Investir la plateforme Snapchat, nouvelle stratégie de guerre de l’information de la Police Nationale
La France est secouée par une série d’attentats entre 2015 et 2016. En cette période, les forces de l’ordre sont fortement mobilisées et leur action globale est soutenue par la population. L’image des policiers est excellente et on assiste à des scènes à Paris où la foule applaudit les équipages en patrouille. Cet attrait pour l’institution se traduit notamment par un engouement massif pour le concours d’entrée à l’école de police avec 36000 candidats pour l’année 2016, soit deux fois plus qu’en 2015. Mais la situation va peu à peu changer, notamment à partir de l’Affaire Théo en 2017 où désormais des scènes de violences impliquant des policiers seront sorties de leur contexte et systématiquement partagées et relayées sur les réseaux sociaux. Ce phénomène va s’amplifier et atteindre son point d’orgue pendant les manifestations des gilets jaunes, où les mises en scène d’affrontements vont se multiplier. Face à cette opinion de plus en plus défavorable envers la Police, quelle est la stratégie de communication adaptée pour contrer cette mauvaise image ?
Le choix du bon canal
Snapchat est une application qui permet d’envoyer de courtes vidéos et photos entre des utilisateurs de façon ludique. Ces vidéos peuvent être éphémères ou continues, en fonction de l’option choisie. Elle est particulièrement utilisée par les 15-25 ans et on compte 13,2 millions d’utilisateurs actifs chaque jour en France. L’application a joué un rôle clé dans la diffusion et la propagation des scènes de violences entre police et population pendant les manifestations des gilets jaunes ou encore dans certaines banlieues au cours de situations tendues. Dans une société aujourd’hui où les jeunes de cette tranche d’âge déclarent s’informer uniquement via ce type de plate-forme, on peut comprendre comment le sentiment anti-police a réussi à gagner du terrain. Par ailleurs, l’absence totale de contre discours de l’Institution policière sur la plate-forme a laissé aussi libre cours aux multiples récupérations et alimenter ainsi des polémiques telles que les accusations de racisme systémique dans les rangs de la Police ou encore de violences gratuites. Malgré quelques dérives reconnues, l’action quotidienne de la police et ses vertus de protection de la population sont donc totalement effacées dans la sphère d’opinion des jeunes utilisateurs de cette plateforme. Cette situation paraît d’autant plus paradoxale qu’on connaît l’engouement général pour les séries et documentaires policiers.
Reconquérir l'opinion
Face à cela, la Police Nationale depuis le 18 janvier 2021 a mis en place un compte officiel Snapchat, animé par un policier qui se charge de présenter de l’intérieur les missions quotidiennes sur un ton décalé. Le premier reportage de la minisérie commence par la présentation de nouvelles unités : les Brigades de Reconquête Républicaines. Ces unités sont utilisées dans les quartiers sensibles et ont pour mission de rétablir un lien entre la Police et les habitants. Dans la première vidéo de la minisérie on y voit l’arrestation d’un commerçant qui ne respecte pas les règles sanitaires et qui potentiellement met en danger l’état de santé des habitants de ce quartier difficile. Ici, le message est de montrer que la Police intervient en faveur de la protection des citoyens, qu’ils soient issus d’une minorité ou non, même dans les quartiers difficiles. Ce choix de commencer par ces unités marque bel et bien la volonté de provoquer des prises de positions contraires, au sein d’une population à priori hostile à la présence des forces de l’ordre.
Sur ces courtes vidéos de présentation, Anthony, le policier en charge de l’animation du compte s’adresse directement à l’utilisateur, il en sort une relation de confiance. Il parle sur un ton posé et décalé, ce qui créé un lien. Une fois ce lien crée, il est plus facile d’aborder les sujets sensibles. Cette notion d’aventure humaine au centre du rapport citoyens et Police permet donc d’ouvrir le dialogue. C’est aussi une manière d’inverser l’image du policier, qui apparait souvent lors des scènes d’affrontements casqué, une matraque à la main et dans une allure presque robotique.
L’utilisateur Snapchat est donc amené au fur et à mesure des vidéos à se rendre compte du panel des missions de la Police, et des valeurs qu’elle cherche à véhiculer. Cela vient finalement contrecarrer les discours anti-police et à l’occasion, créer des dissensions au sein de la population hostile aux forces de l’ordre. Dans ce procédé de guerre d’information, la Police, en arrivant sur une plateforme destinée aux 15-25 ans, propose un contenu qui se veut adapté à la jeunesse. Une volonté de transparence dans la gestion du quotidien est mise en avant, pour aller à l’encontre des discours dénonçant l’opacité dont fait preuve l’administration.
La guerre d’information a marché par suite d’incidents de différentes natures dans un premier temps puisque la population s’est détachée petit à petit de la Police Nationale, il est important de noter que le Ministère de l’Intérieur, à travers son service de communication, a décidé de s’adresser directement à elle, particulièrement aux adolescents et aux jeunes adultes. Cette stratégie vise à renforcer l’image positive de la Police auprès des citoyens, dont les policiers sont eux-mêmes issus.
Camille Reymond
Auditeur de la 35ème promotion MSIE
Anthony, ambassadeur Snapchat de la Police Nationale