La société connectée fait partie des principaux projets socioéconomiques d’ampleur à l’ordre du jour. C’est dans ce contexte que la technologie de la 5G s’inscrit comme étant le fil conducteur de cette toute nouvelle architecture. De ce fait, la concurrence sur le marché est intense entre les géants mondiaux du domaine des télécommunications. Toutefois, malgré les caractéristiques ambitieuses et les promesses de cette avancée, son déploiement est soumis à un ensemble d’attaques informationnelles nourries par la science portant sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé et l’environnement. D’autre part, le déploiement infrastructurel de la 5G connait une forte attention du milieu politique en tant qu’enjeu stratégique majeur en matière de souveraineté et de sécurité nationale.
Une controverse riche axée sur les dangers sanitaires des champs électromagnétiques produits par la technologies 5G.
La technologie 5G permet le développement d’une nouvelle génération de réseaux, conçue pour établir l’Internet des objets<, soit une mise en réseau global de tous les appareils connectés. En 2025, 34 milliards de ces objets pourraient être en fonction, ce qui signifie une explosion des données collectées de nos bracelets, nos brosses à dents, nos compteurs d’énergie, nos véhicules, transmises aux sociétés de télécommunications grâce au débit surpuissant de la 5G. Pour ce faire, la 5G produit des ondes plus puissantes sur une nouvelle bande de fréquences millimétriques 10 et 100 fois plus élevées que les émetteurs actuels des tours de téléphonie cellulaire 3 et 4G, permettant une collecte de données à la fois beaucoup plus massive, beaucoup plus précise à une vitesse de traitement et de transmission hautement plus rapide(1).
Cependant, ces ondes plus puissantes ont une portée plus courte, ce qui nécessite de multiplier les installations d’antennes relais physiques dites MIMO (Multiple In, Multiple Out), à une distance plus rapprochée les unes des autres. Un rapport de CBS News (2) précise, par exemple, que l’industrie des télécommunications sans fil américaines devraient installer environ 300 000 nouvelles antennes, <soit à peu près le nombre total de tours de téléphonie cellulaire construites au cours des trois dernières décennies>.
De nombreuses études scientifiques, notamment celles fournies par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et le Centre international de Recherche sur le cancer, ont déjà démontré que les technologies de réseau sans fil actuelles de 2G, 3G et 4G provoquent une exposition accrue aux radiofréquences, posant un risque cancérigène sérieux pour la santé des humains (3)(4). Par ailleurs, des rapports médicaux militaires, à l’instar d’un rapport de recherche du Naval Medical Research Institute publié en 1972, établissent déjà les fortes perturbations biologiques et psychologiques induites par l’exposition aux radiofréquences et micro-ondes.(5)
Concernant la 5G, on constate que des experts du domaine médical au domaine de l’armement en passant par le domaine des télécommunications, sont mis en avant comme ayant établis les impacts nocifs sur la santé des rayonnements 5G. Les principaux porteurs de ses arguments sont reconnus comme de fervents activistes défenseurs de l’Humanité, tels que Sacha Stone, fondateur d’Humanitad (6), ou encore Mark Steele, lanceur d’alerte sur les dangers de la 5G (7). Selon eux, la 5G présente une menace directe pour la santé humaine, ainsi que pour la vie animale, les insectes et les plantes. Plus particulièrement, les nouvelles fréquences de fonctionnement et la nécessité de déployer un nombre considérable d’antennes relais au plus près des usagers entrainera l’exposition à une pollution électromagnétique très fortement densifiée. Ses effets dangereux comprennent le risque de cancer, le stress cellulaire, l’augmentation des radicaux libres nocifs, les dommages génétiques, les changements structurels et fonctionnels du système reproducteur humain, les troubles d’apprentissage et de mémoire, particulièrement chez les enfants, les troubles neurologiques et les impacts négatifs sur le bien-être général des humains.
Fort de ce constat, un appel a été lancé dès le 13 septembre 2017 par plus de 230 scientifiques et médecins de 41 pays.(8) Adressé aux autorités de l’Union Européenne, il exprime de sérieuses inquiétudes quant à l’augmentation constante de l’exposition aux fréquences électromagnétiques et sollicite la prise de certaines mesures, tel que la réévaluation des seuils maximaux d’exposition pour tout appareil de communication sans fil, mais surtout le non déploiement la 5G tant que des études scientifiques indépendantes permettant d’assurer la sécurité sanitaire des usagers et de l’environnement n’ont pas été réalisées. Parmi les signataires de cet appel, figure Franck Clegg, ancien président de Microsoft CanadaI et président du Canada fot Safe Technology(9), qui a notamment publié une vidéo sur le danger que représenterait la 5G (10).
L'impact de la controverse sanitaire sur le déploiement de la 5G à l'échelle locale.
En termes de guerre informationnelle par le contenu, cette polémique constitue un encerclement cognitif d’envergure soutenu par l’argumentaire scientifique, de source civile comme militaire, auprès de l’opinion publique. Ce discours de nature très offensive se fonde en majeure partie sur le risque plutôt que sur une causalité certaine, factuelle. Malgré cette lacune en essence, l’effet du simple risque perçu provoqué chez un public de consommateurs, se pensant de plus en plus comme des pions sur un échiquier qui leur échappe, est redoutable. Face à cette manœuvre et sa force de perméation insidieuse, le silence des médias grand public sur le sujet, l’essoufflement de l’argument commercial de haute performance et le déni scientifique des entreprises offrent une maigre riposte et affectent la crédibilité de la technologie et de ses supporters auprès du public et de certains politiques.
La technologie 5G connait ainsi un frein dans son acceptation et son déploiement, notamment dans certains Etats nord-américains et en Europe. Aux Etats-Unis d’Amérique, une ville californienne, Mill Valley a voté à l’unanimité pour arrêter l’installation de nouvelles antennes soutenant la technologie 5G, ordonnance à l’appui.(11)(12) Elle se joint à d’autres villes de Californie (Marin, San Alamo) qui ont bloqué l’installation du 5G pour des raisons de santé et inspirent d’autres villes, telles que Montgomery dans le Maryland. Les fonctionnaires de la ville de Portland dans l’état de l’Oregon se prononcent également contre l’installation de réseaux 5G autour de la ville, soutenue par le maire et deux commissaires(13). Le 5 juin 2019, la Louisiane serait devenue le premier État américain à demander la réalisation d’une étude sur les impacts environnementaux et sanitaires du déploiement en cours de la technologie 5G (14).
En Union Européenne, plusieurs Etats connaissent en interne des réticences au déploiement de la 5G. En Italie, par exemple, la ville de Florence décide d’appliquer le principe de précaution en refusant les autorisations pour la 5G (15). En Belgique, La Ministre de l’environnement, Céline Fremault freine le déploiement de la 5G car il existe une incompatibilité avec les normes de rayonnement actuelles. Elle déclare le 31 mars 2019 : « Je ne peux pas accueillir une telle technologie si les normes de radioprotection, qui doivent protéger le citoyen, ne sont pas respectées, 5G ou non. Les Bruxellois ne sont pas des cobayes dont je peux vendre la santé à profit. Nous ne pouvons rien laisser au doute.» ((16)
En France, aucune contestation locale n’a effectivement été établi. Par contre, le déploiement connait un retard dû à un désaccord entre le Ministère de l’Economie et l’ARCEP au sujet des modalités d’attribution de fréquence aux opérateurs (17) et ne serait disponible commercialement que d’ici mars 2020. Toutefois, il existerait une préoccupation concernant l’acceptation sociale de l’installation des nouvelles antennes relais, compte tenu de leur impact en terme de santé et d’esthétique (18).
La dimension stratégique du déploiement de la 5G sur fond de guerre informationnelle contre Huawei
La polémique, combinée à des détails d’ordre technique et administrative, semble porter ses fruits en Europe/UE comme Etats-Unis d’Amérique car, à l’heure actuelle, très peu de zones géographiques sont couvertes par la 5G (20). Toutefois, sa faiblesse repose sur le simple fait qu’elle n’affecte que les pays occidentaux grâce aux leviers d’action populaires mis en œuvre dans ces Etats, fragilisant ainsi les possibilités de s’affirmer concrètement sur le marché mondial, en plus de la forte compétition. Cependant, en élargissant notre vision, force est de constater que le territoire asiatique semble moins touché par le sujet. C’est dans cette configuration que le géant chinois Huawei a pu se positionner comme leader en termes des infrastructures de soutien des réseaux 5G, comme en témoigne le déploiement réussi de la 5G en Chine (21).
Dans le contexte de technologie ultraperformante de collecte et de partage de données qu’offre la 5G, son leadership actuel et la place de favori que Huawei détient dans le cadre des appels d’offre pour les infrastructures de réseau 5G soulève une problématique de souveraineté et de sécurité nationale, avec la crainte de fuites de données sensibles via la 5G. En effet, Huawei est soupçonné d’espionnage au profit de la Chine, ce que l’entreprise dément avec véhémence (22). L’accusation provient des Etats Unis d’Amérique, et s’inscrit dans le cadre notamment de la guerre commerciale livrée à la Chine.
Pour les Américains, Huawei est devenu l’ennemi à abattre sur la question de la 5G. le constructeur chinois est donc exclu des appels d’offre portant sur la mise en œuvre physique des réseaux 5G aux Etats-Unis. (23).
En Europe, les positions sont beaucoup plus mitigées. En Norvège, par exemple, Telenor a exclu Huawei des appels d’offre pour le déploiement de la 5G (24). En UE, l’absence de position politique commune face à la polémique sécuritaire laisse place à une certaine liberté des opérateurs de télécommunication au sein des Etats membres. Par exemple, en Espagne, Telefonica a d’ores et déjà confié son cœur de réseau à l’opérateur chinois (25). En Allemagne, Deutsche Telekom met le déploiement de son réseau 5G en suspens en attendant la résolution politique du problème de sécurité posé par les accusations contre Huawei (25).
En France, le déploiement de la 5G devrait débuter à compter de l'été 2020. Cependant, concernant la mise en place des infrastructure de réseau, la problématique Huawei a donné lieu à une loi de sécurisation des réseaux 5G (26), publiée en aout 2019 et prévoyant un régime d’autorisation préalable fondée sur des motifs de défense et sécurité nationale des équipements de réseaux. Le 6 décembre 2019, le décret d’application de cette loi dite <anti-Huawei> est entré en vigueur et toute installation d’équipement 5G devra passer par l’autorisation de l’ANSSI et plus précisément du Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), l'idée étant d'écarter l'ensemble des équipements pouvant mettre en péril la sécurité nationale.
Brice Fongue Sonna