La Colombie souhaite reprendre cette année l'épandage du glyphosate sur les cultures illégales. Ces cultures de survie situées dans des zones reculées, sont dispersées sur le territoire, à flancs de montagnes difficiles d’accès, parfois jusque dans des réserves naturelles classées.
Dans un pays théâtre de conflits armés internes interminables, les cultures illégales sont un moyen de subsistance de la population. Les différents groupes armés profitent de l’absence d’un État fort en zone rurale pour se partager la manne financière que sont les stupéfiants. Ces acteurs puissants, que sont les groupes subversifs (FARC-EP, EPL, ELN...), les paramilitaires (AUC, Clan del golfo…) et les successeurs des anciens Cartels (Medellin, Cali…) s’accrochent à ce commerce illégal. Avec des rôles bien déterminés dans la chaîne de valeur du trafic de drogues, ils scellent des pactes de non-agressions floutant un peu plus l’écosystème de cette économie parallèle très lucrative.
La zone andine est l’environnement où l’erythroxilum coca s'épanouit en zone tropicale humide jusqu’à 2000 mètres d’altitude, une biosphère extrêmement riche. Cette plante endémique est cultivée par les peuples autochtones pour ses vertus naturelles permettant de lutter contre le mal des hauteurs. Elle n’est pas la seule ciblée par la méthode d’éradication aérienne qui concerne également d'autres cultures comme la marihuana (cannabis sativa) ou le pavot (papaver somniferum).
Après des décennies de traitements phytosanitaires aériens appliqués dans une logique de lutte contre la production de stupéfiants, l’État colombien avait mis fin à ce processus au regard de son apparente inefficacité et suite au classement du glyphosate comme potentiellement cancérogène par l’OMS.
La reprise de l’éradication aérienne, officiellement justifiée à la fois par une augmentation des cultures illégales, mais aussi par une évolution technique permettant une localisation géographique précise, de type “guerre chirurgicale”, impactera l’intégralité de la biosphère sur les zones traitées. Les gouvernants sont prêts à prendre le risque de polluer des terres cultivables et/ou sauvages et ainsi exposer la population à un risque sanitaire, social et affaiblir l’économie locale par la destruction de cultures vivrières.
L’usage de ce produit par un gouvernement conforterait les laboratoires pharmaceutiques sur le marché international. Aujourd’hui 750 formulations de glyphosate sont vendues dans 130 pays. L’enjeu économique est de taille pour Bayer, propriétaire de Monsanto, car la forme commerciale du glyphosate, le Roundup, est fortement utilisée sur par les professionnels de l’agriculture. En effet, rien qu’en Colombie et jusqu’en 2013, 10 millions de litres de glyphosate étaient utilisés dans les cultures du coton, du riz, du maïs et de la canne à sucre. Également principal pourvoyeur de plants OGM sur le continent, cette technologie favorise l’utilisation du Roundup.
Si l’Etat colombien persistait dans cette voie et s’associait aux laboratoires, ces derniers gagneraient une image positive légitimant la commercialisation de leurs produits.
Nicolas Cerdan
Auditeur de la 36ème promotion MSIE
Lire le PDF : LecasduglyphosateenColombie.pdf (ege.fr)