A l’heure où va être relancé un Haut Commissariat au Plan, il nous semble important de publier cet article de Jean-Michel Treille (1) qui est un grand témoin de la démarche impulsée à l’époque du général de Gaulle.
« Les trente dernières années ont été celles de la « mondialisation » par référence aux principes du libéralisme. Les logiques du capitalisme libéral, et de la société de consommation qui lui est intimement associée, ont véhiculé des problèmes, mis en évidence par la crise actuelle, auxquels il faudra apporter des réponses au risque sinon de graves difficultés et de profondes menaces. Rappelons :
- Les tensions, les inégalités, liées au fonctionnement du capitalisme, sollicitation des ressources, inégalités sociales, territoriales, etc.
- Les enjeux de régulation qui dépassent chacun des pays, par exemple ceux de la régulation globale de la mondialisation, de la gestion du patrimoine collectif de l’humanité.
- La contradiction entre une croissance selon les ressorts et comportements de la société de consommation, qui capte à son profit les richesses produites par tous, et les exigences, les contraintes d’un développement équilibré et harmonieux par et pour toutes les populations, où qu’elles soient.
Pour une planification rénovée : le pilotage sur objectifs.
Dans ce contexte, les capacités de développement d’un pays, de fait celles de ses acteurs, les administrations, les collectivités territoriales, les entreprises, les banques, la société civile, etc., dépendent fortement de leurs capacités à :
- Comprendre, maîtriser intellectuellement l’environnement, le système économique social des pays auxquels ils appartiennent et les grand systèmes, santé, éducation, agriculture, industrie, etc., qui en sont les parties.
- Définir et piloter le développement de ces différents systèmes, et par conséquence leurs actions, sur des objectifs qui répondent aux problèmes d’aujourd’hui, de demain.
- Mais comment définir et piloter ces développements en répondant aux problèmes que pose l’économie libérale, ou auxquels elle n’apporte pas de solutions acceptables, sans tomber dans les pièges et dérives des systèmes communautaristes et les planifications réglementées, bureaucratiques ?
Ne faut-il pas que chaque acteur, administration, collectivité territoriale, entreprise, etc. :
- Soit associé, sous des formes adaptées et pour ce qui le concerne, à la préparation des objectifs de développement des grands systèmes auquel il appartient, en cohérence avec les objectifs économiques et sociaux globaux ?
- Soit placé en position de s’engager de façon responsable sur ses contributions à la réalisation de ces objectifs ?
- Enfin ne faut-il pas définir les relations entre acteurs, selon des règles claires et transparentes pour tous ?
Politique et planification : le pilotage sur objectifs
Piloter sous ces principes :
- La politique de développement d’un pays, d’une région, pilotage d’un système global,
- Des stratégies industrielles, agricoles, des politiques de santé, d’éducation, etc., pilotage de grands systèmes.
- L’action des différents acteurs concernés, administrations, collectivités territoriales, entreprises, société civile, etc.,
C’est s’engager dans la démarche du « pilotage sur objectifs » ; démarche d’une planification moderne, rénovée, appuyée par l’emploi des TIC.
Plusieurs exigences sont alors à prendre en compte :
- Celle de la réflexion stratégique : cette réflexion ne concerne pas exclusivement quelques savants experts et des dirigeants. Sous des formes à définir, il est essentiel qu’elle serve de base, à une éducation de tous les acteurs, d’un pays, d’une région, aux futurs possibles avec une prise de conscience des enjeux, des choix, des efforts.
- Celle de la construction des plans d‘application des politiques définies, plans moyen terme déclinés dans des plans annuels. Il s’agit de situer la contribution aux objectifs des uns et des autres, les performances sur lesquelles ils s’engagent, les ressources qu’ils mettront en œuvre. Ces plans doivent être transparents.
- Celle de la navigation sur objectifs pour situer régulièrement les situations par rapport aux objectifs, identifier les causes d’écart, les responsabilités impliquées, situer les nouveaux cheminements sur objectifs.
Le partage reconnu et accepté des objectifs, des efforts collectifs, en préparant, en accompagnant les changements d’esprit, d’habitudes, de comportements nécessaires exige que toute administration, toute entreprise, industrielle, financière, commerciale, toute collectivité territoriale, soient organisées de façon décentralisée, en réseau de « centres de responsabilité ». Chaque centre est alors doté des informations, des procédures, des outils utiles pour mesurer, planifier, suivre ses objectifs, ses ressources, ses performances, échanger avec les autres centres, mobiliser et motiver ses personnels.
Pilotage sur objectifs et TIC, techniques de l'Informatique et des Communications.
Le pilotage sur objectifs d’un pays, pilotage du système global, d’un secteur particulier, pilotage d’un grand système, et des différents acteurs concernés, administrations, entreprises, etc, requiert l’emploi des TIC pour construire et faire fonctionner :
- D’une part le réseau des informations de pilotage, des outils de planification stratégique, de planification opérationnelle, de navigation sur objectifs, répartis entre les différents acteurs, entreprises, administrations, collectivités territoriales et centres de responsabilité qui les constituent, selon leurs missions.
- D’autre part le réseau des communications entre les acteurs, avec la gestion des séquences de réflexion, d’arbitrage, de négociation, d’évaluation qui les rassemblent périodiquement en fonction leurs responsabilités.
- Il faut enfin organiser et faire fonctionner, par référence au principe de subsidiarité, le dispositif institutionnel, comité stratégique, comité de programmes, contrats d’objectifs, formules d’évaluation, d’intéressement, des personnes, etc. par lesquels s’expriment et se formalisent à différents niveaux les engagements réciproques. »
Jean-Michel Treille
Note
1- Jean-Michel Treille intervient à l’Ecole de Guerre Economique dans le cadre du programme Segor.