La France est une puissance navale historique. Elle a su développer sa première politique maritime ambitieuse sous Colbert, héritier de Richelieu. Cela lui a permis de s’affirmer sur les mers et océans du monde pendant plusieurs siècles. L’industrie navale revêt en ce sens un caractère stratégique. Et ce, à de multiples égards : garant de la souveraineté nationale, c’est une industrie créatrice d’emplois et un vecteur de richesse pour les régions qui la supporte. Dans les années 1980, de nombreux secteurs industriels français ont subi un processus de désindustrialisation. Une période qui s’est caractérisée par un recours récurrent des entreprises à la délocalisation, vidant ainsi progressivement l’industrie française de son essence.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France a en effet dû faire face à la montée en puissance des industries navales asiatiques, soutenues par un important interventionnisme étatique. Les Japonais dans les années 1960, puis les Coréens dans les années 1990 et les Chinois dans les années 2000 se sont progressivement imposés sur le marché de la construction navale. Marquant ainsi un coup de frein à l’expansion française dans ce qui constituait auparavant un quasi-monopole européen. En réaction à cela, les industries françaises et a fortiori européennes n’ont eu d’autre choix que de se spécialiser sur les navires à haute valeur ajoutée.
Pour survivre, la France a fait le choix de l’innovation, à l’instar de Naval Group. Les navires autonomes et verts constituent en ce sens les grands défis de notre époque. Cette supériorité technologique, associée au savoir-faire français lui permet aujourd’hui de s’imposer sur de nombreux marchés. Cependant, la signature de ces contrats à l’export sont souvent accompagnés d’une obligation pour les français de transmettre les savoir-faire à ses clients.
La survie de l’industrie navale française repose donc sur sa capacité à innover et à exporter. Pour cela elle peut s’appuyer sur différents acteurs parmi lesquels l’Etat français. Ce dernier a ici un rôle déterminant à jouer. Il doit avoir la capacité de soutenir son industrie en faisant émerger une véritable stratégie, pas simplement limitée au secteur de la défense. Le secteur du naval de défense est en pleine croissance. Cette augmentation des demandes pour les navires de ce domaine répond cependant à une logique conjoncturelle d’aggravations des tensions internationales.
La démultiplication des rapports de force à travers le monde se traduit par une militarisation progressive des Etats-puissances, comme c’est le cas en mer de Chine et dans le Pacifique. Du côté de l’industrie civile, le secteur a connu récemment deux grandes crises, en 2008 et 2015. Pourtant l’industrie française semble avoir été globalement épargnée face à ses concurrents asiatiques. La spécialisation sur les navires à haute valeur ajoutée tels que les paquebots et les navires de luxe lui a permis de tirer son épingle du jeu. En témoigne le carnet de commandes bien rempli des Chantiers de l’Atlantique. Mais cela ne permet en rien d’affirmer que celle-ci soit pérenne. L’industrie navale doit faire face à de nombreux défis, desquels dépendront son avenir : pénurie de main d’œuvre, exacerbation des rivalités commerciales, défense de ses fleurons.
Armand Bedeau – Margot de Kerpoisson – Pia de Bondy – Maxime Mahieu
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