Les représailles du gouvernement américain contre l’attitude de la Russie à propos de la question de la Crimée, ont consisté en partie à sanctionner économiquement Oleg Deripaska, citoyen russe de cinquante ans, ainsi que la société russe UC Rusal Plc, premier producteur mondial d’aluminium, que cet oligarque détient indirectement via sa société EN+ Group Plc.
Pour le groupe russe Rusal le coup est alors terrible. Son titre est dévalué en bourse de plus de 70%, ses GDR doivent être délistés d’Euronext, et son organigramme interne doit être remanié.
Le 6 avril 2018, l’Office of Foreign Assets Control (ci-après « OFAC »), organe d’administration et d’application des sanctions économiques du Département du Trésor des Etats-Unis d’Amérique, agissant conformément aux Executive Orders présidentiels EO 13661 et EO 13662, tels qu’envisagés par le Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA), ainsi qu’en vertu de l’Executive Order EO 13582, a décidé d’inclure sur sa Specially Designated Nationals List (ci-après « SDNL »), les noms d’Oleg Deripaska ainsi que des sociétés que ce dernier contrôle, ou est réputé contrôler, directement ou indirectement, dont la société russe UC Rusal Plc, premier producteur d’aluminium au monde.
Cette décision fait suite à la mise en œuvre du programme de sanctions nommé « Ukraine/Russia sanctions program » entreprise par l’OFAC conformément aux dispositions du premier Executive Order présidentiel EO 13660 du 6 mars 2014, sous la présidence Obama. Ce programme, renforcé par les Executives Orders EO 13661 et EO 13662 des 16 et 20 mars 2014, et par l’EO 13685 du 19 décembre 2014, ainsi que par un certain nombre d’autres dispositions juridiques impératives, fut créé dans le but d’affaiblir et d’isoler économiquement certains acteurs politiques et/ou économiques russes réputés proches du gouvernement russe. Il s’agissait pour le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, d’instaurer un pendant économique, une force de frappe économique, à la rivalité politique qui l’oppose à la Russie à propos du conflit en Ukraine. Plus généralement encore, c’est l’influence qualifiée de néfaste de la Russie sur les démocraties occidentales qu’entend sanctionner économiquement de façon systématique le gouvernement américain. [1]
L’inscription de Monsieur Oleg Deripaska et sur la SDNL de l’OFAC n’est, à ce titre, pas anodine. Selon le Trésor américain Monsieur Oleg Deripaska a été inscrit sur la SDNL « conformément à l'E.O. 13661 pour avoir agi ou prétendument agi pour le compte, directement ou indirectement, d'un haut responsable du gouvernement de la Fédération de Russie, ainsi que conformément à l’E.O. 13662 pour opérer dans le secteur de l'énergie de l'économie de la Fédération de Russie. O. Deripaska a déclaré qu'il ne se séparait pas de l'État russe. Il a également reconnu posséder un passeport diplomatique russe et prétend avoir représenté le gouvernement russe dans d'autres pays. O. Deripaska a fait l’objet d’une enquête pour blanchiment d’argent et a été accusé d’avoir menacé la vie de ses rivaux en affaires, d’avoir écouté illégalement un responsable gouvernemental et d’avoir participé à de l’extorsion et à du racket. Selon certaines allégations, O. Deripaska aurait également corrompu un responsable gouvernemental, ordonné l'assassinat d'un homme d'affaires et entretenu des liens avec un groupe du crime organisé russe. » [2]
Ce sont, en outre, les sociétés contrôlées, ou réputées contrôlées, par Oleg Deripaska qui ont été inscrites sur cette même SDNL de l’OFAC, à savoir : United Company Rusal Plc, dont O. Deripaska est directeur non-exécutif, En+ Group Plc, société détenue par O. Deripaska et qui détient elle-même 48,13% du capital de UC Rusal Plc, B-Finance Ltd et Basic Element Limited.
Les conséquences d’une telle inscription sur la SDNL de l’OFAC sont d’une importance particulière en matière commerciale, dans le rapport de force économique qui oppose les Etats-Unis à la Russie. Les sanctions consistent : 1. en le gel de tous les actifs sous juridiction américaine appartenant aux personnes et entités désignées, et de toute autre entité bloquée par l’application de la loi en raison de leur appartenance à une partie sanctionnée ; 2. En une interdiction aux personnes de nationalité américaine de traiter avec elles ; 3. En la possibilité de poursuivre et de sanctionner les non-Américains qui faciliteraient sciemment des transactions au nom, ou pour le compte, des individus ou entités bloqués dans le cadre de ce programme de sanctions.
Julien Dubois
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Note 1 : Ukraine/Russia related sanctions program, publication du Department of the Treasury, OFAC, 16 Juin 2016