Louise Mushikiwabo à la tête de la francophonie: à qui cela profite?

La francophonie, comme son nom l'indique, constitue un ensemble d'institutions, de pays ou encore des personnes ayant en partage la langue française. Le français est utilisé dans ces pays, ces institutions ou par ces personnes comme langue d'usage, langue administrative, langue d'échange ou encore d'enseignement. Ces pays ou institutions sont regroupés au sein de l'Organisation Internationale de la Francophonie en abrégé OIF. Les chefs d'Etat et de gouvernement faisant partie de cette organisation se sont réunis en Octobre dernier à Erevan en Arménie pour désigner le nouveau secrétaire général de cette organisation. Bien que critiquée et contestée, la gouvernance de cette organisation peine à montrer sa fermeté vis-à-vis de certains régimes qualifiés d'autoritaires ou encore d'anti démocratique de certains pays membres de l'organisation. 

Contexte


 En ce début d'année 1994, le Rwanda traverse la période la plus sombre de son histoire. Un génocide ayant causé près de 800 000 morts (d'après les chiffres officiels). Cette situation a poussé la communauté internationale à prendre ses responsabilités face au massacre. L'opération « Turquoise » est lancée dans la foulée. Cette opération vise à protéger la population civile des attaques lancées par les rebelles du FPR dirigés par le président actuel Paul KAGAME. Derrière cette opération, Paris cherche d’abord à sauver ce qui reste du régime de son allié Hutu qui est en train de perdre le contrôle du pays. Cette opération va pousser le leader des rebelles du FPR à prendre ses distances vis-à-vis de Paris. Une fois au pouvoir, il s'est retourné naturellement vers ses alliés américains et ougandais qui l'ont aidé à prendre le pouvoir. Le pays est devenu anglophone et a adhéré au Commonwealth devenant l'un des deux pays n'ayant aucun lien colonial avec le Royaume Unis  à adhérer à cette organisation. Ce qui contribue aussi largement à la détérioration des relations entre Kigali et Paris. 

Les acteurs impliqués


 Concernant la francophonie, Emmanuel Macron a réaffirmé que son «centre de gravité» était «aujourd'hui en Afrique». De ce fait, cela aurait «beaucoup de sens» que l'organisation internationale de la Francophonie (OIF) soit de nouveau présidée par un africain. A la grande surprise générale, le Canada et le Québec ont annoncé, mardi 9 octobre 2018, qu'ils retiraient leur soutien à la candidature de Michaëlle Jean pour le poste de secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). 

« Le Canada a décidé de se rallier au consensus, comme c'est la tradition, ça a toujours été la manière de faire, on ne va pas la changer », expliquait à l'Agence France-Presse une source gouvernementale outre-Atlantique, laissant au passage entendre que Michaëlle Jean pouvait encore choisir de jeter l'éponge de sa propre initiative: «On a bien vu qu'elle n'avait pas les appuis nécessaires, la suite lui appartient, il faut se rendre à l'évidence. » (RFI)Profitant de ce vide et souciant de rétablir une relation bilatérale profitable aux deux parties (Rwanda - France), Paris a décidé de soutenir la candidature de l'ancienne ministre rwandaise des affaires étrangères Louise Mushikiwabo à la tête de la francophonie. 

«Elle a toutes les compétences et les titres pour assurer cette fonction», a déclaré sans détour Emmanuel Macron à l’issue de sa rencontre  avec le président rwandais, Paul Kagame. Interrogée dans la soirée sur France 24, Louise Mushikiwabo a estimé que certes «nous avons ajouté l'anglais aux langues qui sont parlées au pays. Mais il n'y a pas de contradiction. Nous n'avons pas divorcé du français. La francophonie s'inscrit dans un monde de plusieurs langues, ce qui est le cas de mon pays. Ça n'empêche pas l'engagement qui est toujours là pour la francophonie». Cette candidature,  soutenue par le président Emmanuel Macron contre celle de la canadienne Michaëlle Jean,  est très critiquée par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, des socialistes, des associations mais aussi certains pays africains. 

Les enjeux sont d'ordre géopolitique et géoéconomique


A la fin de la guerre civile de 1994 au Rwanda ainsi que celle de 1996-1997 à la République Démocratique du Congo, une nouvelle géopolitique se dessinait petit à petit à partir du Rwanda où le nouveau pouvoir, constitué des éléments du président Kagamé étaient anglophones. Par son influence, le Rwanda basculait vers le monde anglophone.  La guerre à l'Est de la RDC a été alors analysée comme une tentative de faire basculer la RDC francophone vers l'influence anglophone. En raison des différents enjeux (économique, culturel et autres) que représentent la région des grands lacs, surtout le grand voisin la République Démocratique du Congo, avoir un rwandais francophone pour défendre  les intérêt de la France au Rwanda ainsi que dans la région, est un grand avantage afin de mettre fin aux velléités anglophones dans la région. 

L'un des enjeux importants de cette élection est de faire en sorte que le plus grand pays francophone de la planète, qu'est la République Démocratique du Congo reste bien francophone. Les anglo-saxons verraient bien la République Démocratique du Congo basculer dans le monde anglo-saxon avec pour cheval de Troie, le Rwanda. Alors, en mettant le Rwanda à la tête de l'Organisation, le président Macron jouerait un coup de maître et il serait tranquille pour cinq ans.«Nous avons décidé de travailler ensemble de manière pragmatique», a résumé le chef de l'Etat français à l'issue d'un long tête-à-tête avec Paul Kagame à l'Elysée. Situé à l'est de la République Démocratique du Congo, le Rwanda est un partenaire jusque-là considéré comme fiable par les alliés américains et anglophone dans la  gestion de la crise ainsi que des  richesses du sous sol congolais. Politiquement, la France est en train de redécouvrir le positionnement  de plus en plus stratégique et grandissant du Rwanda  dans cette partie du monde. Économiquement, le monde des affaires en France a bien compris que c'est là que ça allait se passer et les Rwandais maîtrisent bien cette Afrique économique. C'est comme une équipe de football : si vous mettez les bons joueurs à la bonne place, vous aurez de meilleurs résultats. Et ça le Président Macron l'a bien compris. Il veut avoir les meilleurs joueurs en Afrique économique. Il est allé les chercher où il y en avait de très bons actuellement. C'est aussi pour fermer l'accès à l'Afrique francophone au monde anglo-saxon. Donc le Rwanda a sa place et peut être qu'on fermera les yeux sur certaines choses comme on peut le faire par exemple dans les échanges économiques avec la Russie ou encore l'Arabie Saoudite.(lire ). 

 

Ozias Keta