Conflit russo-ukrainien : La propagande russe en action

La propagande russe contre l'Occident a répandu toutes sortes de fausses informations pendant des mois. Le principal objectif a été d'accroître le pouvoir des autorités russes sur la population locale par la diffusion excessive d'informations de plus en plus exotiques (problèmes d’énergie, tensions économiques, fakes news, etc.). Récemment selon la propagande russe, les européens seraient obligés de déboiser ces jours-ci pour survivre à l'hiver et à la crise énergétique.

Ainsi par rapport aux nombreux documents étudiés dans les médias et sur le net, on peut constater qu’une campagne de désinformation à grande échelle a été lancée en Europe. Elle affecte l'information, les médias, la politique, l'économie et, bien sûr, le domaine militaire physique, mais aussi le cyberespace. On peut se poser la question de savoir le pourquoi de cette campagne de désinformation et comment est-elle organisée ? Il faudra essayer de décrypter l'origine de ce conflit généralisé entre l'Occident et la Russie puis analyser l’organisation de cette vaste propagande antioccidentale.

Au-delà de la phase militaire, cette guerre ne se limite plus à l'Ukraine et à la Russie. Une véritable offensive russe est en cours contre toutes les nations occidentales. Les autorités russes tentent en outre de maintenir le peuple russe dans une ignorance totale afin de le maintenir engagé dans la cause du pouvoir qui existe sur le conflit ukrainien.

Définitions pour illustrer la désinformation :

Ces définitions qui méritent d’être rappelées à mon sens en préambule permettent de rappeler aux lecteurs les termes majeurs de cette guerre de l’information évoquée dans cet article.

Fakenews : fake news désigne une fausse information, bénéficiant le plus souvent d'une large diffusion dans les médias, notamment sur Internet et les réseaux sociaux.

Mensonge : assertion contraire à la vérité, énoncée pour tromper.

Propagande : tout ce qui est fait pour répandre une opinion. Ensemble d’actions et stratégies destinées à influencer ou embrigader la pensée et les actes d’une population.

Troll : message posté sur Internet, souvent par provocation, afin de susciter une polémique ou simplement de perturber une discussion.

Boots : programmes automatisés utilisés pour réagir dans les médias sociaux.

Enfin cette citation d’Alessendro BARICCO « Se demander si les choses sont vraies avant de se demander ce que nous en pensons est un exercice qui finit par paraitre ingénu, tant il est passé de mode » illustre parfaitement l’effort de vérification de l’information qui doit être développé à l’heure actuelle dans nos sociétés occidentales pour faire face aux nouvelles menaces dans le champ informationnel.

Conflit Occident et Russie, guerre de sociétés

En février 2022, la Fondation pour l’innovation politique a traduit du russe au français la version complète d’un édito de l’agence russe RIA Novosti, signé du chroniqueur Pyotr Akopov et titré « L’avènement de la Russie et du nouveau monde ». Cet article a été accidentellement mis en ligne. Initialement, la publication de ce texte devait avoir lieu après l’occupation de l’Ukraine par la Russie. L’article a été rapidement effacé, mais le web garde tout. On voit dans ce texte que la Russie ne se contente pas de combattre son voisin ukrainien militairement, mais la Russie tente de défier l'Occident en essayant de montrer que l'ère de la domination occidentale mondiale semble être considérée comme complètement révolue. Ainsi, par rapport aux nombreuses actions russes de désinformation réalisées en 2022, on peut constater que nous nous trouvons dans une véritable guerre de l’information multi-domaines où le belligèrent russe tente d’utiliser tout son excellent savoir-faire dans ce domaine de la propagande et de la désinformation pour renforcer son influence sur son territoire et sur l’occident. Une véritable opposition sociétale et culturelle est établie en l’image d’un occident décadent et à bout de souffle en forte opposition avec une Russie forte et solide… En décembre 2022, le président Poutine annonçait que l'Occident cherchait à "diviser" la Russie en Ukraine, après plus de dix mois d'offensive militaire du Kremlin chez son voisin.

« Diviser pour mieux régner : ils ont toujours essayé de le faire, ils essaient de le faire maintenant, mais notre objectif est tout autre : unir le peuple russe »

En définitive, l'invasion de l'Ukraine par Poutine a envoyé l'Occident dans une spirale, et personne ne sait où cela ira. L'unité sacrée des Européens en faveur de l'Ukraine est impressionnante et pourrait faire exploser les maîtres du Kremlin. Cependant, les matchs joués aujourd'hui ne sont pas sans risque. La possibilité d'un conflit pur et simple, voire d'une guerre nucléaire, n'est pas exclue. En tout cas, c'est l'ordre mondial tel que nous le connaissons qui est sérieusement remis en cause dans les pires moments tout cela alimenter par des fakes news et des nombreuses attaques dans le cyberespace. Ce conflit met en exergue les tensions entre deux sociétés sur le plan idéologique, politique et culturel.

Fake news en chaine

Une importante campagne de désinformation s'est déployée en Europe depuis maintenant plusieurs mois. Une première action Russe a été d’imiter à la quasi-perfection les sites de médias et y poster des articles relayant les récits du Kremlin sur la guerre en Ukraine. En effet quelques 60 sites de médias occidentaux, comme Spiegel et Bild, étaient particulièrement visés, aux côtés d'autres comme le quotidien anglais The Guardian, l'agence italienne ANSA ou le quotidien français 20 minutes. L’effet final recherché de la propagande russe était de dépeindre l'Ukraine comme un Etat défaillant, corrompu et nazi et de promouvoir les récits du Kremlin sur la guerre en Ukraine. L'ONG belge EU DisinfoLab, spécialisée dans l'analyse de la désinformation, a publié une enquête sur le fonctionnement de cette opération de désinformation  qu'elle a baptisé "Doppelganger".

Les failles occidentales

La Russie utilise la propagande afin aussi de manipuler sa propre population par rapport à la crise énergétique qui frappe l’Europe de plein fouet d’après les médias russes . Dans un clip promotionnel pour Russia Today circulant sur les réseaux sociaux, le Kremlin laisse entendre que l'Europe vit dans les ténèbres et que l'année prochaine ne fera qu'empirer. Dans une autre publicité pour Russia Today (RT), Moscou profite de ses fêtes de fin d'année pour diffuser un message de propagande anti-européenne. Diffusée pour la première fois en Europe par le journaliste de BBC Monitoring Francis Scar, la publicité vise à alerter les Européens sur les implications énergétiques de l'aide de l'UE à l'Ukraine. Il est clair que pour l'instant le monde occidental de sait pas répliquer à ce type de démarche inhabituelle dans la mesure où le cynisme et l'ironie sont les vecteurs centraux de l'attaque informationelle.

Contournement des interdictions

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la création et la distribution de contenus en ligne pro-russes n'ont pas été la prérogative exclusive des mécanismes officiels attribués au Kremlin tels que RT et Sputnik Media. La blogosphère russe a participé donc activement à la guerre de l'information qui a accompagné les opérations militaires sur le terrain.

Avec son invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, la Russie a également lancé une campagne mondiale pour attirer l'opinion publique mondiale à sa cause. Cette guerre de l'information à laquelle sont confrontées les démocraties occidentales a mis à l'épreuve leur capacité à garantir l'intégrité de l'espace public sans porter atteinte aux principes juridiquement contraignants de la liberté de parole et d'expression. La réponse de l'UE s'est concentrée sur les facettes les plus visibles de la Russie avec la chaîne de télévision RT et l'agence de presse Sputnik qui furent interdites.

. 27 février : La Commission européenne annonce le bannissement de RT et Sputnik.

. 28 février : TikTok, Microsoft (Bing et MSN) et Meta bannissent RT et Sputnik en Europe.

. 20 octobre : Le gouvernement français fait retirer Sputnik et RT de la plateforme vidéo Odyssee.

. 2 novembre : Rumble, qui héberge des contenus de RT, bloque son accès aux internautes français.

. 1er mars : Apple retire les applications Sputnik et RT de l’AppStore. YouTube bannit à son tour les contenus de ces médias en Europe. La chaîne Telegram de RT est suspendue.

. 2 mars : Google retire les applications Sputnik et RT de la boutique d’application Play en Europe. La chaîne RT cesse sa diffusion en France.

. 3 mars : Les FAI français bloquent l’accès à RT et Sputnik. Twitter bannit à son tour les contenus des deux médias russes en Europe.

. 11 mars : YouTube bloque RT et Sputnik.

. 17 mars : La chaîne Telegram de Sputnik, rebaptisée “Fil à retordre”, cesse de publier

. 20 octobre : Le gouvernement français fait retirer Sputnik et RT de la plateforme vidéo Odyssee.

. 2 novembre : Rumble, qui héberge des contenus de RT, bloque son accès aux internautes français

En bannissant RT et Sputnik, les autorités européennes et américaines ont fortement limité la force de frappe de deux médias à l’influence croissante. Afin de contourner ces interdictions, des actions ont été réalisées par la création de nouveaux canaux de partages d’articles notamment sur Telegram, par la promotion de l’usage de VPN dans les pays concernés par la déplateformisation pour accéder aux contenus des médias russes, et par l’utilisation du continent africain afin de diffuser des informations pro-russes comme à l’été 2022 avec la création Sputnik Afrique.

Réseaux sociaux : boite de pandore de la désinformation

Autres domaines d’excellence de la désinformation russe, la création d’usines à trolls pro-russes. Des agents pro-russes recrutent ces utilisateurs malveillants sur Telegram pour cibler les comptes de médias et de dirigeants occidentaux sur les réseaux sociaux et pour partager de la propagande pro-Kremlin sur InstagramYouTube et TikTok. Ces communications donnent également de la visibilité aux publications d’utilisateurs lambdas pro-Kremlin afin de contourner les mesures mises en place par les réseaux sociaux pour lutter contre la désinformation.

Enfin l’utilisation de robots « boots » sur les différents réseaux sociaux permet de diffuser énormément de fausses informations. Ils diffusent des messages pour radicaliser les deux camps dans un but de déstabiliser les lecteurs. Ces messages sont ensuite repris et diffusés à leur tour par de réels utilisateurs. Il reste pour autant compliqué d’avoir une estimation exacte de ce nombre de faux comptes sur les réseaux. Le cas du rachat de Twitter par Elon Musk en est un bel exemple. Twitter a été incapable de répondre à la question du nombre exact de faux comptes présents sur la plateforme. En effet les faux comptes représenteraient au moins 5 % des utilisateurs actifs, ce qu’Elon Musk avait contesté, en estimant que le chiffre se rapprochait plutôt des 20 %. Bien entendu, tous ces faux comptes ne sont pas uniquement russes.

La Russie ne réalise pas seulement un conflit militaire avec son voisin ukrainien depuis février 2022. Ce conflit qui impacte fortement l’Union Européenne et les Etats-Unis correspond à un véritable conflit par proxy où les grandes puissances occidentales sont en conflit avec la Russie. De nombreux champs de conflictualités sont impactés. La guerre de l’information entre les deux anciens blocs est de retour avec l’appui des nouvelles technologies tout en utilisant l’expertise historique de propagande russe.

Ainsi cette guerre de l’information russo-occidentale influence les systèmes de croyance occidentale et russe. Les faux comptes font plus de dégâts dans les sociétés où un sentiment anti-occidental est déjà présent. Elle choque l’opinion publique de tout bord par la violence des actions réalisées sur les différents champs informationnels. L’image de l’Occident qui est en cible directe est affaiblie par l’action russe et l’image de la Russie au niveau international est aussi fortement dévalorisée. Enfin, elle perturbe les systèmes de commandement étatiques par la création de tensions politiques. La désinformation russe en Afrique à fortement pénaliser l’action de la France au Sahel. Enfin elle augmente les incertitudes des investissements européens et russes au niveau mondial sous fond de guerre économique. Les entreprises occidentales qui ont quitté le sol russe ont « vite » été remplacées par des entreprises chinoises et turques ( automobiles, commerces , textiles).

 

Thomas Gratiolet
Auditeur de la 40ème promotion MSIE de l’EGE