Il existe peu d’ouvrage sur la guerre économique. La première guerre mondiale a donné lieu à la publication d’une série d’ouvrages qui traitaient du sujet de manière souvent très polémique. Il nous a semblé utile de publier ce type de document pour illustrer la dimension historique du concept. Ci-dessous la préface du juriste André Weiss à propos de la parution en 1919 de l’ouvrage La guerre économique allemande (1), dont l’auteur fut A. Mérignhac, Professeur de Droit International public à l’Université de Toulouse et associé de l’Institut de Droit International.
« La guerre qui vient de finir a été une guerre populaire dans toute l’acception du mot ; populaire, par l’enthousiasme délirant qu’elle avait provoqué chez les Allemands de Joute condition ; populaire aussi, par le but qu’elle avait assigné à leurs convoitises. Ce but hautement avoué était de réaliser l’hégémonie politique et surtout économique de l’Empire tentaculaire, d’enrichir l’Allemagne et les citoyens allemands, de satisfaire les cupidités et les appétits de jouissance, éveillés, mais insuffisamment [rassasiés par le butin de 4814, en même temps que de ruiner et de détruire les concurrences possibles. Des documents officiels abandonnés en Belgique par les autorités allemandes, au moment de la retraite des troupes d’occupation, établissent avec une angoissante netteté le plan qu’elles s’étaient proposé, en organisant systématiquement la destruction des industries et des machines, ainsi que l’enlèvement des matières premières, dans les régions envahies de la Belgique et de la France.
Renseigné par les agences de l’espionnage économique que l’infernale prévoyance de nos ennemis avait partout créées, et par les inventaires où ces agences avaient dressé le bilan de nos usines et de nos maisons de commerce, un office dépendant du Ministère de la guerre à Berlin s’était érigé en dispensateur des richesses industrielles des peuples, dont on proclamait déjà la défaite : c’est à sa porte que devaient frapper les fabricants allemands, désireux d’acquérir à bas prix le matériel et l’outillage des pays occupés. Le prix d’acquisition une fois fixé par une commission d’évaluation, l’acheteur traitait avec une firme de démolition, faisant partie d’un consortium autorisé, qui se chargeait de transporter en Allemagne les objets volés ; et il va sans dire qu’une large part des bénéfices résultant de ‘cette édifiante opération était attribuée à la caisse du département impérial de la guerre.
La guerre allemande avait donc pour ‘objet et pour fin l’anéantissement de notre existence économique. C’est l’industrie allemande, c’est le commerce allemand, c’est-à-dire en définitive le peuple allemand lui-même, qui devait recueillir les fruits de l’activité néfaste de ses chefs militaires. Le peuple allemand tout entier est coupable, parce que tout entier il s’apprêtait à profiter d’un bien mal acquis ; tout entier il doit réparer ; tout entier, il doit expier. Il serait en vérité trop commode pour ce peuple, enfin éveillé de ses rêves insensés, de se décharger, au prix d’une révolution plus ou moins sincère, des lourdes responsabilités qu’il avait assumées, d’alléguer sa bonne foi, son ignorance, en vue de se soustraire au châtiment qui s’approche, et de désigner ‘à la vindicte publique internationale le souverain, si longtemps ‘acclamé, qui l’avait conduit à la curée, à la guerre fraîche et joyeuse. Empereur et citoyens, nobles, ouvriers et bourgeois doivent être associés dans la répression comme ils l’auraient été, comme ils voulaient l’être dans les bénéfices de la victoire. C’est la conclusion qui se dégage, avec une clarté saisissante, de la remarquable étude de M. Mérignhac.
André WEISS,
Membre de l’Institut, Professeur du Droit International à l’Université de Paris. »
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