Sur la colonisation des esprits en matière juridique

 



 

L'enseignement du droit en France est structuré à la faculté sur des principes simples. On apprend le droit en examinant les Codes, la doctrine et la jurisprudence. Traditionnellement, l'étudiant apprenait ainsi à chercher dans les ouvrages pour forger son opinion, après avoir fait l'analyse des éléments qu'il avait personnellement identifiés comme pertinents.

La situation a complètement évolué avec l'apparition des bases de données. Et, singulièrement, avec les bases juridiques éditées par LexisNexis. L'étudiant pose sa question en pianotant sur son ordinateur ou sa tablette et lui sont fournies instantanément de multiples informations, souvent parfaitement pertinentes. Et c'est tout. Certes, il existe diverses bases de données, mais force est de constater la domination sur le marché de LexisNexis.

C'est particulièrement préoccupant car l'étudiant (qui sera demain l'avocat, le notaire, le juge) remet l'analyse de la question juridique à un tiers, dont on ignore tout, qui va, en fonction des choix qui lui sont propres, lui proposer des réponses. Comme celles-ci sont souvent pertinentes, la facilité conduit à ne pas aller plus loin et à les adopter.

Or, derrière les éditeurs juridiques, se trouvent des entreprises qui peuvent ainsi « formater » insidieusement les esprits. Toute chose étant égale par ailleurs, on utilise « naturellement » LexisNexis comme on utilise « naturellement » Google. Et on accepte le contenu prédigéré qui nous est restitué.

Si l'on veut éviter cette colonisation insidieuse des esprits et si l'on veut promouvoir notre droit, notamment pour en rendre l'usage simple pour nos citoyens et nos entreprises, ainsi que pour en assurer la promotion à l'étranger, pourquoi ne pas concevoir une base publique de données juridiques françaises conçues par des universitaires et nourries tant par leurs travaux, que par les décisions rendues par nos juridictions ? En d'autres termes, en se réappropriant un territoire laissé au monde marchand, permettre que cette « colonisation » des esprits soit contrebattue par une information publique* et une promotion officielle de notre droit.

 

Bâtonnier Jean Castelain


*        Information publique qui permettra de connaître et contrôler les choix faits dans l'organisation des réponses fournies.