Affrontement autour des constellations de satellites de télécommunication commerciale

Longtemps plongé dans l’oubli, l’espace regagne un intérêt singulier depuis deux décennies. Pendant longtemps, l’espace fut la chasse gardée d’une poignée d’élus, au premier rang desquels les militaires, aujourd’hui ce que nous pensions être un vide semble accueillir de plus en plus de résidents. Profitant des progrès de miniaturisations des nouvelles générations de satellites, de la possibilité de réutilisation de certains lanceurs (comme le Falcon 9 de SpaceX)

L’espace est devenu un champ impitoyable de rapports de forces économiques, mâtiné d’enjeu de souveraineté. Le secteur des télécommunications est à ce titre le champ de bataille le plus féroce. Plusieurs acteurs se sont lancés dans la bataille ambitionnant de proposer un réseau internet haut débit accessible n’importe où sur la planète, que nous soyons sur la terre ferme, dans les airs ou en haute mer. À ce titre Starlink, filiale de la société SpaceX d’Elon Musk, s’est d’ores et déjà positionnée en leader du secteur.

L'offensive de Starlink dans la conquête de l'espace 

À ce jour, la société Starlink est en tête de ce qui pourrait être la prochaine compétition spatiale du 21e siècle avec 1800 satellites large de trois mètres déjà mis sur orbite basse (entre 300 et 500 km d’altitude). Ces 1800 satellites ne sont que le début d’un projet pharaonique de la création d’une constellation de 42 000 satellites interconnecter les uns aux autres permettant le déploiement d’une connexion internet haut débit de plus de 160 mégabits par seconde avec une latence de l’ordre de 40 millisecondes. A titre de comparaison, le débit de l’ADSL est inférieur à 100 mégabits par seconde avec un temps de latence supérieur à 40 millisecondes. Avec ces 1800 satellites opérationnels, Starlink est d’ores et déjà capable de fournir son service à 14 pays dont font partie les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et le Canada. Au mois d’août 2021, la société revendiquer 500 000 commandes et un peu plus de 90 000 clients.

À terme ce marché pourrait représenter 40 millions d’abonnés et générerait un chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros, soit autant que toutes les sociétés de télécommunications françaises réunies courent de l’année 2020 (126 millions d’euros de chiffres). De plus, le modèle économique de Starlink se base sur une distribution que relient directement les clients finaux à la constellation.

Autrement dit, Starlink n’a nullement besoin d’opérateurs de télécommunications pour faire office d’intermédiaire. Sur son site figure une pléthore d’avis émis par des clients extrêmement satisfaits du service, dans la mesure où il les sort de leur désert numérique et leur permet enfin de se connecter au monde, d’autant plus que des relais de croissance s’ouvrent déjà à la société. Celle-ci prévoit de proposer leur technologie à l’aviation civile pour leur permettre un débit internet à bord des appareils, mais aussi aux secteurs automobiles. Toutes ces possibilités semblent attiser la convoitise de plusieurs entreprises qui s’imaginent prendre part à cette conquête.

La bataille des megas constellations de satellites : les outsiders

Parmi les sociétés voulant concurrencer à Starlink, seulement sept d’entre elles sortent du lot. Kuiper est sans doute en termes de taille de constellation, celle qui se rapproche le plus de Starlink. Effectivement le projet du géant américain du e-commerce Amazon eut en 2020 l’autorisation de la Commission Fédéral de communication (Federal Communications Commission ou FCC en anglais) de lancer 3236 satellites à une orbite de 630 km d’altitude, en somme une orbite voisine de celle octroyée à Starlink. Aucun satellite n’a été encore mis sur orbite à ce jour.

Le second concurrent est la société californienne Viasat qui en plus d’avoir 5 satellites à 35 000 km d’altitude, envisage d’en envoyait 3 de plus pour une couverture mondiale et 288 supplémentaires en orbite basse d’ici 2023. Puis vint Oneweb, le géant britanico-indien qui a à son actif 148 satellites à une altitude de 1200 km et qui lui aussi prévoit de construire une constellation 600 satellite à terme pour une couverture mondiale. L’entreprise recouvre depuis cet été la totalité de l’ensemble du Royaume-Uni. Et enfin Telesat, le Canadien qui comme ces prédécesseurs travaille sur une constellation en orbite basse de 300 satellites (premier lot) mis en orbite d’ici peu.

Espaces et communication : enjeu de souveraineté

Starlink reste en termes de déploiement le plus avancé. Les diffèrent acteurs des télécommunications s'inquiètent de leur devenir et n'hésitent pas à manifester un certain mécontentement, notamment par le biais de la communauté scientifique astronomique qui exprime certaines inquiétudes quant à cette recrudescence de satellites. De leur côté, certains gouvernements ne sont pas en restent. De tout temps, l’espace a toujours été crucial et stratégique pour les différents pays. Il en va de la souveraineté des nations de ne pas laisser l’espace aux prises d’un seul pays. 

Pourtant, force est de constater que le scénario de financement des câbles maritimes de communications (à savoir un financement massif par les GAFAM) se reproduit au sein de l’orbite basse terrestre. La vitesse à laquelle cette orbite est prise d’assaut, joue en la défaveur de tout pays n’ayant pas de stratégie clairement identifiées ou même des stratégies complètement inopérantes. Dans ce domaine, l’inaction est fatale, car pour des raisons techniques, mais surtout d’usage, les meilleurs temps de latence sont atteints pour les constellations se trouvant sur les orbites les plus basses qui vont rapidement arriver à saturation au vu des projets déjà existants. Cette proximité donnera un avantage certain au premier acteur.

La Chine l’a bien compris et s’est empressée de lancée son propre programme de méga constellation de satellites. Cette dernière a pour projet une constellation de 12 922 satellites répartie à 500 et 1145 km d’altitude comme le témoigne le dépôt du dossier ce sujet auprès de l’union internationale des télécommunications (UTI). La Russie répond par une stratégie en deux temps, le gouvernement russe dans un premier temps, elle décida de ralentir l’utilisation de Starlink en infligeant aux citoyens russes de lourdes amendes pour quiconque utilisera le réseau de SpaceX. Dans un second temps, développer leur propre constellation (Sfera).

Quant à l’Union européenne, un budget de 6 milliards d’euros a été débloqué afin de concevoir un système spatial européen à même de fournir des services sécurisés de communication aux États membres. L’objectif étant de parvenir à une véritable souveraineté numérique et de ne pas être dépendant d’une puissance étrangère. Pourtant, et ceux malgré l’ambition affichée de Thiery Breton, aucune autorisation depuis le début des commissions parlementaires ne fut demandée à l’UTI, ce n’est qu’en janvier 2021 qu’une proposition fut présentée au parlement et à la Commission européenne.

 

Kadert Chadouli
étudiant de la formation initiale SIE25