D’après le Bureau de l’économie du sport du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, le secteur du sport générerait 2% du PIB mondial, soit près de 1 200 milliards d’euros. Même si l’économie du football professionnel au XXIème siècle n’a plus rien de commun avec celle des années 1970, le football est en réalité toujours un petit « business » : les clubs les plus riches de la planète ont des chiffres d’affaires sans communes mesures à ceux des plus grandes entreprises. Le football est le sport dont on parle sans arrêt mais qui génère en réalité un volume d’affaire modéré.
La dernière victoire de l’Equipe de France à la Coupe du Monde 2018 en Russie (tout comme la première en France 20 ans plus tôt) n’a pas eu d'impact réel sur le PIB : le bénéfice réel est celui d'un regain d'image sur la scène internationale, un habitant sur sept ayant regardé la finale de la compétition. De la même manière, la victoire de l’Equipe Nationale d’Algérie à la Coupe d’Afrique des Nations en Egypte cet été, a renforcé dans le monde entier la position et l’image véhiculée par le peuple algérien, dans la rue en masse, à travers des manifestations historiques et pacifistes depuis le début d’année et pendant la compétition. Certains osent même évoquer le parallèle entre le rôle de l’équipe du FLN dans la libération en 1962, et cette victoire de l’équipe nationale en 2019 pendant les manifestations du peuple algérien contre le « système politique » en place.
Le football, un élément important du rayonnement et du prestige des États
Aujourd’hui, une bonne partie des propriétaires de grands clubs de football en Europe sont des acteurs étrangers aux championnats dans lesquels ils ont investi : grands dirigeants de société, millionnaires ou milliardaires, et Etats (Chinois, Qataris, Emiratis, Américains, Russes, Américains, Britanniques). En France, le club des Girondins Bordeaux a été vendu à un fonds d’investissement américain l’an dernier alors que le club de l’OGC Nice vient d’être acheté par Jim Rattcliff, grosse fortune du Royaume Uni, qui place donc ses intérêts juste à côté de Monaco, réputé pour son action de diplomatie par le sport. Le football joue un rôle d’accompagnement diplomatique et d’affirmation de l’identité nationale assumé : l’évolution des critères de puissance et la mondialisation ont conduit le football à devenir important dans les relations internationales.
La Coupe du monde, vitrine des pays émergents
Les pays qui cherchent une tribune au concert des nouvelles grandes puissances visent l’organisation d’une Coupe du monde. Depuis les années 1990, la FIFA, a « choisi » comme nations organisatrices de la prestigieuse compétition : en 2002, l’association du Japon et de la Corée du Sud - en 2010, l'Afrique du Sud - en 2014, le Brésil - en 2018, la Russie - en 2022, le Qatar. L’émirat du Qatar utilise le sport et le football comme une arme du soft power, afin de consacrer son influence planétaire. Après le rachat du Paris Saint-Germain en 2011, et les investissement successifs dans le club de la capitale française pour évoluer au plus niveau européen et renforcer sa visibilité dans le monde entier (achats de joueurs prestigieux comme le brésilien Neymar et le français M’Bappe qui a fait la une du journal Times), l’obtention de l’organisation de la coupe du monde 2022 accentue l’action de soft power qatari et inquiète au plus au niveau les dirigeants, « ex-frères » de la sous-région : la mise en place de l’embargo de l’Arabie Saoudite et des autres pays du Golfe contre Doha, en dit long sur l’impact de cette opération et la crainte de ses concurrents associée aux effets attendus et liés à la réussite de l’organisation de la prochaine Coupe du Monde.
Le football, terrain d'affrontement des États
Le football est un des moyens les plus manifestes de déployer son drapeau, et d’être présent sur la carte du monde, les récentes victoires successives de la France à la Coupe du Monde 2018 et de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des Nations en 2019 viennent de le démontrer. Dans une stratégie de rayonnement par le le « soft power », le football prend une place de plus en plus grande dans un univers où il est plus efficace d’être populaire que fort. Il est un instrument de puissance au cœur d’acteurs connectés auprès d’une opinion qui s’informe en permanence, la puissance s’exprimant à travers la victoire dans les compétitions ou dans leur organisation. Dans ce sens, l’acquisition d’un footballeur, d’une équipe de football, et l’organisation d’une Coupe du monde constituent les sujets de batailles, qui en cas de victoire contribuent fortement au prestige national, au rayonnement d’un pays et à sa notoriété positive. Disputer une coupe du monde, c’est affirmer son existence et son indépendance, l’organiser ou la gagner c’est affirmer sa souveraineté et sa puissance.
Le Qatar, organisateur d'évènements sportifs
Le Qatar, est en train de devenir un véritable pôle d’influence par le sport, grâce à l’organisation d’événements, de conférences dans le domaine sportif et en particulier la gouvernance du sport, il concurrence désormais la Suisse dans ce créneau. Depuis 1990, ce petit pays (de la taille de l’Île de France) a massivement misé sur le sport comme instrument de souveraineté et de défense, avec le football comme arme préférentielle. Il a mis des moyens colossaux pour développer un empire médiatique dans le domaine du sport avec Bein (en plus d’Al Jazeera), acheter le Paris saint Germain et accueillir toute la planète en plus des 32 nations qui seront qualifiée à la prochaine Coupe du monde dans ses terres, à l’hiver 2022.
De nombreuses accusations de corruption ont été lancées contre le Qatar après l’obtention de l’organisation de la Coupe du monde de football 2022, largement relayées par son voisin Saoudien, sans oublier le rôle important des Etats-Unis. Dans cette bataille de l’information, le Qatar arrive à gagner grâce à un contenu réel et visible qui s’appuie sur une candidature marquée par son ancienneté, et légitimée par des infrastructures de haut niveau et l’organisation d’événements sportifs internationaux réussis et réguliers, des investissements très importants sous différentes formes dans le football mondial et grâce à des canaux de communication de l’information (chaines de télévision, fondations) puissants et influents.
La concurrence avec l’Arabie saoudite en matière de leadership et d’influence an Afrique et dans le monde arabe s’est traduit cet été par l’achat de plusieurs joueurs algériens (vainqueurs de la Coupe d’Afrique des Nations au mois de Juillet) par des clubs Saoudiens et Qataris : le sectionneur algérien lui-même ayant commencé sa carrière d’entraîneur au Qatar et vivant à Doha, le Qatar a également gagné cette bataille informationnelle dans la sous-région. D’une manière générale, qui, en Europe, en 2019 ne connait pas le Qatar ? Sa réputation est en marche, c’est un exemple de « nation-branding » par le football et de soft power sportif réussi.
Les Etats Unis, le « soccer », puissance et influence
Au-delà de leur course aux médailles olympique (face à la Russie puis la Chine), les Etats Unis manifestent clairement leur action d’influence par football (soccer) ces dernières années : depuis la Coupe du monde que les Etats-Unis ont organisés en 1994, en plus de leur domination du football féminin (marquée par une nouvelle victoire à la Coupe du monde de football féminin en France cette année), ils ont entrepris des actions fortes de destabilisation des instances de la FIFA, puis ont réussi à obtenir l’organisation de la Coupe du Monde 2026 (conjointement avec Le Canada et le Mexique) au détriment du Maroc. L’Arabie Saoudite, avait marqué l’opinion public du monde arabe en accordant son vote aux Etats-Unis.
Karim Idir