Etat du rapport de force franco-italien depuis l’élection de Giorgia Meloni

Le 25 septembre 2022 les Italiens élisent à 44% des suffrages exprimés, Giorgia Meloni, à la présidence du Conseil des ministres italien, marquant le retour d’un parti de droite à la tête du pays. Ses objectifs sont clairs, le maintien de la civilisation italienne, la fermeture du robinet migratoire, la famille, la natalité, le pays…

Le tournant politique que connaît l’Italie n’est cependant pas du goût de ses voisins européens, considérant que l’accession au pouvoir de la coalition de droite est un danger pour la démocratie. Entre jeux d’influences sur le vieux continent ou en Afrique, désaccords francs et point de convergence, les relations franco-italiennes se meuvent en une relation unique et les deux chefs d’État doivent s’entendre sur des enjeux qui définiront l’avenir de l’Europe occidentale.

L'éléction de Giorgia Meloni, créateur d'un nouvel axe Rome-Budapest-Varsovie-Stockholm

La bataille pour le Palazzo Chigi gagnée par la Romaine Meloni sonne le tocsin pour les gouvernements démocrates européens. Précédé par l’élection de la coalition des droites suédoises, un mouvement de renversement de l’échiquier politique s’observe auprès des pays de l’Union européenne. Si cette mouvance reste pour l’instant marginal, les alliances politiques se constituent, créant des jeux d’influence.

Le Parlement européen est au centre de ces jeux, marqué par une droite majoritaire dans l’hémicycle, le plus grand groupe italien est Identité et Démocratie (droite conservatrice), tandis qu’en France la majorité est membre du groupe Renew (démocrates libéraux).  

Il est cependant indéniable qu’en Europe occidentale l’Italie est une exception et doit donc trouver des alliés. La Présidente du Conseil des ministres s’est naturellement tournée vers ses homologues hongrois, polonais et suédois, du même bord politique. En France, les alliés de la romaine sont clairement identifiés, Marine Lepen et Éric Zemmour l’ayant félicité longuement après la victoire de la coalition. Le président français quant à lui, s’est exprimé au travers de sa secrétaire d’État à l’Europe Laurence Boone, précisant que la France sera « très attentive au respect des valeurs et règles de l’État de droit. » Une sortie perçue comme très moralisatrice par les italiens à laquelle Giorgia Meloni n’a pas fait attendre sa réponse, « Je veux espérer que la presse de gauche a déformé les déclarations réelles faites par des responsables gouvernementaux étrangers et je suis convaincu que le gouvernement français démentira ces propos, qui ressemblent à une menace inacceptable d'ingérence contre un État souverain, membre de l'UE. »

Un affrontement entre les démocrates libéraux représentés par Olaf Scholz ou Emmanuel Macron, et les identitaires de Marine Lepen ou Giorgia Meloni est promis entre les deux pays fondateurs de l’Union.

La position atlantiste de Giorgia Meloni comme marqueur de rapprochement entre la France et l'Italie

Si tout semble opposer les deux chefs d’État, ils partagent tout de même les sanctions infligées à la Russie depuis le début du conflit la confrontant à l’Ukraine. En effet, le programme de Fratelli d’Italia s’appuie sur le renforcement du pilier européen de l’Otan et soutien les politiques européennes de défense commune. Le nouveau Premier ministre italien, Giorgia Meloni a en effet déclaré au président Volodymyr Zelensky « Cher (Zelensky), vous savez que vous pouvez compter sur notre soutien fidèle à la cause de la liberté du peuple ukrainien. Restez forts et gardez votre foi inébranlable ! » Une position que le gouvernement français partage et ne peut qu’applaudir.

Néanmoins, les relations franco-italiennes bien que courtoises n’ont jamais été très fluide lorsque la droite était à la tête de l’exécutif italien. Le spécialiste des relations franco-italiennes Jean-Pierre Darni qualifiait que l’arrivée de Madame Meloni au pouvoir conduirait à « un gouvernement de provocation et de rupture, mais sur celui d'une droite élargie et conservatrice, qui respectera le sens des alliances internationales et du positionnement de l'Italie en Europe. »

La réaction italienne face à l'attitude de la France en Afrique

Le cas libyen  

L’ancienne colonie italienne est au centre des tensions franco-italienne. Depuis l’affaire du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par Mouammar Kadhafi, et les soupçons d’ingérences politique dans le gouvernement de Tripoli, Rome se montre très critique vis-à-vis de Paris, notamment depuis l’élection de Giorgia Meloni. Celle-ci déclarait dans un tweet datant du 12 juin 2018, « Les irresponsables sont ceux qui ont bombardé la Libye parce que ça les dérangeait que l'Italie ait un rapport privilégié avec Kadhafi dans le domaine de l'énergie. » Si les causes de la déchéance de l’ancien dictateur n’ont jamais été révélées, la presse italienne s’attache quant à elle à désigner son rival transalpin. D'après le Corriere della Sera, ce serait "certainement un agent français" qui serait derrière la mort du dictateur. "Sarkozy avait toutes les raisons d'essayer de faire taire le colonel, et le plus rapidement possible", ont annoncé au quotidien des sources diplomatiques européennes à Tripoli.

La présence française en Afrique

La France et l’Italie s’affrontent sur une politique étrangère aux antipodes. Quand Paris souhaite conserver les intérêts économiques dont elle dispose dans ses anciennes colonies, l’Italie opte pour leur développement économique sans montrer aucune ingérence politique.

Une politique intéressée de la France qui agace notamment le Premier ministre nouvellement élu, « Honte à toi Emmanuel Macron (…), avant de ‘libérer l’Europe des Africains’, il faut libérer l’Afrique de certains européens qui impriment la monnaie pour quatorze nations africaines ‘souveraines’, font travailler les enfants dans les mines, (…) nous exposant au chaos migratoire aujourd’hui. » Face à cette déclaration hostile, le Quai d’Orsay a tout de suite rappelé son ambassadeur, laissant un « Sede Vacante » au palais Farnèse.

À l’aune de la crise de la Covid-19, l’Italie s’est retrouvée isolée face à l’Union Européenne. Lorsque Giuseppe Conte céda sa place à la tête de la Botte, la France, appuya l’ancien président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi à prendre le pouvoir en octobre 2020. Cette élection mis un terme à la politique Italo-Africaine menée par l’ancienne ministre des Affaires étrangères Emmanuela Del Re, qui ne fut pas reconduite.

La politique migratoire italienne comme levier stratégique de pression face au gouvernement de Paris

Fer de lance de la campagne de Fratelli d’Italia la fermeture du robinet migratoire est non-seulement une question sociétale majeure, mais aussi une arme stratégique dont dispose le Palazzo Chigi en Europe. Les accords internationaux de reconduite aux frontières des personnes en situation irrégulière entre la France et son voisin transalpin éveille les tensions, puisque, si Paris entrave la politique de Rome, alors sans doute que Giorgia Meloni souhaitera violer les accords susnommés.

Une inquiétude qui s’exacerbe tant au niveau local, qu’au niveau du gouvernement, à l’instar du conseiller régional Rassemblement National Laurent Merengone qui a déclaré, « Giorgia Meloni est une souverainiste qui veut stopper l'immigration donc ce sera positif pour la France puisqu'on sait très bien que le flux d'immigration vient essentiellement de l'Italie. On l'a vu lorsque Salvini était ministre de l'Intérieur déjà. »  De l’autre côté de l’échiquier politique, David Nakache, président de l’association « Tous citoyens ! », « Des personnes bloquées à la frontière, qui ne peuvent pas être renvoyées en Italie et qui restent dans un no man's land. Des personnes bloquées en mer, qui ne pourront pas accoster. Nous sommes face à une posture extrêmement dure. (...) C'est une atteinte au droit d'asile, qui est un droit fondamental, puisqu'ils veulent empêcher les personnes de venir déposer une demande d'asile en Europe. »

Néanmoins, l’Italie ne peut exercer seule son pouvoir d’ouvrir ou non le robinet migratoire. En effet, elle s’appuie au niveau européen de Frontex, qui a abandonné sa ligne directrice sévère, au profit d’une politique plus souple. Le changement de directeur de l’agence européenne risque donc de contrecarrer les plans du nouveau Premier ministre italien.

 

Olivier Dolley (SIE 26 de l'EGE)

 

Sources