Depuis sa création en 1994, Amazon n’a cessé de grandir au point de devenir le leader américain et européen du commerce en ligne. Telle la devise de son fondateur Jeff Bezos « Get big fast » (grossir vite), Amazon a décidé depuis les années 2000 se s’emparer du marché asiatique, jusque-là inexploité par celle-ci. D’après une analyse[1] du cabinet Forrester Research basé à Delhi, l’Inde avec ses 1,3 milliard d’habitants est le deuxième pays le plus peuplé du monde et devrait dépasser la Chine dès 2024. La moitié de la population à moins de 25 ans. Seulement 37% des habitants sont connectés à Internet et seulement 8,6% font des achats en ligne (113 millions de clients).
Selon un rapport de l’organisation NASSCOM et du cabinet PricewaterhouseCoopers[2], le marché du commerce électronique devrait atteindre les 100 milliards de dollars d’ici 2022 en Inde. L'Inde est le pays à la plus grande croissance au monde, 7% en 2017 et 2018, 200 millions d'Indiens ont rejoint la classe moyenne connectée à internet. Le commerce en ligne indien progresse de 30 à 50% chaque année. Les prévisions indiquent que d’ici 10 ans, l’Inde pourrait devenir le deuxième pilier d’Amazon après les États-Unis. Néanmoins, l’entreprise de Seattle doit se battre sur de nombreux fronts pour conquérir le marché indien, dans un contexte économique et culturel aux codes très différents des marchés américains et européens qui ont fait son succès.
L'inde, marché indispensable pour Amazon
L’année 2019 a été une année noire pour Amazon. Les analystes du cabinet EMarketer[3] ont revu à la baisse leurs évaluations, estimant la part d'Amazon dans le commerce en ligne américain à 37,7% au second trimestre 2019, contre 47% au trimestre précédent. Sur le sol américain, son concurrent direct Walmart[4] progressait à 37% de part dans ce même segment économique. Selon le cabinet FoxIntelligence[5], Amazon perd aussi en France des parts de marché, 50% durant le dernier trimestre de 2018 contre 51% en 2017, en raison notamment d’une baisse de la fidélité de ses consommateurs. En juillet 2019, Amazon perdait le marché chinois[6] en fermant son site de vente en ligne, pour ne plus conserver que sa place de marché, laissant la place aux GAFA d’Asie : les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Le marché indien est donc indispensable à Amazon pour confirmer et assurer ses objectifs de croissance. Si Amazon échoue, cela aura un impact négatif dans le monde entier. Ce n'est pas qu'un enjeu national, mais un enjeu mondial. Pour cela, le CEO d’Amazon Jeff Bezos a retenu la leçon de son échec en Chine estimant, outre les difficultés politiques, ne pas y avoir assez investi d’argent. Depuis 2013, Amazon a déjà investi cinq milliards de dollars en Inde.
La concurrence est rude sur le marché indien, notamment par deux géants de l’e-commerce qui convoitent la place : Flipkart[7] et PayTm[8]. Flipkart a été fondé en 2007 par deux anciens employés indiens d’Amazon[9], Sachin Bansal et Binny Bansal, et leader historique du commerce en ligne en Inde. En 2018, Amazon a tenté de racheter Flipkart pour 15 milliards de dollars, mais c’est son concurrent américain Walmart qui l’a emporté avec 16 milliards de dollars[10]. Amazon et Flipkart se partageaient alors chacun 30% du marché en 2019. PayTm a été fondé en 2010[11] par le millionnaire indien Vijay Shekhar Sharma et est historiquement le leader des moyens de paiement électronique en Inde. En 2015, l’entreprise se lance dans le commerce en ligne via sa plateforme mobile. En 2017, le géant chinois Alibaba entre dans le capital de l’entreprise via la banque SoftBank[12].
Les trois compétiteurs sont très solides et la guerre va durer longtemps, ce qui implique une stratégie informationnelle puissante pour remporter le marché indien. Jeff Bezos a été clair : « Ici, il me faut des cow-boys, sauvages, rapides et un peu malpolis. Pas des informaticiens »[13].
La guerre autour des commerçants
L’adhésion des commerçants traditionnels indiens au modèle Amazon est d’un enjeu crucial. À l’image du plus grand quartier commerçant de Bombay « Old Delhi », les structures commerçantes sont identiques depuis des centaines d’années. De plus, les commerçants ont un atout majeur, ils constituent la base électorale du BJP[14] (Bharatiya Janata Party) le parti au pouvoir en Inde depuis 2014. Le leader et Premier ministre du BJP Narendra Modi défend un protectionnisme exacerbé de l'économie indienne. Le conseiller économique du parti Gopal Krishna Agarwal essaie de ménager les commerçants en ne voulant pas de compétition inégale entre eux et Amazon.
Jeff Bezos, CEO d’Amazon, communique donc souvent sur les investissements pour soutenir les commerces. Comme lors d’un événement organisé le 15 janvier 2020 au stade Jawaharlal Nehru, à New Delhi[15], il a annoncé son intention d’investir 1 milliard de dollars dans la numérisation des petites et moyennes entreprises en Inde[16]. Amazon affirme que l’initiative vise à autonomiser les petites entreprises, et que la société travaille déjà avec plus d’un demi-million de vendeurs indiens sur sa plateforme. À la suite de cette annonce, les commerçants ont accusé Amazon de « terrorisme économique »[17], affirmant que le géant du commerce en ligne a nui à leurs moyens de subsistance en offrant de fortes remises sur le prix des produits proposés par les concurrents[18]. Face à cette situation, à l’appel de la confédération des commerçants indiens (CAIT – « Confederation of All India Traders ») qui compte 70 millions de membres et 40 000 associations, des milliers de personnes sont descendues dans la rue[19] en Inde pour protester contre la décision du géant du commerce électronique de se développer encore plus dans le pays.
Amazon, contrairement à ses concurrents sur le marché indien, n’est pas qu’une place de marché, mais commercialise aussi ses propres produits. À l’image du cas de ce grossiste en café néerlandais, révélé par le site Politico.com[20], qui avait décliné l’offre d’Amazon pour le rachat en direct de son café par le géant américain, les commerçants indiens craignent qu’en refusant les règles d’Amazon, leur produit soit copié sous la marque de l’enseigne qui leur ferait directement concurrence.
Les petits commerçants indiens considèrent que l'accès à la plateforme d’Amazon ne leur est pas possible à moins de vendre à perte. De plus, ils affirment que le moteur de recherche d’Amazon a tendance à privilégier les produits appartenant à des partenaires de la société. Selon la commission de la concurrence, ce serait en particulier le cas sur le marché des téléphones mobiles dont plus de 40% des ventes se font en ligne.Pays profondément protectionniste, l'Inde encadre strictement la vente en ligne pour les sociétés à capitaux étrangers afin de préserver les millions d'emplois des commerces « en dur » et faciliter l'émergence de champions locaux. Amazon a donc adapté son modèle et sa communication pour utiliser ce contexte à son profit. Jeff Bezos s’affiche régulièrement auprès des commerçants locaux afin de cultiver une image de proximité comme lors de sa journée en vendeur Amazon dans une petite boutique de rue à Mumbai[21] ou sa rencontre avec les industriels indiens[22].
Amazon investit aussi dans le commerce local, notamment en 2019 en prenant une petite participation dans Future Retail[23], un distributeur indien qui exploite 2 000 points de vente. Contraint de passer par les petits commerçants du pays par une loi qui interdit aux entreprises étrangères de vendre directement aux Indiens, Amazon fait d’eux ses alliés, moyennant une commission. Ils vendent les produits Amazon, mais pas seulement.
Stratégie aussi adoptée par son concurrent direct Flipkart (alias Walmart) qui investit dans les commerces en « dur », à travers une coentreprise avec Mukesh Ambani, dans la société de chaîne d'approvisionnement de produits frais Ninjacart[24] basée à Bengaluru. De son côté, son autre concurrent PayTm (alias Alibaba) communique largement sur la vente de produits « Made In India[25] » via son espace de commerce en ligne « PayTm Mall » et principalement sur le secteur des denrées alimentaires périssables non encore exploité par Amazon. En mai 2019, pour renforcer la vente de produits indiens en ligne, Alibaba a ouvert le site Aliexpress aux produits non chinois[26]. Toutes les communications sont faites pour rassurer les commerçants indiens.
La guerre autour du modèle culturel indien
Jeff Bezos l’a bien compris, pour plaire aux Indiens, il faut adopter les codes de la culture indienne. En cela, le CEO d’Amazon a déployé une stratégie de communication sans égal. Avant son arrivée en Inde en 2013, Jeff Bezos a placé son homme de confiance sur place, Amit Agarwal[27] d’origine indienne et diplômé de Standford, travaillant des années au siège d’Amazon à Seattle avant de retourner en Inde en 2006. Là où Jack Ma le CEO d’Alibaba et Doug McMillon le CEO de Walmart se font discret en public, Jeff Bezos s’affiche le plus souvent possible en Inde avec des tenues appropriées. Lors de la remise du premier chèque de 2 milliards de dollars à son bras droit local en septembre 2014, Jeff Bezos est arrivé dans un bus aux couleurs très indiennes et habillé en tenue locale (sherwani beige et écharpe grenat), mise en scène digne d’un film de Bollywood[28].
De même lors de sa visite du « Raj Ghat »[29] pour rendre hommage au Mahatma Gandhi, vêtu d'une kurta et d'un pyjama blancs associés à une veste Bandhgala orange. Mais aussi lors d’une journée passée avec des enfants de Delhi[30] pour jouer au cerf-volant, vêtu d'une une kurta teinte rouge brique avec une broderie détaillée autour du col et du pantalon. Ou encore lors du sommet des petites entreprises en Inde[31], vêtu d’une chemise et d’un pantalon bleus associés à une veste kaki sans manches. Amazon doit aussi s’adapter à la langue locale indienne. De fait, ses concurrents directs Flipkart et PayTm avaient une longueur d’avance, car elles sont toutes d’eux des entreprises d’origine indienne et donc déjà traduite en Hindi. Depuis septembre 2018, le site de commerce en ligne Amazon a été traduit en Hindi et Alexa, l’assistant personnel vocal d’Amazon, intègre à présent la langue locale.
Autre grand symbole indien : Bollywood. Jeff Bezos a bien compris que les bonnes faveurs du marché du cinéma indien sont essentielles à l’image d’Amazon auprès de la population. Début 2020, le CEO d’Amazon organisait un grand évènement[32] pour annoncer le lancement du service « Prime Video » en rassemblant les plus grandes célébrités du cinéma Bollywoodien[33]. L’offre Prime vidéo d’Amazon vise l’augmentation de production de films Bollywood, mais aussi la création de programmes originaux indiens, et la mise à disposition de contenus dans neuf langues locales. En réponse, Flipkart son concurrent direct a lancé sa campagne « India Ka Fashion Capital » de manière plus offensive. La marque a complété son message télévisuel avec une variété d'annonces sur YouTube pour maximiser sa portée tout en lançant des recherches et des annonces graphiques dynamiques à l'appui. Cela a permis de garantir que Flipkart Fashion serait visible pour les consommateurs à travers plusieurs points de contact, et l'utilisation des informations d'audience recueillies au cours des deux premières semaines a aidé la marque à affiner ses messages pour être plus pertinents à chaque étape de la campagne[34].
Bien qu’Amazon s’adapte au modèle culturel indien, l’entreprise n’a pas pu anticiper deux attaques d’ampleur contre son image en inde. La première attaque en 2017 concerne un paillasson à l’image du drapeau indien mis en vente sur le site d’Amazon en Inde par le vendeur XLYL. Le drapeau fait l’objet d’une vénération toute particulière, dans un pays dirigé par le nationaliste hindou Narendra Modi. L’alerte avait été donnée par Ratnesh Mishra, client d’Amazon, via un Tweet[35] à destination de la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj. Cela a provoqué la colère de l’Inde[36] et en quelques heures, la ministre a menacé l’entreprise américaine via un Tweet[37] d’annuler tous les visas accordés à ses employés en Inde si elle ne retirait pas l’article immédiatement. Amazon a retiré immédiatement l’article de son site[38] sous la pression de New Delhi.Ce qui est plus surprenant dans cette affaire est que le client Amazon habite Seattle, ville qui abrite le siège social d’Amazon, d’origine indienne et que son compte Twitter[39] est suivi par le Premier ministre du BJP Narendra Modi farouchement opposé à Amazon. Encore plus étrange, ce paillasson de la discorde était aussi vendu sur le site Aliexpress du géant chinois Alibaba qui n’a pas été inquiété par le gouvernement à travers le concurrent local PayTm.
Quelques mois après l’affaire du paillasson, une autre attaque a eu lieu contre Amazon, concernant cette fois-ci des sandales à l’effigie du Mahatma Gandhi[40]. Alerte à nouveau effectuée par un client Amazon américain d’origine indienne. Cette fois-ci, Jeff Bezos s’est empressé de venir rendre hommage au Mahatma Gandhi au mémorial Raj Ghat[41] situé dans la capitale nationale. Notons aussi au passage un produit vendu sur Amazon India qui n’a pas mis Jeff Bezos dans les bonnes faveurs du gouvernement indien : un nouveau jouet en peluche[42] représentant le Premier ministre Narendra Modi qui promet de « présenter les enfants au monde des animaux ».
Pour finir sur la culture indienne, il est à noter qu’Amazon a été la cible de critique sur le sol américain par Priya Sawhney, une activiste américaine d’origine indienne de défense des droits des animaux. Cette activiste avait été arrêtée alors qu’elle avait interpellé Jeff Bezos lors d’une interview sur scène et critiqué son manque d’engagement de sa société pour le droit des animaux[43].
La confrontation autour du modèle sociétal indien
Amazon comme ses concurrents doit gagner le soutien de la population indienne pour conquérir ce marché. Pour cela, ils utilisent tous les sujets sociétaux importants pour les retourner à leurs avantages. L’enfance est un sujet très sensible et important en Inde et ses grandes entreprises doivent adhérer aux codes en place. Pour cela, Jeff Bezos apparaît comme un personnage public proche des enfants. En janvier 2020, après sa visite au mémorial Mahatma Gandhi, il a passé la journée a célébré le Makar Sankranti en faisant voler des cerfs-volants en compagnie d’enfants indiens[44].
En Inde, de plus en plus d’enfants ont des cancers[45], ce qui devient un sujet grave dans la société indienne. Lors d’une réunion de travail en 2018, Jeff Bezos est venu en pyjama[46] en hommage selon lui au mois du cancer infantile aux États-Unis (Childhood Cancer Awareness Month), image relayée massivement en Inde via son compte Twitter. Flipkart, son concurrent, met aussi les enfants en avant dans sa stratégie de communication. Sa précédente campagne télévisuelle de promotion de ses services « Flipkart Fashion » s’appelait « kidults »[47] (enfants comme adultes) avec notamment la participation de deux célébrités de Bollywood Shraddha Kapoor et Ranbir Kapoor.
Un autre sujet sensible en Inde est la place et les droits des femmes. Un classement accablant place l’Inde au premier rang des pays les plus dangereux de la planète pour les femmes[48]. Sur ce sujet, Amazon se contente de communiquer des images et vidéos de ses employés en Inde présentant une mixité entre hommes et femmes, à l’image du compte Twitter d’Amazon India[49] ou de cette vidéo glissant subtilement au passage le message « Great place to work »[50]. Son concurrent Flipkart à travers la société américaine Walmart a voulu aller plus loin. En 2018, après l’achat de Flipkart par Walmart, la société américaine avait licencié un de ses fondateurs[51] Binny Bansal pour comportement sexuellement inadmissible montrant la volonté de l’entreprise de respecter les femmes. En 2019, Flipkart dévoilait une nouvelle campagne « #RaiseHerToLead »[52] pour marquer l'occasion de la Journée de la femme. L'annonce, qui s'adresse aux familles propriétaires d'entreprises, vise à combattre et à briser les stéréotypes de genre dans la société indienne.
Hélas pour Walmart, quelques jours plus tard, la presse indienne[53] et américaine[54] s’emparait des accusations de violences sexuelles et conjugales du second fondateur de Flipkart Sachin Bansal, portant un coup fatal à la campagne de Walmart sur le marché indien. En ce sens, Amazon avait compris que le sujet des femmes en Inde était trop sensible pour être utilisé massivement dans ses communications. Enfin, dernier point essentiel dans la société indienne : l’emploi. Sur ce domaine, Amazon a beaucoup d’avance sur ses concurrents et possède un argument de taille pour négocier avec le gouvernement indien. Depuis longtemps, Amazon fait travailler des milliers d’Indiens pour les services de son entreprise.
Dans la Silicon Valley indienne, à l’est de Bangalore, où Amazon compte des centaines voire milliers d’employés pour sa filiale Retail Business Services (RBS) pour traquer toutes les erreurs qui peuvent survenir dans les articles et analyser la concurrence. Ils corrigent les catalogues d’Amazon dans d’autres langues, car aucune faute de frappe ne doit apparaître. Ils gèrent les retours produits et vérifient la validité des réclamations, gèrent les mails vers les clients. Vérifie la validité et la conformité de la langue des publicités des entreprises. En résumé, toute l’arrière-boutique mondiale d’Amazon.
En 2015, Amazon lançait « Amazon Flex »[55], notamment en Inde, permettant à tout un chacun de devenir livreur, juste avec un permis et une voiture, voir un vélo. Les gens travaillent donc quand ils veulent avec leur téléphone, c’est la « gig economy » (l’économie des petits boulots). En 2019, Amazon lance son service « Mechanical Turk »[56] (MTurk), un site en ligne sur lequel se connecte chaque jour des milliers de travailleurs indépendants indiens (les « turkers »)[57], pour réaliser des micros tâches destinées à nourrir les algorithmes d’Amazon. Car l’IA a encore besoin de beaucoup d’humains pour fonctionner. Ces humains collectent donc manuellement beaucoup d’information sur le web pour ensuite les injecter dans l’IA. Des micros rémunérations pour des micros tâches, pour arrondir les fins de mois, notamment pour des femmes en Inde, regroupées en associations, qui obtiennent ainsi un revenu inespéré.
De même pour le service Alexa, de nombreuses personnes en Inde sont employées pour analyser les demandes vocales adressées à Alexa et voir si elle a bien répondu, dans le but d’améliorer la reconnaissance vocale. Pour matérialiser encore plus l’engagement d’Amazon dans l’emploi, Amazon a construit son plus grand campus en dehors des États-Unis, à Hyderabad[58], une grande ville du centre du pays, et peut accueillir jusqu’à 15 000 salariés du groupe. En quelques chiffres, c’est 3 ans de construction, environ 15 000 personnes qui travailleront dans 1,8 million de m2 de bureaux, équipés de salles de prière, salles de sport, douches, « quiet rooms ». Début 2020, Jeff Bezos annonçait le projet de créer un million d’emplois en Inde d’ici 2025.
La confrontation autour de la logistique des livraisons
Jeff Bezos a appris de son échec en Chine. Depuis son arrivée au début des années 2000, la présence d’Amazon en Chine n’aura jamais connu de véritable explosion, concurrencé par Alibaba et JD.com. Les concurrents parvenaient notamment à offrir des frais d’expédition, ou à des coûts minimes. Amazon, en revanche, imposait que la commande soit de 59 à 200 yuans (6,6 à 26,5 €), pour en bénéficier. En Inde, Amazon fait de la livraison gratuite voir quasi gratuite une priorité dans sa communication auprès de ses clients. Pouvant s’appuyer notamment sur l’ensemble des petits commerçants avec lesquels l’entreprise noue des liens stratégiques forts, la livraison se fait directement dans ces boutiques qui collectent au passage des paiements en espèces, car seulement 20% des Indiens possèdent une carte bancaire pour payer en ligne.
Le développement des zones de stockage pour réduire la distance de livraison est aussi une stratégie d’Amazon. En février 2018, Amazon comptait 56 entrepôts de stockage, réparti sur 13 états du pays. Plus que dans toute l’Europe. Amazon a dû investir massivement dans les transports pour desservir le pays, la moitié des livraisons sont prises en charge directement par l’e-commerçant, entrainant des coûts de transport qui annulent la rentabilité de la vente. La firme de Jeff Bezos n’a pas hésité à livrer le village de Leh dans l’Himalaya à 3524 mètres d’altitude[59] pour livrer les moines bouddhistes et les soldats gardant la frontière avec le Tibet, offrant ainsi à Amazon une publicité de choix pour son service de livraison.
Le géant tient bel et bien compte des habitudes, des atouts et des défauts locaux. La livraison est ainsi confiée en particulier à une flotte de 4000 livreurs à moto qui maitrisent parfaitement la circulation et la géographie. Pour conquérir le pays, Amazon va jusqu’à aller chercher les colis chez les vendeurs, les emballer et les livrer.Surfant au passage sur des considérations écologiques de l’entreprise, Jeff Bezos a annoncé ce week-end que la société déploierait une flotte de pousse-pousse électriques en Inde pour assurer les livraisons. Le CEO d’Amazon n’a pas hésité à se mettre en scène dans une vidéo promotionnelle[60] à la manière Bollywoodienne.
Amazon est même allé jusqu’à diffuser sur Tweeter[61] une photo d’un colis Amazon dans les locaux de son concurrent direct Flipkart, entraînant des échanges humoristiques entre les deux concurrents. La concurrence tente de s’organiser face à ce stratège de la logistique. Flipkart (alias Walmart) a recruté Suresh Kumar[62], ancien responsable chez Amazon, comme Chef des technologies (CTO) afin d’accélérer sa révolution numérique. Afin de contrer les services de livraison Amazon Prime, Flipkart a lancé un service de livraison d'épicerie en illimité sur son magasin en ligne baptisé « Delivery Unlimited ». Côté PayTm (alias Alibaba), la plateforme réussissait à maintenir des frais de livraison très bas par un système de livraison des colis comme cadeau (« as gift ») permettant ainsi à l’entreprise d’échapper au paiement des droits de douane. Néanmoins, le gouvernement indien a récemment sévi[63] et interdit cette pratique à PayTm, ce qui risque de changer le rapport de force entre les géants du commerce sur la livraison en Inde.
La confrontation autour des organisations gouvernementales et gouvernementales
En matière de lobbying, Amazon est experte en ce domaine. Elle a dépensé entre 500 000 et 600 000 euros en 2018 en France, 1,7 à 2 millions d’euros à Bruxelles et 14,4 millions de dollars aux États-Unis pour cette activité. En Inde, malgré les milliards investis depuis 2013, la tâche est bien plus compliquée. L’entrave à la concurrence est ce qui va sûrement poser le plus de problèmes à Amazon à l’avenir. Le leader du BJP Narendra Modi défend un protectionnisme exacerbé de l'économie indienne. Son conseiller économique Gopal Krishna Agarwal veut limiter les capacités d'investissement des entreprises étrangères, obliger ces entreprises à vendre 30% de produits fabriqués en Inde ou de la manière de rapatrier leurs bénéfices hors de l'Inde.
Le ministre du Commerce et de l’Industrie, Piyush Goyal[64], considère que les investissements financiers d’Amazon présentés comme une aide aux entreprises sont en réalité une manière de couvrir les pertes réalisées en pratiquant des prix très inférieurs au marché. Le gouvernement vient de présenter un projet de loi visant à limiter fortement la marge de manœuvre d'Amazon, en l'empêchant notamment de casser les prix.
Depuis janvier 2020, Amazon et Flipkart font l’objet d’une enquête[65] de la Commission de la concurrence de l’Inde (CCI) concernant des violations présumées du droit de la concurrence, à la demande d’une association de commerçants basée à New Delhi, Delhi Vyapar Mahasangh. La législation indienne impose aux firmes étrangères proposant des plateformes de vente en ligne de ne pas y vendre des produits fabriqués par des sociétés qui leur appartiennent ou dans lesquelles ils sont majoritaires[66]. L’ensemble de ces règles sont fortement dictées par les prochaines élections à venir que le gouvernement en place veut remporter avec le vote des commerçants. De plus, de nombreuses clauses seraient trop ambiguës, il serait donc particulièrement difficile pour Amazon et Flipkart de les respecter pleinement. Amazon compte plus de 400 000 partenaires en Inde. Ce serait un gros problème pour l'entreprise de vérifier les informations de ces partenaires et de s'assurer qu'ils jouent équitablement.
Pour PayTm qui n’est qu’une place de marché sans participations dans des entreprises indiennes, ces lois sont une aubaine. Pour Amazon et Flipkart, c’est un coup dur.
En réponse à ces nouvelles règles du jeu, Amazon a diminué sa participation dans Cloudtail, une coentreprise et le plus grand fournisseur sur le site d'Amazon, à 24% contre 49%, ainsi que dans Appario, une coentreprise avec Ashok Patni Group, l'un des plus grands détaillants indiens. Pour combler ce manque, Amazon propose des incitations à certains grands vendeurs en réduisant les commissions.
Quant à Walmart, il a commencé à vendre ses produits sur la plate-forme Flipkart par l'intermédiaire d'un tiers en Inde, au lieu de les répertorier directement sur le site en ligne. Selon le co-fondateur de Flipkart, Binny Bansal, la réussite des entreprises étrangères passera par leur incapacité à faire face à l'environnement unique de l'Inde, ainsi qu’aux fréquents changements de politique du gouvernement[67]. Ainsi, la diplomatie est un jeu inévitable pour les géants du commerce en ligne. Le CEO de Walmart, Doug McMillon, tente une approche standard. Il a écrit en 2019 une lettre au Premier ministre indien Narendra Modi, exprimant sa préoccupation face aux changements de politique, recherchant la certitude et la prévisibilité de l'environnement des affaires dans le pays.
La stratégie de Jeff Bezos est différente et à double sens. D’un côté il va dans le sens du gouvernement indien et tente de les rassurer, d’un autre côté, il attise les nombreuses protestations contre le gouvernement en Inde, notamment à travers son journal le Washington Post qu’il avait acheté juste avant son arrivée en Inde. Jeff Bezos a choisi de construire son campus géant à Hyderabad[68] au lieu de construire son nouveau siège social à Long Island City, dans le Queens aux États-Unis. Il justifie ce choix en ces termes : « Pour nous, le fait de construire un nouveau siège social exigeait des relations positives et collaboratives avec les élus locaux et les représentants de l’État qui auraient pu apporter leur soutien à long terme. […] 70% des New-Yorkais soutiennent nos plans et nos investissements, un certain nombre d’hommes politiques ont clairement fait savoir qu’ils s’opposaient à notre présence et qu’ils ne voudraient pas travailler avec nous ». Le message est clair en direction du gouvernement indien.
Lors de sa venue au sommet des petites et moyennes entreprises en Inde, Jeff Bezos a également affirmé vouloir consolider les liens diplomatiques entre l’Inde et les États-Unis avec cette initiative[69]. Dans son discours, Bezos déclare : « Je prédis que le 21e siècle sera le siècle indien. L’alliance la plus importante sera l’alliance entre l’Inde et les États-Unis, la plus ancienne démocratie du monde et la plus grande démocratie du monde. » Face à ce « soft power » de la part de Jeff Bezos en Inde, un « hard power » se déploie en parallèle contre le gouvernement indien via le Washington Post. Les articles se multiplient critiquant le gouvernement de Narendra Modi, indiquant qu’il renvoie l’Inde dans le passé[70] ou que la nouvelle loi « Citizenship Amendment Act » est antidémocratique[71]. Le Washington Post attise ainsi les opposants au gouvernement en place avant les prochaines élections.
La loi « Citizenship Amendment Act » ouvre la voie à la naturalisation indienne pour les réfugiés de toutes les grandes religions d'Asie du Sud - à l'exception des pratiquants de l'islam. Alors que la plupart des voisins de l’Inde sont majoritairement musulmans, les sectes des minorités islamiques comme les Rohingyas du Myanmar ou les Ahmadi du Pakistan font l’objet d’une discrimination sévère. C'est la première utilisation de la religion pour déterminer l'admissibilité à la citoyenneté dans le droit indien moderne.
Au cours des derniers mois, le journal a publié des articles de Rana Ayyub[72] qui ont fustigé la loi « Citizen Amendment Act »[73] du gouvernement et l'abrogation de l'article 370 au Jammu-et-Cachemire, et leurs conséquences dangereuses. Face à ces attaques, un des leaders du BJP, Vijay Chauthaiwala, envoyait un Tweet[74] interpellant Jeff Bezos : « veuillez le dire à vos employés à Washington DC. Sinon, votre offensive de charme risque d'être une perte de temps et d'argent ». Le parti BJP a critiqué la politique éditoriale du Washington Post, la qualifiant de « partiale et axée sur l'agenda »[75].
Jeff Bezos tente donc de déstabiliser le gouvernement indien en place en offrant une place de choix à ses opposants pour s’exprimer. Parmi eux, « All India Online Vendors Association » (AIOVA), un groupe de pression de plus de 30 000 vendeurs en ligne, ayant déclaré que les nouvelles politiques n'étaient pas la bonne solution pour aider les petits commerçants et ont accusé le gouvernement d'entreprendre des actions néfastes pour le commerce. Lors de sa dernière visite en Inde et malgré sa demande le gouvernement indien a refusé de recevoir Jeff Bezos[76].
La victoire d'Amazon encore très incertaine
Amazon est suffisamment armé pour se battre contre ses concurrents sur le marché indien, néanmoins et même si le modèle d’Amazon s’est construit sur des pertes au départ pour mieux gagner par la suite, il est moins certain que la confiance de Wall Street puisse perdurer au vu de la longueur de la guerre qui se présente. Amazon a déjà investi à perte plus de 5 milliards de dollars en Inde. Les activités d’Amazon hors États-Unis ont enregistré 7,4 milliards de dollars de pertes entre 2016 et 2018, dont une majeure partie sur l’Inde[77].
De plus, Amazon doit transformer son modèle pour s’adapter en Inde. Du fait des lois, elle ne peut plus vendre les produits de sa marque et doit donc devenir une simple place de marché sur le modèle d’Aliexpress. Cela attire beaucoup de vendeurs d’Extrême-Orient, mais au risque de dégoûter les commerçants européens déjà en place qui n’arrivent pas à suivre au niveau tarif. Ceci présente donc un risque pour Amazon d’avoir des effets de bords néfastes sur ces revenus des marchés américains et européens. Enfin, la plus grande menace d’Amazon n’est pas Flipkart ou PayTm, mais le nouveau venu Reliance[78]. Mukesh Ambani[79], premier milliardaire indien et patron de Reliance, a décidé de se lancer dans le commerce en ligne avec des atouts indéniables sur ses concurrents.
Reliance Retail est le détaillant le plus important : Reliance Digital est une filiale de magasins d’électronique comptant plus de 700 localisations différentes, Reliance Fresh vend des fruits et légumes à travers tout le pays, Reliance Jewels est une chaîne de bijouterie rapportant 100 millions d’euros chaque année, Reliance Trends vend des vêtements et l’acquisition de Hamleys permet au groupe d’être le plus important détaillant de jouets dans le monde. Le groupe de Mukesh Ambani dessert plus de 3,5 millions de clients chaque semaine par l’intermédiaire de ses près de 10 000 magasins dans plus de 6 500 villes indiennes.
Reliance travaille actuellement sur le commerce de détail « phygital »[80], une combinaison du commerce physique et numérique. Mukesh Ambani a prévu de connecter les 30 millions de commerçants de proximité que compte l’Inde avec les 360 millions d’utilisateurs de son réseau Jio de téléphonie mobile 4G. Le projet, nommé Jiomart[81], risque d'empiéter sur les ambitions d’Amazon. S'il peut dominer l'épicerie et les biens de consommation en mouvement rapide en offrant des rabais, des paiements sans espèces, du crédit en magasin et la commodité de la livraison à domicile, les petits magasins du pays pourraient devenir une gigantesque devanture pour son Jiomart. Enfin, Reliance en tant que société indienne ne sera pas soumise à la même législation qu’Amazon et Flipkart.
Les deux concurrents directs d’Amazon se préparent déjà à ce nouvel acteur en préférant s’associer à lui plutôt que de l’affronter. Walmart à travers Flipkart a déjà créé une co-entreprise Ninjacart pour renforcer le réseau des commerces en « dur » essentiel au commerce en ligne. Reliance Retail et Alibaba négocient un partenariat dans le segment indien du commerce de détail. En janvier 2020, Mukesh Ambani, qui est l'homme le plus riche et le plus grand détaillant du pays, a annoncé, en invoquant le Mahatma Gandhi, son intention de lancer une plateforme de commerce électronique pour défier Amazon et Walmart. « Nous devons lancer collectivement un nouveau mouvement contre la colonisation des données. Pour que l'Inde réussisse dans cette révolution axée sur les données, nous devrons transférer le contrôle et la propriété des données indiennes vers l'Inde - en d'autres termes, la richesse indienne vers chaque Indien »[82], a-t-il déclaré lors d'un événement auquel a assisté le Premier ministre du BJP Narendra Modi.
Frédéric Autret
[1] « The State Of The Online Retail Market In India In 2019 » - Cabinet Forrester - Mai 2019
[2] « Propelling India towards global leadership in e-commerce » - PwC - 2018
[3] « EMarketer estime la part de marché d'Amazon à la baisse » - Blog Sensefuel - Juillet 2019
[4] « Les efforts numériques de Walmart portent leurs fruits dans la bataille contre Amazon » - Blog Sensefuel - Mai 2019
[5] « Amazon cale au T1 2019 alors que ses challengers reprennent des couleurs » - FoxIntelligence - Avril 2019
[6] « Amazon abandonne partiellement le marché chinois » - Le Figaro - Avril 2019
[7] Site officiel de Flipkart
[8] Site officiel de PayTm
[9] « Flipkart : l’Inde a aussi son Amazon » - ITexpresso - Juillet 2013
[10] « Bataille autour de l'e-commerçant indien Flipkart : Walmart emporte le morceau » - LSA Commerce Connecté - Mai 2018
[11] « Paytm, le PayPal indien qui vaut 15 milliards de dollars » - Les Echos - Octobre 2019
[12] « SoftBank, Alibaba to invest $445 million in India's Paytm E-Commerce » - Reuters - Avril 2018
[13] « Amazon takes cowboy tactics to ‘wild, wild East’ of India » - The Seattle Times - Octobre 2015
[14] Le BJP (Bharatiya Janata Party), parti du gouvernement Indien en place depuis 2014 – Encyclopedia Britannica
[15] Visite de Jeff Bezos en Inde en janvier 2020 – Instagram Janvier 2020
[16] « Amazon's Jeff Bezos announces $1 billion investment into India businesses as business owners protest » - Youtube - Janvier 2020
[17] « Understanding India’s Chilly Reception of Jeff Bezos » - Harvard Business Review - Janvier 2020
[18] « Amazon’s Bezos Announces $1 Billion Investment in India as Small Businesses Protest » - New Dehli Times - Janvier 2020
[19] Message Twitter de Sumit Agarwal contre Jeff Bezos – Twitter – Janvier 2020
[20] “The case against Amazon” - Politico.com - Avril 2019
[21] “Jeff Bezos, Amazon CEO, Becomes Salesman For A Day in India, Shares Picture on His Twitter” - Latestly - Janvier 2019
[22] Message Twitter d’Amazon India en présence des industriels Indiens – Twitter – Janvier 2020
[23] « Amazon prend pied dans une chaîne de magasins en Inde » - Les Echos - Août 2019
[24] “Ninjacart investment shows online grocery is going to be the new frontier for Walmart in India” - Quartz India - Décembre 2019
[25] “Paytm Mall Takes On Amazon With Ambitious Export Target For Made-In-India Products” - LNC 42 - Février 2020
[26] “Amazon Expands India Unit to Battle with Alibaba on Global Stage” - Market Realist - Mai 2019
[27] Profil LinkedIn d’Amit Agarwal, bras droit de Jeff Bezos en Inde
[28] “Amazing India energizes me: Amazon CEO Jeff Bezos” - The Times Of India - Septembre 2014
[29] Visite au Raj Ghat de Jeff Bezos – YouTube – Janvier 2020
[30] Journée de cerfs-volants avec des enfants à Delhi – YouTube – Janvier 2020
[31] Sommet des petites et moyennes entreprises en Inde - YouTube – Janvier 2020
[32] “Pics: Farhan, Rajkummar, Vidya Balan at Jeff Bezos’ Welcome Bash” - The Quint – Janvier 2020
[33] “Jeff Bezos in India: Here's how Bollywood welcomed Amazon CEO” - Business Today - Janvier 2020
[34] “India's Flipkart Adds Original Content to Video Service” - US News - Octobre 2019
[35] Message Tweeter sur scandale du paillasson du drapeau Indien – Tweeter – Janvier 2017
[36] “Amazon removes Indian flag doormat from website” - ET Rise - Janvier 2017
[37] Message twitter du gouvernement menaçant d’annulation de visa – Twitter – Janvier 2017
[38] “Amazon regrets hurting Indian sensibilities” - India Retailing - Janvier 2017
[39] Compte twitter du lanceur d’alerte au paillasson – Twitter
[40] « Amazon's Mahatma Gandhi flip-flops prompt anger » - Aljazeera - Janvier 2017
[41] Visite Bezos au mémorial du Mahatma Ghandi – Instagram – Janvier 2017
[42] “A New Modi Plush Toy On Amazon India Promises To 'Introduce Children To The World Of Animals'” - HuffingtonPost - Février 2017
[43] “Calif. activist Priya Sawhney faces felony charges for protesting Jeff Bezos” - India Abroad - Juin 2019
[44] “Jeff Bezos flies kite with children” - India New England News – Janvier 2020
[45] “More Children Are Getting Cancer In India, And We Are Failing Them” - HuffingtonPost - Février 2016
[46] Jeff Bezos en pyjama pour un comité de direction – Instagram – Septembre 2019
[47] “Where does Ranbir Get His Killer Shoes From?” - Youtube - Juin 2018
[48] « L’Inde, ‘pays le plus dangereux pour les femmes’ ? » - La Croix Du Nord - Juillet 2018
[49] Compte twitter Amazon India
[50] “Amazon great place to work” – Instagram – Janvier 2019
[51] “Walmart’s Flipkart Group CEO resigns amid ‘serious personal misconduct’ investigation” - Washington Post - Novembre 2018
[52] Campagne Walmart pour la journée des femmes en Inde – Twitter – Mars 2020
[53] “Flipkart co-founder Sachin Bansal, family go missing after dowry case filed against them” - The Indian Express - Mars 2020
[54] “Flipkart Co-Founder Sachin Bansal, His Family Accused Of Dowry Harassment By Wife Priya” - HuffingtonPost - Mars 2020
[55] Site officiel d’Amazon Flex
[56] « Turc mécanique d’Amazon, comment les travailleurs du clic sont devenus esclaves de la machine » - CNet France - Mars 2017
[57] “Who are the Turkers? Worker Demographics in Amazon Mechanical Turk” - ResearchGate - Janvier 2009
[58] Message Twitter sur le nouveau campus géant à Hyderabad – Twitter – Août 2019
[59] “Delivering Amazon Packages to the Top of the World” - The New York Times
[60] Video Amazon pour la promotion des pousse-pousse électriques - Instagram – Janvier 2020
[61] “Amazon India And Flipkart Have An Epic Battle Of Swag On Twitter” - HuffingtonPost - Juillet 2016
[62] « Walmart recrute un ancien d'Amazon pour contrer… Amazon » - Les Echos - Mai 2019
[63] “Goods from Alibaba can't be shipped as 'gifts': Indian govt” - ET Tech - Janvier 2019
[64] “Amazon not doing favour by investing $1 billion: Piyush Goyal” - India Today - Janvier 2020
[65] “Amazon and Flipkart face an antitrust investigation in India” - CNN Business - Janvier 2020
[66] « Coup dur pour Amazon et Flipkart » - Technology Trends - Décembre 2018
[67] “Flipkart co-founder explains why foreign companies often struggle to succeed in India” - CNBC - Mai 2019
[68] Message Twitter sur le nouveau campus géant à Hyderabad – Twitter – Août 2019
[69] Annonce de Jeff Bezos sur les liens entre les démocraties indiennes et américaines – YouTube – Janvier 2020
[70] “Narendra Modi is pulling India back to the 1970s” - The Washington Post - Janvier 2017
[71] “The world’s largest democracy is pushing back. Modi should listen.” - The Washington Post - Décembre 2019
[72] Articles sur Rana Ayyub – The Washington Post
[73] Citizenship Amendment Act - Huffington Post
[74] Twitter assassin du gouvernement indien envers Amazon – Twitter – Janvier 2020
[75] “Modi's party accuses Washington Post of 'biased' India coverage” - Aljazeera - Janvier 2020
[76] “Jeff Bezos given the cold shoulder in India” - Asia Times - Janvier 2020
[77] “Ecommerce paradox: Flipkart and Amazon India continue to make losses, but there’s a silver lining” - Your Story - Novembre 2019
[78] Site officiel de Reliance
[79] « Après la téléphonie et Internet, le milliardaire indien Mukesh Ambani s’attaque à l’e-commerce » - Le Monde - Novembre 2019
[80] “'Phygital' blend becomes key to India's ecommerce race” - India Campaign - Février 2020
[81] “Reliance takes on Amazon and Walmart in India with JioMart” - Financial Times
[82] “Mukesh Ambani says 'data colonisation' as bad as physical colonization” - ET BrandEquity - Décembre 2018