La Chine ne veut pas dépendre des Etats-Unis en matière de transferts de données financières ou bancaires

  

 

  

La Chine ne veut pas dépendre des Etats-Unis dans la conquête du monde immatériel. 

Concurrents directs des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) étasuniens, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) profitent ainsi largement de l’explosion technologique dans l’Empire du Milieu. Dans un pays où l’argent liquide a longtemps été la base de l’économie, et où de nombreux citoyens n’ont pas de comptes en banque, impliquant la faiblesse tendancielle des paiements par cartes bancaires, l’apparition des moyens de paiement par mobiles a entraîné une vraie révolution sociétale. 

On peut en effet estimer comme Evelyn Yang, directrice de la communication de l’entreprise Citcon (plateforme relai des applications chinoises de paiement mobile AliPay et WeChatPay aux États-Unis d’Amérique), que le paiement mobile y a directement succédé au paiement par espèces. « À Pékin, même les petits vendeurs d’ananas, qui apparaissent chaque année au printemps sur les trottoirs, s’y sont mis. Plus besoin de sortir le portefeuille, un simple scan du code QR affiché sur leur triporteur suffit »[1]

La Banque BNP Paribas estime ainsi que le paiement mobile est désormais le premier moyen de paiement à l’échelle du pays, dominé par Alibaba Group et Tencent Holdings via leurs applications Ali Pay et WeChat Pay[2]. Néanmoins, il convient de rappeler que si les BATX se portent aussi bien sur le sol chinois, ce n’est pas qu’à raison d’un marché interne vivace de millions d’utilisateurs potentiels et avérés. En effet, ces derniers ont pu voir le jour grâce à un contexte local bien particulier, celui d’un protectionnisme larvé et déguisé. 

Souhaitant contrer les dépendances potentielles, notamment au régime américain, et s’inscrire comme modèle alternatif[3], la République Populaire de Chine a mis en place un système économique dissimulé de protection de ses acteurs nationaux. Elle recoure ainsi sur son sol à des opérations de prédation technologique (acquisition/transferts de technologies forcés en obligeant les joint-ventures comme condition d’implantation des entreprises étrangères)[4]

Arguant de questions de sécurité nationale, et afin de renforcer son contrôle sur les données présentes sur son territoire, la Chine a développé la plus « grande mesure non-tarifaire mondiale »[5] via son « grand firewall de Chine ». Suite à sa loi Cybersécurité votée en 2016, la Chine est désormais en mesure d’exiger des entreprises étrangères du numérique qu’elles stockent leurs données sur son sol[6]. L’entreprise Apple a ainsi été forcée de déléguer sa gestion de datacenters en Chine à une entreprise nationale, afin de pouvoir conserver ses vues sur le marché local. Elle a de la même façon forcé Ebay à quitter le pays en 2006, et fermé l’accès à l’application WhatsApp sur son sol. Les entreprises Alibaba (via Taobao) et Tencent (via WeChat) en sont évidemment sorties victorieuses de nouvelles parts de marchés. 

La République populaire de Chine souhaite plus que jamais s’affirmer nationalement et internationalement contre la superpuissance américaine. Elle refuse ainsi, par l’affirmation de son modèle économique particulier (mêlant attractivité et prédation économique pour les acteurs étrangers) la dépendance au système capitaliste tel qu’érigé par les Etats-Unis d’Amérique et répandu dans les Etats occidentaux. 

Concernant les risques de transferts de données par le biais des modes de sécurisation des moyens de paiement bancaire prônés par les États-Unis (à travers leurs solutions technologiques), la Chine refuse le diktat que Washington cherche à imposer à l’Europe. 

  

  

Rapport rédigé par 

Brice ALBERT, Jeremy BAOT, Mathilde HUE, Franz JIOFACK TANGOUSTOP, Manon LEMERCIER, Anne L’YVONNET, Kévin NOYERIE, Lucas ROCHE-POGGI 

  

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[1] BALENIERI Raphaël, « Le paiement mobile chinois à l’assaut des Etats-Unis », Libération, 12 mai 2017.


 

[2] BNP Paribas, « Le paiement mobile a conquis la Chine », BNP Paribas, publié le 08 mars 2017.


 

[3] Mathilde P. - Gilles C. - Céline G. - Louis J, Les enjeux stratégiques du stockage de données, EGE, MSIE29, décembre 2018, p.71.


 

[4] Vincent BERTHOUMIEUX, Elies GUILLEMIN, Alexis HANS, Franck KIE, Nicole LUGO, Kévin NOYERIE, et Bonaventure OUEDRAOGO, « Le protectionnisme chinois », EPGE, 30 janvier 2019, 70 pages.


 

[5] Financial Times, “China’s protectionism comes home to roost”, Financial Times, 03 janvier 2018.


 

[6] Les Echos, « Chine : La loi sur la cybersécurité adoptée », Les Echos, 11 novembre 2018.