Le financement de la révolution spartakiste par un agent secret français spécialisé dans la guerre économique
Le marquage de la réalité de la guerre économique passe par des travaux de recherche. Ils sont d’autant plus intéressants lorsqu’ils sont le fait d’un officier de l’armée française qui a su tirer profit des archives du service historique des armées.
L'importance de l'écriture militaire
Olivier Lahaie (1) nous relate comment le SR militaire français a infiltré un agent en Hollande (dont le statut était neutre durant la première guerre mondiale) pour tenter de déstabiliser les filières logistiques allemandes. Ce dernier se faisait passer pour un contrebandier qui par ce biais se spécialisa dans la dénonciation des filières clandestines approvisionnant l’Allemagne. Olivier Lahaie (2) dévoile aussi comment les Français cherchèrent à affaiblir le deuxième Reich en exploitant les agitations révolutionnaires sur l’arrière de l’ennemi. Les Allemands avaient fortement contribué à acheminer Lénine, réfugié Suisse, en Russie. Olivier Tales revient dans La Croix sur cet étrange épisode. « Non seulement Lénine arriva en Russie avec le consentement et l’approbation du gouvernement allemand, mais en Russie même il travailla avec le puissant soutien financier des ennemis de son pays », affirme Alexandre Kerenski, chef du gouvernement provisoire de juillet à octobre 1917 (3) ».
La tentation de manipuler les groupes révolutionnaires pour affaiblir l'ennemi
Le rôle du leader des Bolchéviks fut déterminant dans la réussite de la révolution russe. Dans le même ordre d’idées, le chef du gouvernement français, Clemenceau, essaya de tira parti de cet agent pour financer la révolution spartakiste. Celle -ci n’éclate vraiment qu’en 1919 mais ses prémisses se situent avant l’armistice du 11 novembre. La révolte de marins de Kiel débuta fin octobre 1918 dans la flotte allemande. Elle fut le point de départ d’une agitation qui gagna une bonne partie de l’Allemagne. Les mutins publièrent une revendication en 14 points :
- Libération simultanée des mutins arrêtés et des détenus politiques.
- Liberté totale d’expression et liberté de la presse.
- Suspension de la censure postale.
- Traitement convenable des équipages par la hiérarchie.
- Réincorporation sans punition des camarades à bord des navires et dans le casernes.
- L’appareillage de la Flotte ne doit se faire sous aucun prétexte.
- Toute mesure de défense impliquant que le sang coule est interdite.
- Retrait de toutes les unités étrangères à la garnison.
- Toutes les mesures visant à protéger la propriété privée seront désormais décidées par le Conseil des soldats
- Il n’y a plus de hiérarchie en dehors du service.
- Liberté personnelle sans restriction de tout homme de la fin du service à la prochaine reprise du service.
- Nous accueillons tous les officiers qui se diront d’accord avec les mesures adoptées jusqu’ici par le conseil des soldats. Tous les autres, à moins qu’ils ne soient responsables de l’approvisionnement, doivent démissionner.
- Tous les membres du Conseil de soldats doivent être exemptés du service.
- Toutes les mesures à venir ne pourront entrer en vigueur qu’après approbation du conseil des soldats.
Cette dynamique subversive contribua à faire fléchir les autorités du IIè Reich dans le sens d’un arrêt du conflit.
Christian Harbulot
Notes
1-Olivier Lahaie, Le nerf de la guerre, Berlin 1917, Paris, L’harmattan, 2020.
2 – Olivier Lahaie est le co-auteur et l’auteur d’ouvrages sur le renseignement :
- Chantal Antier, Marianna Walle, Olivier Lahaie, Les espionnes dans la Grande guerre, Editions Ouest France, 2008.
- La guerre secrète en Suisse, 1914-1918, espionnage, propagande et influence en pays neutre pendant la Grande guerre, Saint-Denis, Connaissances et savoirs, 2017.
3- Catherine Merridale, Lénine 1917; le train de la révolution, Paris, Payot, 2017.