme un défi informationnel permanent pour une entreprise ayant cultive avec le temps et une expérience de l’international éprouvée, une vraie capacite d’adaptation aux contingences endogènes ou hexogènes pouvant affecter ses projets.

 

Le développement social et économique (SED) comme vecteur d’influence 

Dans une région marquée par la cohabitation de nombreux groupes de population aux cultures et aux confessions différentes, La structuration de ces dernières autour un projet commun constitue une opportunité de vecteur de cohésion sociale. Ce projet devant composer avec un pays a la mosaïque culturelle et un héritage politique post colonial complexe issue aussi des guerres d’indépendance (RENAMO et FRELIMO au pouvoir), ainsi qu’avec la présence de l’insurrection islamique posant de sérieuses questions sécuritaires au Cabo Delgado. Autant de facteurs générant également de nombreuses ingérences étrangères.

Constat prenant la aussi une importance singulière du fait du choix de TE de se porter sur un modèle d’exploitation LNG Onshore, le distinguant de ses concurrents ENI notamment ayant opté pour un modèle Offshore. Ce point est crucial dans le sens ou l’empreinte territoriale du projet est sans commune mesure avec celle de ses concurrents, avec tous les corollaires que cela suppose dans le champ des perceptions locales, régionales et internationales en plus des défis techniques et technologiques. 

 

Les ressources humaines locales du projet Mozambique LNG

De nos jours, il est une condition qui s’imposent à tous les partenaires et investisseurs étrangers sur le territoire d’un pays souverain tel que le Mozambique. Il s’agit de l’intégration a son projet d’une part majoritaire des ressources humaines et matérielles du pays hôte, nécessaires à la construction puis l’exploitation du dit projet. Ce modèle n’est bien sûr pas une exclusivité du projet LNG et du Mozambique en particulier. Ce postulat ayant pris une importance et une légitimité supplémentaire durant les périodes de restrictions de circulation des travailleurs internationaux imposées par la pandémie de COVID 19. En effet, TE a pu s’appuyer sur une base de collaborateurs et travailleurs autochtones pour maintenir un certain niveau de continuité dans les activités associées au projet. Par extension, du fait des mouvement logistiques internationaux contraints, les ressources matérielles présentes dans le pays constituent autant d’atouts dans le cadre d’un Business continuity plan. L’ensemble de ces critères étant bien sur partie intégrante de l’étude de faisabilité préalable a un tel projet. 

Le second point pouvant être mis en avant, même si moins évident de prime abord, est l’exploitation dans le champ informationnel, d’une utilisation majoritaire des matériaux de construction (principalement pour du gros œuvre) pour la construction du site industriel a AFUNGI (Proximité de la ville de PALMA). L’utilisation de cette ressource en matériaux de construction et matières premières locales est évidemment à mettre en relation avec le concours de partenaires locaux disposant des compétences pour en assurer l’extraction et disponibilité. Si un certain nombre de ces concessions déjà existantes sont étrangères (Dans leur structure de top management) elles sont généralement enregistrées au Mozambique (autorisant alors la mise en œuvre par TE d’une stratégie de Local Content pour les référencer et les intégrer au projet) et s’appuient également sur une main d’œuvre qualifiée ou non Mozambicaine. Ce qui nous rapproche du paragraphe précèdent. 

Pour revenir à l’emploi de matériaux, minerais, ou de ressources locales pour la construction du projet, il est certain que cette stratégie répond prioritairement a une nécessite d’optimisation des couts dans leur globalité. Pour autant si l’on prend le temps d’analyser l’ensemble de la chaine de valeur industrielle permettant d’acheminer les matériaux depuis leur extraction jusqu’à leur lieu de destination et d’emploi final, il y a une « fenêtre » très intéressante à exploiter au niveau informationnel sous le prisme principal de la limitation de l’impact carbone (et donc de l’écologie) par une signature logistique voulue comme optimisée du fait d’élongation tendant à être réduite à leur stricte essentielle. Argumentaire devant la encore faire l’objet d’une communication calibrée et pertinente quant aux détracteurs cibles. 

Cette logique pourra opportunément être mise en avant en s’inscrivant dans la cohérence sémantique d’une société mondialisée portée vers l’écologie (comme valeur universelle) et dont le PDG Patrick Pouyanne opère actuellement une manœuvre globale de diversification de ses activités comme une priorité. Et ce, en dépit d’une image encore très largement associée à l’Oil&gas.

 

L’importance du développement économique et social 

Le développement économique et social (SED – Social Economic Development) peut être défini comme un ensemble d’action visant à promouvoir le développement des infrastructures locales ainsi que l’économie locales à travers des projets dimensionnant reposant sur les atouts et compétences de la population locales. Ces projets pouvant être associes de façon directs et indirects au projet Mozambique LNG en lui-même. L’approche stratégique de cette composante du projet Mozambique LNG est d’autant plus importante qu’elle conditionne aussi une part de son acceptation par les populations locales et le pays hôte et donc une partie de sa sécurité. Le message envoyé doit aussi trouve sa cohérence dans la réponse apportée aux préjudice subis (Cadastraux, accès aux zones de pêche, etc.) par les populations riveraines du projet. 

Dans le cas du projet Mozambique LNG et si l’on s’attarde sur son historique, il est intéressant de constater la différence de considération pour ce sujet du SED, pourtant fondamentale dans le champ des perceptions collective et pour la bonne exécution d’un projet de cette envergure. 

Jusqu’à la reprise du projet Mozambique LNG par TE, ANARDOKO (groupe pétrolier Texan) avait une conception minimaliste du SED basé sur une approche culturelle privilégiant le marqueur sécuritaire pour leurs propres infrastructures et se limitant pour l’essentiel à la relocalisation des populations expropriées du fait de l’attribution de la DUAT (Concession Cadastrale Mozambicaine) au futur site industriel d’AFUNGI. 

 

La nécessité de mieux intégrer les communautés locales

A partir de septembre 2019, date de reprise du projet par TE, l’entreprise a donc dû faire face au changement de paradigme dans l’approche du SED en faisant valoir une logique d’intégration accrue des communautés locales. Le comparatif entre les deux sociétés peut être profitable a TE dans le temps long. Le vrai sujet s’imposant alors à TE sur le plan informationnel est ensuite l’inertie pour la mise en œuvre de ces actions/projets de SED dans un cadre espace-temps culturel éloigné des standards occidentaux, devant se concrétiser. Cela apportera alors un vrai impact informationnel (Même s’il faut pragmatiquement le relativiser) aux populations impliquées dans ce projet pour distinguer TE de ses homologues et concurrents dans la région. 

TE a dû composer, en plus d’un héritage ANADARKO quasi nul sur ce sujet. En effet à partir de sa date de reprise du projet, TE a été confronté à une combinaison de crises (action terroriste de groupes liés à DAESH, phénomène météo comme le cyclone Kenneth, pandémie mondiale de COVID 19) dont certaines avaient fait l’objet d’une analyse préalable, d’autres plus incertaines ne pouvant être anticipée (A tout le moins dans leur portée réelle). 

 

le SED comme partie intégrante de la sécurité du projet LNG et des populations.

Le projet de TE se situe dans une zone géographique exposée, identifiée rouge sur la carte de vigilance du ministère des affaires étrangère français et comme étant « fortement déconseillée de s’y rendre » par l’ambassade de France au Mozambique. TE a également classé cette zone comme présentant des risques mais en mettant en œuvre les mesures de mitigation nécessaires pour nuancer cette analyse des chancelleries occidentales et ainsi autoriser le déploiement des travailleurs essentiels pour effectuer les travaux nécessaires a la reprise du projet Mozambique LNG. 

Parmi ces travailleurs essentiels (Critical workers only selon la formule anglosaxonnes) figurent bien sur les équipes de sécurité qui constituent bien souvent l’avant-garde d’un projet dans son analyse et étude de faisabilité, et l’arrière garde en cas d’activation d’un plan d’évacuation partiel ou total. Les prérogatives des cadres de ces équipes de sécurité, composées de nationaux comme de profils expatries (souvent rompus à ce type d’environnement du fait d’une expérience opérationnelle préalable dans les armées), peuvent être étendues et dans le cas du Mozambique, intègre la composante SED. 

 

La prise en compte de l’acceptance

Le premier lien pouvant être fait entre le SED et la sécurité est bien sur la notion d’acceptance (terme assez courant au sein des ONG dont il est un des piliers de leur sécurité). Celle-ci pouvant se définir par la démarche pédagogique initiale assortie d’engagement de TE, suivi de la concrétisation de projets, révélant au-delà des mots et autres déclarations d’intention, la cohérence d’une démarche d’accompagnement du projet gazier. Celle est d’autant plus fine et porteuse de fruit qu’elle intègre cette fameuse temporalité locale en s’affranchissant du battage médiatique dont l’éloignement de la réalité du terrain travestit la vraie réalité des actions en cours. Elle saura ensuite se traduire dans le champ informationnel et médiatique par la présentation de fait irréfutables quelques soient les jugements de observateurs du projet Mozambique LNG. 

Le processus d’acceptance est consolidée par la connaissance du milieu humain et social au cœur duquel le projet s’implante. Il y a d’abord les populations locales et les forces de sécurité locales, qui, associées au projet, y voient une valorisation individuelle et collective. Il y a ensuite les forces de sécurité internationales comme les Rwandais et la SAMIM (dont le mandat prend fin au mois de juillet 2024). Et enfin la constellation de partenaires étatiques ou non étatiques (ONG locales et internationales, agences UN, PME et TPE locales) parties prenantes du projet dans cette partie SED pour toutes les expertises extérieures par lesquelles ils peuvent contribuer dans leurs champs de compétences respectifs. On peut penser ici très simplement a l’organisation médecins sans frontières (MSF) dans le domaine médical. 

Les équipes de sécurité de TE prennent alors le rôle de coordinateur de l’ensemble de ces entités intervenant dans la zone et dont la présence n’aurait pu être possible sans le projet Mozambique LNG. Ils se constituent par la même occasion un formidable réseau humain comme autant d’informateurs potentiels profitables a tous (chacun par rapport à ses intérêts et objectifs dans la zone) en cas de menaces directes ou indirectes (la encore) sur le projet. Qu’il s’agisse des personnels infrastructures ou moyens matériels. 

Un dernier point pouvant être souligné sur l’importance du SED sur la partie sécuritaire est le rempart qu’il constitue face au prosélytisme religieux de l’état islamique au Mozambique dans la zone, par la création de conditions sociales améliorées a travers la création d’emploi et la logique financière associée (Le versement de salaires stables) dans une région ou l’action de l’Etat est de toute façon peu perceptible. 

 

La place prise par la dimension humanitaire

Comme un critère incontournable à l’époque actuelle TE doit intégrer les leviers réputationnels comme constante au développement de sa filiale mozambicaine, et sur le projet LNG en particulier. La prise en compte des enjeux écologiques et/ou de transition énergétique ainsi que l’intégration des ONG et autres partenaires officiels nationaux ou étrangers dans l’écosystème direct ou indirect du projet, oblige TE a constamment penser sa communication et stratégie de développement associée face à une concurrence qui ne manquera pas d’instrumentaliser chaque faux pas. Cette dernière partie venant comme un complément a plusieurs éléments déjà évoqués dans les parties précédentes avec pour objectif de distinguer l’informationnel du réputationnel même si l’un dépend de l’autre dans une nuance pas toujours aisée a identifier. Les débuts chaotiques du projet depuis sa reprise par TE ont pu nourrir les propos des détracteurs du groupe pétrolier français, qu’il s’agisse d’ ONG, d’influenceurs ou de journalistes, très actifs dans le champ des médias, parfois moins sur le terrain.

 

L’association de Christophe Ruffin comme caution morale du projet Mozambique LNG.

Sans revenir sur l’ensemble des éléments de contexte constituant l’environnement du projet Mozambique LNG, il faut bien rappeler que la lutte informationnelle ne se limite pas aux frontières administratives du Cabo Delgado, du Mozambique ou même de l’Afrique australe. Il s’agit bien d’une cause mondialisée. En effet à l’heure des réseaux sociaux et d’une diffusion de l’information toujours plus rapide et déformée, et compte tenu de l’impact géopolitique d’un tel projet, il faut être capable d’absorber et filtrer le flux d’information pour mieux le cibler et le contrer le cas échéant. 

De plus il devient difficile pour chacune des organisations engagées dans une guerre informationnelle mêlant des acteurs hétéroclites et assez nombreux, d’être audibles ou tout simplement perçus comme objectifs tant les positions affichées sont partisanes, idéologiques ou partie pris. C’est dans ce cadre que TotalEnergies a souhaité confier au nom des partenaires du projet Mozambique LNG, une mission d’évaluation indépendante sur la situation humanitaire dans la province du Cabo Delgado ou se situe le projet. Jean Christophe Rufin, personnalité reconnue pour son expertise dans les domaines de l’action humanitaire et des droits humains a été mandate en ce sens. Depuis lors 2 missions ont été réalisées, un audit initial en décembre 2022 et un audit de réévaluation en janvier 2024. 

La démarche de TE dans cette forme de consultation externe, qui repose sur l’honorabilité de Christophe Rufin, sa réputation ainsi que son réseau humain est assez inédite et mérite d’être souligne à plus d’un titre. Tout d’abord parce qu’elle permet à TE d’en ressortir gagnant au niveau stratégique sur le plan informationnel et réputationnel. TE a montré sa capacité à avoir convaincu ce dernier de mener cette mission d’évaluation en prenant le risque de l’issue et des termes du rapport. Christophe Rufin lui-même a réaffirmé à plusieurs reprises l’Indépendance de sa mission prenant soin de maintenir la bonne distance morale par rapport aux activités du groupe TE, notamment sa branche exploration production.

 

Le concept d’une évaluation externe initiée sur le projet Mozambique LNG avec pour finalité ce rapport Ruffin et ses préconisations (que TE s’efforcera de mettre en œuvre pour crédibiliser l’ensemble de sa démarche) constitue un précèdent assez inédit et une réponse adaptée à la complexité du monde d’aujourd’hui. Cette remarque vaut aussi pour l’ensemble des parties prenantes, puisque rarement une telle association avait été observée auparavant, en tous cas en pareil contexte, et avec un tel suivi médiatique, ce qui est bien sur l’effet finale recherche. 

Enfin à travers cette démarche et bénéficiant des connaissances de Christophe Rufin dans le monde humanitaire, celui-ci préconise plusieurs recommandations que sont la « conception d’une stratégie de développement local », « Le contrôle des opérateurs » et la « coordination » de l’ensemble des parties prenantes (Stakeholders et Implementing Partners) dont le milieu humanitaire qui a accueilli le travail de Christophe Rufin avec autant de curiosité que de circonspection. 

 

La création d’une structure de société civile pour accompagner le projet

Pour aller dans le sens des recommandations du rapport Ruffin, la filiale mozambicaine a créé en 2023 une fondation nommée « PAMOJA TUNAWEZA » (nom qui signifie en langue swahili « tous ensemble ») . Cette fondation doit faire office d’autorité unique pour coordonner l’ensemble des programmes sociaux économiques de Mozambique LNG. Elle a trois fonctions principales : conception des projets, contrôle des opérateurs et coordination avec les autres stakeholders[i]

 

En matière de conception des projets, les principaux défis que doit relever la fondation sont : 

  • Les très fortes demandes (parfois même anarchiques auxquelles la fondation fait face, avec l’impératif de priorisation et la nécessaire étude de faisabilité qui doit précéder tout engagement de TE sur chacun d’entre eux. 

  • La pertinence du projet en tant que tel avec des critères d’évaluation devant être les plus objectifs possibles, comme son impact social, sa pérennité dans des environnements physiques, sécuritaires et humains exigeants, ainsi que son cout (TE restant une société privée et ne devant/pouvant pas se substituer à l’action de l’état au moins sur le plan officiel) pour n’en citer que 3 d’entre eux 

  • L’impératif de compliance devant prévenir de tout préjudices réputationnels futurs tel qu’une association directe ou indirecte a un partenaire malveillant ou pouvant faire l’objet d’une quelconque procédure judiciaire qui annulerait de facto la réalisation d’un projet tout en impactant durablement la réputation de tous les partenaires dont TE. 

 

Pour ce qui concerne le contrôle des opérateurs, la fondation doit cartographier chacun d’entre eux en fonction de leur domaine réel de compétences et potentiel ainsi que de s’assurer de leur probité dans un un process de développement durable.

La fondation bénéficie de l’expertise acquises de TE et regroupe une équipe de personnel dument identifiés. Les montages administratifs de chaque projet se font à la fois sur la partie terrain au contact des différents Stakeholders, et au siège de Maputo où se situe l’ensemble des services support (compliance, government affairs, achats. Enfin ce contrôle des opérateurs a aussi pour objectif de coordonner des secteurs d’activités qui n’ont peu l’habitude de collaborer entre eux. 

La fondation répond à un  enjeu d’efficacité et à un souci réputationnel, notamment dans un pays comme le Mozambique ou la corruption est endémique comme les logiques de conflit d’intérêt public prive qui peuvent rapidement faire l’objet d’une condamnation ou instrumentalisation quelconque.

Enfin, en ce qui concerne les Stakeholders, TE doit respecter les règles définies par la fondation mais aussi composer avec les lois et règles du pays en vigueur. Si celles-ci sont parfois étonnantes et obsolètes, elles s’imposent dans un cadre qui prévaut à tous les niveaux de la société et dont il ne faut pas s’affranchir sous peine de poursuites judiciaire et/ou réputationnelles. Le danger principal dans ce cas étant le conflit d’intérêt dans une société mozambicaine où cette pratique est culturelle.

 

Une stratégie d’intégration des acteurs étatiques régionaux 

Le premier partenaire étatique avec lequel TE doit composer est bien sur l’Etat mozambicain. Pour les forces de sécurité que celui-ci est en mesure de déployer, il s’agit principalement et logiquement des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Domaine régalien d’un Etat souverain, TE dispose au sein de son organisation fonctionnelle, d’un département dédié aux affaires du gouvernement afin de formaliser à chaque fois que nécessaire un accord, un protocole ou un MoU (Memorandum of Understanding) définissant les termes de l’agreement et le partage des responsabilités. 

Ces documents sont très importants dans le sens où ils déterminent le lien public/privé et l’allocation de moyens pour chaque partie. Si dans la théorie, ces accords ont des termes bien définis, la réalité est plus nuancée, voir totalement décorrélée des termes de l’accord avec lesquels il faut pour autant composer (mandats longs pour les forces déployées, problématique de paiement des salaires, défaut d’équipements). L’enjeu réputationnel et informationnel n’est pas mince. 

Sans se substituer à l’action de l’Etat, TE doit faire bonne figure en compensant par d’autres actions telles que la mise en œuvre du programme Voluntary Principles on Security and Human Rights (VPSHR).  Le VPSHR propose une marche à suivre aux compagnies qui y adhèrent (dont TE) pour sécuriser leurs opérations, tout en faisant la promotion des droits de l’homme. Ce programme définit des lignes directrices à suivre dans la collaboration avec des partenaires privés (sociétés de sécurité privées) ou publics. Le but est de limiter l’impact des opérations sur la communauté en conciliant sécurité des opérations et droits de l’homme. Pour TE, il s’agit en particulier d’aligner les politiques internes avec la notion de droits de l’homme et de développer des stratégies efficaces sur le terrain pour diminuer le niveau de risques. TE trouve ici un champ d’application de ce VHPSR au profit d’un Etat mozambicain qui en bénéficie également très largement. 

Le second partenaire est le Rwanda dont le déploiement de troupes au Cabo Delgado est le point déterminant de la reprise du projet. Des troupes militaires et policières rwandaises ont été déployées afin de reprendre l’ascendant militaire sur l’insurrection en 2021. Elles ont ensuite été rejointes par les forces de la SAMIM[ii] (force militaire déployée par la SADC[iii]) qui ont annoncé leur retrait et départ pour le mois de juillet 2024.

En raison de très nombreux projets dans cette région (notamment le projet EACOP à cheval sur la Tanzanie et l’Ouganda), TE a une relation importante avec les autorités rwandaises du fait du statut et la position géographique de ce pays, devenu modèle de développement sur le continent africain, avec une certaine honorabilité acquise depuis la fin du génocide Rwandais (Malgré un appareil d’état verrouillé par Paul Kagame) et surtout une armée moderne, très bien équipée et professionnelle. En apportant les garanties sécuritaires indispensables au redémarrage du projet, le Rwanda consolide son rôle de régulateur et médiateur en Afrique, avec des contreparties qui ne manqueront pas de se matérialiser à l’aune de sa concrétisation de l’ensemble des projets de TE. 

 

Bénédicte Drougard (MSIE 44 de l’EGE)

 

Notes

 


[i] Références P19 – Rapport jean Christophe Rufin et annexes

[ii] South African Military intervention in Mozambique

[iii] South African development Community