Accord sur la pêche dans les eaux britanniques : guerre de communication entre l'UE et Londres

En 2016, la plupart des 51,89% de Britanniques qui ont voté pour le ‘’Leave’’, avaient comme argument principal la souveraineté nationale et l’immigration. Ce slogan très en vogue auprès des pêcheurs anglais, leur donnait le sentiment d’être désormais les seuls maitres à bord dans les eaux très poissonneuses du Royaume Uni. C’est donc avec impatience qu’ils attendaient la sortie officielle de l’UE afin d’augmenter leurs prises en mer qui seraient ensuite écoulées sur les marchés européens.

Il faudra attendre près de quatre ans, des élections législatives anticipées, un changement de premier ministre et des négociations interminables pour que la sortie de l’Union européenne soit effective.

Arguments de sortie de l'UE

Après avoir longtemps surfé sur la peur des souverainistes et autres défenseurs d’une immigration dure, les leaders Britanniques actuels n’avaient d’autres choix que de montrer patte blanche à leurs partisans. En effet, la montée en pompe du nationalisme jusqu’à l’assassinat de la députée Jo COX par un militant du mouvement Britain First a été un tournant décisif de la campagne électorale. Ainsi donc, dans sa volonté de sortir coûte que coûte de l’UE avec ou sans accord, le gouvernement a cédé sur plusieurs points pendant les négociations au vu du rapport de force en faveur de l’UE. La déclaration de Catherine McGuinness, Présidente de la corporation de la City le 04 décembre 2020, résume parfaitement cette situation. Pour elle, « La politique a primé sur le pragmatisme ». Elle estime en effet, que le gouvernement a préféré sacrifier le puissant levier de la City (avec une part énorme au PIB national) pour se concentrer sur un sujet qui représente moins de 0,1% de la richesse nationale.

Pour donner donc bonne figure à son opinion publique, les négociateurs Britanniques ont mis en orbite le sujet de la pêche à fort relent polémiste afin de leur donner l’illusion que l’absence d’accord sur la question serait synonyme de « NO DEAL ».

L’affaire sera donc reprise par tous les médias d’outre-manche qui seront suivis par leurs confrères européens et ensuite du monde entier sur le risque d’un BREXIT sans accord. Les anglais feront monter la pression le 08 décembre 2020 par la voix de son premier ministre qui dira que les positions entre Londres et l’Union restaient « très éloignées », en particulier sur la pêche.

Toutes ces déclarations d’officiels anglais renforceront les convictions de leurs populations et inquiéteront les européens et particulièrement les pêcheurs français et ceux des Pays Bas.

Contre-attaque de l'Union Européenne

Face à la montée de la polémique, et malgré le faible apport du secteur de la pèche dans l’économie de l’Union Européenne, Bruxelles va conditionnée l'accès sans droit de douane ni quota à son immense marché au règlement de la question de la pêche. Un enjeu loin d'être négligeable pour les Britanniques, puisque l'UE est leur premier partenaire commercial. Plusieurs dirigeants européens interviendront sur la question pour rassurer leurs concitoyens sur l’engagement des 27 à ne pas abandonner les pêcheurs européens par l’acceptation de conditions défavorables pour leur activité.

Ainsi, vis-à-vis de son opinion publique, l’UE va montrer ses muscles afin de ne pas perdre la face dans cette guerre de communication. Macron, Merkel, Commission européenne et Michel Barnier interviendront pour rassurer sur la volonté et surtout la capacité de l’UE à obtenir le meilleur accord pour ses populations. Ils ont compris en réalité depuis plusieurs mois que l’épineuse question de la pêche dans les eaux britanniques n’avait pour seul objectif que de tenir une promesse de campagne à relent « nationaliste ». Une “victoire Britannique“ dans cette guerre de communication aurait eu plus d’impact social, psychologique et surtout médiatique que le reste des 1 260 pages de l’accord.

Comment les pécheurs Britanniques ont été floués

L’intransigeance de l’UE et la crainte du Gouvernement Britannique d’arriver au 31 décembre 2020 sans accord ont amené les anglais à fléchir leur position à l’approche de la fête de Noel. Une date qui semble avoir été bien choisie puisque l’attention de leur population était plutôt à la fête en famille qu’à suivre des négociations effectuées par des élites.

Un projet d'accord qui octroie aux bateaux européens un accès important aux eaux britanniques pendant cinq ans et demi sera conclu au grand âme des populistes qui rêvaient de récupérées leurs eaux dans leur entièreté.

L’argument principal de campagne de 2016 des souverainistes n’aura donc pas survécu à la polémique créée. En fait, Boris Johnson, chantre de la sortie de l’UE avec ou sans accord, naviguait donc en eaux troubles vis-à-vis de ces concitoyens. Il savait depuis le début, que la part de la pêche dans l’économie du pays était quasi marginale mais qu’elle avait un aspect sentimental de souveraineté très important dans l’opinion de ces électeurs. En effet, il fallait trouver une porte de sortie honorable après avoir harangué les foules avec un slogan xénophobe pour arriver à ses fins alors que l’enjeu économique n’en valait pas la chandelle.

En réalité, depuis plusieurs mois, la plupart des accords commerciaux estimées à plus de 700 milliards d’euros avaient été pratiquement bouclés. Il ne restait plus que l’épineuse question de la pêche qui représente à peine 0,1% du PIB britannique. Boris Johnson pouvait s’en passé n’eut été l’argument de campagne « démagogique » utilisé en 2016 pour convaincre les électeurs qu’ils obtiendraient la souveraineté de leurs eaux au lendemain du « OUI » au référendum.   

Il fallait donc faire durer le suspense jusqu’à la veille de la date fatidique du 31 décembre 2020 pour donner l’illusion à ses populations que ‘’Brexit is brexit’’ et que, ce pour quoi ils ont voté ‘’yes’’ est une réalité.

Malheureusement pour lui, l’UE qui a aussi la pression des pêcheurs français, belges et Hollandais mais aussi celle de son opinion publique ne s’est pas laisser faire. Cette guerre de communication va atteindre son paroxysme au lendemain de la signature de l’accord avec les déclarations de Merkel et de Macron qui dira que « L’unité et la fermeté européennes ont payé ».

Espoirs de souveraineté déçus après la signature de l'accord de sortie de l'UE

Plusieurs voix discordantes vont se faire entendre au vu du délai de transition pendant lequel les européens continueront à pêcher dans les eaux anglaises. A vrai dire, le Royaume Uni n’avait pas d’autre choix que de céder. En effet, un risque d’application de taxes de douanes planait sur leurs produits halieutiques (et mêmes ceux d’autres firmes) en direction du marché européen de 450 millions de consommateurs.

Le 25 décembre 2020, lendemain du deal entre l’Union Européenne et le RU, les pêcheurs anglais se sont réveillés complètement sonnés ! Ils auront passé un réveillon de Noel amère avec le sentiment d’avoir été "bernés et trahi" selon Andrew Locker, le président de la Fédération des pêcheurs Britanniques.

Finalement cette guerre de communication tout azimut aura été remportée par l’UE au regard d’une part des résultats obtenus, et d’autre part des déceptions du coté de Londres. Les pêcheurs d’outre-manche se sont sentis trahis, les souverainistes pensent avoir abandonné une partie de leur patrimoine et les dirigeants de la City pensent avoir été sacrifiés pour du menu fretin non obtenu.

Tjima Diabate
Auditeur de la 35ème promotion MSIE