L’offensive de l’ONG FOODWATCH contre une douzaine de grandes marques de l’industrie agroalimentaire


 

En septembre 2018, l’ONG Foodwatch dénonce la présence de résidus issus d’animaux dans certains produits alimentaires et attaque une douzaine de grandes marques. L’affaire connait très rapidement une exposition médiatique qui oblige les marques à réagir. 

Foodwatch, une ONG militante écologiste


L’ONG Foodwatch milite pour le droit des consommateurs de se voir proposer des aliments de qualité, sans risques pour la santé et comportant un étiquetage fiable et transparent. Selon Eclopedia, qui se déclare être une source d’information sur les grands acteurs de l’écologisme militant et sans complaisance car indépendant des ONG écologistes, Foodwatch est une organisation politique dans la mouvance écologiste. Fondée d’abord en Allemagne en 2002, puis aux Pays-Bas en 2009 et en France en 2013, Foodwatch est une initiative de Thilo Bode, ancien directeur général de Greenpeace Allemagne (1989-1995) et de Greenpeace International (1995-2001). Coté financement, l’orientation idéologique se précise également puisque Foodwatch Allemagne qui supporte le financement Foodwatch France a reçu d’importantes subventions notamment du milliardaire Rolf Gerling, administrateur d’un institut de recherche sur l’agriculture biologique ainsi que de Nikolai Fuchs, coordinateur européen de Demeter International, la marque agricole d’inspiration anthroposophe. En septembre 2014, Foodwatch France lançait ses premières campagnes de pétitions sur les ruses légales utilisées par notamment la Marque Repère (E. Leclerc), Maggi (Nestlé), Lustucru (Panzani), Vrai (Triballat Noyal) et recueillait alors près de 150 000 signataires. La campagne fut efficace et obtint l’arrêt de la commercialisation de certains produits et la modification des emballages pour d’autres. 

Le monde opératoire utilisé


La stratégie de Foodwatch consiste à cibler les produits de grande consommation et à dénoncer les étiquetages abusifs. Le mercredi 19 septembre 2018 l’ONG publie un communiqué intitulé «Insectes, porc et bœuf cachés dans nos aliments : Foodwatch épingle 12 aliments peu ragoûtants ». Des marques de grandes renommées telles que Nestlé, Orangina, Yoplait ou Haribo sont violemment attaquées. Plusieurs produits alimentaires sont cités, c’est le cas par exemple des yaourts Panier Yoplait 0% qui contiennent de gélatine d’origine bovine ou encore de l’Orangina rouge qui contient des carmins (un colorant issu de la cochenille). Ensuite, c’est une campagne médiatique efficace qui orchestre la résonnance de l’opération. La presse écrite régionale, nationale, quotidienne et hebdomadaire reprend l’information dès le lendemain avec des titres ravageurs qui reprennent pêle-mêle les effets de langage du communiqué de Foodwatch. Le journal Sud-Ouest et Le Point du 20 septembre 2018 titraient par exemple « des résidus issus d’animaux ou d’insectes dans des aliments». Ce même jour, les chaines de télévisions relaient l’information à des heures de grandes écoutes notamment au journal de 20H00. Les chaines France 2, TF1 et BFM organisent des micros-trottoirs interpellant dans la rue des passants qui découvrent l’existence de cette affaire et lui donnent alors un caractère de scandale alimentaire. Mégane Ghorbani, responsable de campagnes chez Foodwatch, est interviewée à la fois par voie de presse et est invitée sur les plateaux de télévisions pour dénoncer les pratiques des industrielles. Les effets de langage sont dûment choisis pour marquer les esprits du grand public comme par exemple des expressions « Toutes sortes de bestioles se cachent dans nos aliments et boissons sans que nous le sachions ... des dérivés d’animaux dans des produits de pâtisserie. » L’ONG Foodwatch souhaite, par cette étude et sa couverture médiatique, attirer sur son site internet un maximum de trafic et obtenir la signature de la pétition par le plus grand nombre. 

La réaction des sociétés attaquées


L’ONG a écrit aux industriels cités dans son étude pour leur demander des précisions sur la nature des ingrédients utilisés ainsi que la clarté des informations mentionnées sur les emballages. Tous se défendent de pratique illégale et la plupart indique clairement sur l’emballage la présence de produits d’origine animale. La marque Yoplait a fait l’objet d’une détermination toute particulière de la part de FOODWATCH. Dans son courrier de réponse, le groupe General Mills, propriétaire de la marque, a précisé que ses yaourts contenaient une très faible teneur en gélatine d’origine bovine et a également annoncé la mise en place en 2019 d’une nouvelle recette sans résidus d’origine animale.  L’ONG ne se satisfaisant pas de cette réponse a donc lancé une pétition à l’encontre de Yoplait. Quelques jours après sa publication, la pétition recueillait déjà plus de 9000 signatures. D’autres groupes industriels n’ont pas souhaité répondre à l’ONG comme par exemple le groupe Orangina. Dans une communication interne à l’entreprise à l’attention de ses salariés, Catherine HUBERT, Responsable de la Recherche et Développement chez Orangina, rappelait que « le carmin présent dans l’Orangina Rouge est un colorant rouge 100% naturel issu de la cochenille dont la présence est indiqué clairement sur l’emballage. Le carmin est utilisés dans de nombreux produits alimentaires et respecte strictement la réglementation, française et européenne, et que son innocuité pour la santé a été démontrée par les études scientifiques de l’autorité de santé européenne (EFSA) ». Enfin, la compagnie de sodas rappelle à ses collaborateurs qu’elle travaille actuellement au remplacement des carmins par un autre colorant naturel d’origine végétale. L’ONG Foodwatch France reconnait dans un communiqué que les « auxiliaires technologiques » utilisés au cours du processus de transformation ne doivent pas être obligatoirement renseignés sur l’étiquette mais que pour autant cela ne rend pas légitime leur dissimulation dans l’étiquetage des produits. En effet, la réglementation européenne sur les additifs alimentaires n’impose pas la déclaration de l’origine biologique des additifs sur l’emballage. Au-delà de la loi qui semble être respectée par les grandes marques mises en cause; Foodwatch a déplacé son action sur le terrain idéologique et le manque de transparence qu’elle qualifie de « tromperie et ruse légales ». L’ONG, par son étude et la couverture médiatique qu’elle a parfaitement mise en place, s’est assurée une visibilité maximum.  Son objectif de prendre à parti le grand public est alors atteint et ainsi l’ONG Foodwatch réussit à interpeller les pouvoirs politiques. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a été contraint de réagir dans les médias notamment télévisés et a reconnu le manque de transparence. Il a rappelé le rôle du Conseil national de l’alimentation sur l’évolution de l’étiquetage des produits industriels. 

 

Patrick Martin