L’objet de ce rapport est de faire un état des lieux de la puissance numérique française. En partant de la définition proposée par Serge Sur, il s’agira d’évaluer la puissance française dans sa capacité à faire, faire faire, empêcher de faire et refuser de faire dans le monde numérique. Les capacités de “faire” et de “faire faire” relèvent d’ailleurs d’une stratégie principalement offensive tandis que l’aptitude à "empêcher de faire” et à "refuser de faire” relève plutôt d’une capacité défensive.
Une capacité à exister stratégiquement
En effet, pour affirmer sa position de “faire”, dans un contexte de nette accélération du développement des technologies du numérique depuis les années 2000, la France a cherché à développer tous les niveaux de sa formation. En atteignant l’excellence dans certains domaines clés de l’industrie du numérique, elle a favorisé la création, l’innovation et renforcé ses capacités stratégiques. Cette stratégie présente toutefois une faille majeure puisque les entreprises tricolores peinent à faire face aux assauts des puissances étrangères.
L’aptitude de la France à “faire faire” doit, quant à elle, être nuancée car le pays possède d’importantes capacités intellectuelles et techniques dans le monde du numérique mais elle n’arrive pas à s’imposer face aux puissances étrangères pour de nombreuses raisons. Elle se repose probablement trop sur une stratégie européenne qui tarde à porter ces fruits. De plus, avec son grand savoir dans le domaine de l’IA et de l’open data spécifiquement par la French Tech, il faut qu’elle arrive à exploiter sa capacité scientifique et opportunité économique tout en normalisant ses conditions afin de protéger ses entreprises innovantes et de pouvoir s’imposer durablement et efficacement dans le monde numérique. Pour cela, la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique insiste sur quatre axes majeurs : défendre notre souveraineté, penser une stratégie globale, mettre en place des mesures urgentes et œuvrer dans la cyberdéfense et la protection des données et enfin réglementer les acteurs systémiques.
Le manque de réactivité par rapport à la conquête numérique étrangère
La puissance de la France concernant « l’empêcher de faire » est très faible, elle découle en partie de sa solitude stratégique. Le pays n’a pas su adopter des stratégies défensives assez fortes pour contrer l’invasion de son marché numérique, que ce soit matériel ou immatériel. Sa capacité à empêcher des cyberattaques est en deçà de celles d’autres puissances. Le pays cherche aujourd’hui à rectifier cette situation en renforçant les mesures défensives qui existent déjà.
La France dispose d'atouts considérables tant au niveau national qu'européen pour pouvoir refuser une hégémonie numérique étrangère. Une insistance sur la protection des données et le refus de vendre ou relocaliser ses entreprises et technologies sont les conditions pour arriver à cet objectif. Cependant, une trop faible volonté politique et un manque de confiance généralisé envers les alternatives locales menacent l'autonomie stratégique française en matière de numérique.
Corollaire du refus de subir les dépendances étrangères, la création d’un écosystème capable de faire émerger des acteurs numériques d’envergure mondiale ne semble pas non plus être la priorité de la France.
Quentin Amice, Julien Desmenois, Quentin de Gryse, Karl Haddad, Téo Lacharmoise,
Côme Latournerie, Ambre Le Sommer, Paul Margaron, Romain Schloesing
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