L'accès aux soins primaires en Afrique : polémique sur le détournement de l'argent de la santé

L'Afrique concentre 90 % des enfants vivants avec le VIH et 30% des maladies à l'échelle de la planète. En 2018, Andrew Mold, Directeur du bureau d`Afrique Orientale de la Commission économique des Nations Unies pour l`Afrique (CEA) indiquait une progression de l'espérance de vie de 5 ans et 11 ans en un (1) siècle, mais tout reste à réaliser. L'Afrique avec une population estimée à 1.5 milliards d'habitant, devrait doubler d'ici à 2050 et atteindre les 5 milliards, l'accès aux soins devient un enjeu à l'échelle du continent.

Formalisée en 1978, la déclaration d'Alma-Ata suivie par l'initiative de Bamako de 1987, a permis  au niveau des Etats africains, la mise en œuvre des soins primaires, qui est la base de l'accès à la prévention, aux traitements médicaux entre individu de façon unique, en intégrant la participation et l'esprit communautaire dans la transmission des préventions sanitaires. Toutes les ressources médicales et paramédicales (personnels soignants, médicaments, y compris les médecines traditionnelles) rentrent dans un cycle qui englobe, la prévention, l'éducation, et le développement social et sociétal au niveau local et national et pour chaque pays d'Afrique. Chaque pays africain devra construire une politique de proximité et d'équité en replaçant les soins primaires au cœur même des populations et dans leurs propres environnements économiques. Ainsi les soins, les dispensaires et les personnels soignants et l'accès aux traitements, devront être au plus près des populations, dans un esprit communautaire et d'autonomie dans les parcours de soins.

La déclaration d'Alma-Ata, qui fut rendu publique dans un pays qui faisait partie de l'URSS, dénonçait les inégalités flagrantes dans la situation sanitaire des peuple. Près d'un demi siècle plus tard, 134 pays et 67 ONG  réunis au Kazakhstan , ont fait apparaître des divergences, sur la manière de traiter les maladies et sur la rentabilité économique des politiques de santé. La question de la résilience des populations devient préoccupante à cause de la persistance de la malnutrition, des logements insalubres, de l'accès à l'eau insuffisant. Il et en de même pour la mise en place de soins primaires sur les populations les plus défavorisées.

L'accès aux soins au niveaux micro-social et la notion de paiement


Le paradoxe de l'initiative de Bamako, c'est l'amélioration et l'accès des soins de santés primaires, en rendant disponibles et accessibles les soins et les médicaments en intégrant la dimension de paiement dans un contexte souvent de pénurie sur les populations les plus pauvres. Des packages de soins gratuits sont accessibles (vaccinations, prévention infantile) l'objectif et l'équité des soins primaires de proximité, la santé par l'éducation des populations est le premier vecteur de soin de responsabilisation.

Les pays africains, doivent organiser et créer des cellules de gestion qui doivent traduire et fixer les tarifications des soins ainsi que le recouvrement. L'objectif et de contenir et prévenir les maladies endémiques (Paludisme, VIH, hépatite..). Cela crée des distorsions car certaines populations sont d'un point de vue économique et sociale, en dehors du périmètre de stabilité social et financier. Dans les années 80, la responsabilisation des populations par la création de soins de proximités avec une gestion communautaire avait du sens, ainsi que la prévention par l'éducation et la transmission, l'effort participatif du paiement des actes médicaux en gardant à l'esprit l'équité face aux populations les plus pauvres.

En quarante ans, le niveau global de développement du continent africain a changé, et les maladies ont évolué. L'évolution sociale et sociétale des populations a engendré de nouvelles maladies et de nouveaux modes de fonctionnements, mais à crée deux mondes distincts :

  • les "riches" avec de nouvelles maladies (diabète, obésité et maladies cardiaques),
  • les plus pauvres sont quant à eux, encore dans le périmètre des maladies de soins primaires.


L'incapacité à répondre au plus grand nombre sans créer d'inégalités est désormais le défi à relever. Le paiement des soins dans des pays ou l'assurance de santé est quasiment inexistant, même si certains pays africains ont développé des structures et remodelés leurs systèmes actuels de santé, reste une problématique centrale des Etats et de leurs volontés à faire sortir les populations les plus pauvres d'un point économique et social.

Au cours des vingt dernières années, les Etats africains ont progressé dans la lutte contre les fléaux comme le paludisme, la tuberculose, le VIH, les hépatites, au détriment d'une approche plus globalisé en matière de santé. Mais force est de constater un réel recul de ces pathologies, grâce à la distribution en masse de moustiquaire et des traitements associés a permis un recul du paludisme et les personnes atteintes du VIH sont prisent en charge avec des traitements, le pourcentage de nouveaux infectés est en réel diminution.

Le tournant des soins primaires et l'évolution des soins gratuits

 

Le continent africain a réalisé de gros progrès en matière de santé, mais a créé de grandes inégalités. Dans les années 80 l'Afrique dépense 1% dans la santé, et en 2001 les Etats s'engageaient sur 15%. La production locale de médicament ne dépasse pas les 3%, le delta étant soumis aux variations des bourses et des échanges entre entreprises de pays producteurs.

A la fin du siècle dernier, la doctrine était de faire payer les soins, mais force est de constater l'échec de cette méthode, par le creusement des inégalités, les plus pauvres restant à l'écart de l'accès aux soins. Le Rwanda est un exemple dans la révolution de son système de santé. Après un ethnocide de près d'un (1) million de personne, le pays a pris un autre visage d'un point de vue santé.

Ce pays a bien compris qu'investir dans la santé permettrait une évolution sociale et sociétale, c'est pourquoi, il a développé un système de santé qui permet d'assurer et de couvrir 98% de la population, sur le modèle Alma-Ata notamment dans la décentralisation des soins, mais avec des infrastructures totalement médicalisées allant au-delà des soins primaires, permettant les accouchements, la prise en charges des chirurgies et les parcours de soins du diagnostic au traitement. Le système repose sur du trois formes d'assurances, nationale, locale (Etat) et privée (entreprise) permettant de couvrir pratiquement toute la population rwandaise.

Au Sahel, la couverture UNIverselle Santé est une réalité, des programmes de recherche soutenu par l'AFD, pour la mise en application d'une couverture de santé adaptée. Des groupes de chercheurs européen et africain commencent à produire en commun  de la connaissance comme le démontre l'initiative menée conjointement par le Dr Céline Deville (BE), la socio anthropologue Fatoumata Hane (SN), Valéry Ridde, directeur de recherche au Ceped (FR) et Laurence Touré, anthropologue malienne, qui ont réalisé une étude sur la question  concernant le Mali et le Sénégal en 2018

La santé pour tous et le détournement de l'argent de la santé en Afrique


En ce début d'année 2020, La banque mondiale produit une étude qui identifie 22 pays détournant les aides financières et sur les 22 pays, 19 sont africains. L'étude démontre que 5% de l'aide est versée sur des comptes dans des paradis fiscaux. Les chiffres montrent également une hausse de 3.4% des dépôts pour une aides représentant 1% du PIB. Pour exemple les dépôts sont de 193 millions de dollars pour Madagascar, 145 millions de dollars pour la Tanzanie et 103 millions de dollars pour le Burundi. D'autres faits montrent bien un détournement de l'argent de la santé sur le continent africain et plus globalement l'argent public devant servir au développement.

Congo - Kinshasa : Détournement de l'argent de la lutte contre le virus EBOLA

Congo - Kinshasa : Fonds détournés destinés à la réhabilitation des hôpitaux

Congo – Brazzaville : Détournement de fond - les syndicats du CHU dénoncent

Malawi : l'argent du VIH-SIDA détourné

Cameroun : Détournements d'argent public, destinés à la lutte contre le sida

Sierra Leone : Détournement de un milliard de dollars, soit près de 25% du PIB

RDC : Détournement des fonds alloués par l’UNICEF campagne de vaccination “Plan Mashako”.

Tchad : Détournement des fonds :  projets du plan national de développement (PND)

Madagascar : Détournements de fonds à la Caisse nationale de Prévoyance sociale

Guinée - Sierra Leone : Fonds versés pour lutter contre la maladie en Guinée, en Sierra Léone et au Liberia

Sénégal : Détournement au Ministère de la Santé

Madagascar : Détournement de deniers publics au sein du Ministère de la santé publique

Guinée – Conakry : Détournement de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée MILDA

Centrafrique : Réseau de détournements de médicaments dans les hôpitaux

148 milliards de dollar, c'est le montant de la fraude et de la corruption sur le continent africain. Le Pacte Mondial des Nations unies dans les années 2000, initié par Kofi Annan, dans lequel sont gravés les droits et devoirs et notamment la lutte contre la corruption, a encore beaucoup d'obstacles à franchir.

Les raisons de croire à une évolution sociétale en Afrique


Des initiatives ce développent sur le continent, ainsi en Afrique de l'ouest une charte pour des soins de maternités devient un droit. Le Sénégal vient d'acquérir un super calculateur avec l'aide de la société ATOS, ce qui permettra de réaliser des recherches en matière de santé et sur d'autres applications. 2020, le Sénégal accueillera le deuxième Forum Galien, portant sur les questions de santé et l'industrie pharmaceutique.

 

 

 

Didier Gix