Le président Daniel Ortega a été réélu en novembre 2016 pour son quatrième mandat, sans opposition. Très populaire à l’époque pour son programme de travaux publics et d’aides sociales. Il faut aussi savoir que le président Ortega, sandiniste, a été en 1979, un des leaders qui ont renversé la dictature d’Anastasio Somoza. Ce programme classique d’une politique socialiste n’est pas du goût des Etats-Unis. En avril 2018, la réforme des retraites menée par Ortega a donné lieu à de violents affrontements de rue qui ont fait capoter le projet. Depuis cette date, les affrontements se sont poursuivis. Le bilan est élevé pour ce petit pays de six millions d’habitants : 282 morts et 2 000 blessés blessées au Nicaragua depuis le début des manifestations.
L’hostilité de Washington pourrait se répercuter sur l’obtention de prêts de la part du FMI. Le Nicaragua est en effet très dépendant des prêts du FMI. Notons que le président Ortega a ratifié selon les bons conseils du FMI, la résolution 1/317, le 18 avril 2018.
Le Nicaragua est un petit pays de la taille de l’Etat de New York, situé entre le Costa Rica au Sud et le Honduras au Nord. Ses principaux clients sont les Etats-Unis (51.5%), le Mexique (13.8%) et le Salvador (6%). Le Mexique est dépendant de l’économie nord-américaine. Le Salvador a essayé en 1979-1992, de faire sa révolution, il est depuis rentré dans le rang.
L'enjeu stratégique du doublement du canal Panama
Le Nicaragua a été choisi pour être le pays accueillant le nouveau canal reliant le Pacifique à la mer des Caraïbes. Ce canal représente un budget de 50 milliards USD (4 fois le PIB du Nicaragua) et est très controversé pour son impact écologique. Il repose en effet, sur le lac Cocibolca, la plus grande réserve d’eau douce d’Amérique centrale et traverse malheureusement, une réserve naturelle. Mais c’est aussi le grand espoir du président Ortega pour sortir son pays de la pauvreté. La concession du grand canal a été attribuée à la Chine. C’est le groupe HKND (HongKong Nicaragua Canal Development) qui est en charge du mégaprojet d’une capacité estimée à 9 000 bateaux par an et de plus grande capacité. Nous avons donc un projet chinois, dans un pays socialiste, pauvre et très dépendant des Etats-Unis pour la survie de son économie, et qui va directement concurrencer le canal de Panama d’une capacité de 12 à13000 bateaux par an.
Un remake du scenario chilien est-il possible ?
Durant l’été 1973, quand le président Allende, élu lui aussi démocratiquement, a engagé des réformes socialistes, notamment la nationalisation des mines sans indemnisation et la redistribution des terres. Élu en 1970, il n’a que six ans pour mener à bien son programme économique. L’implication du FMI dans la politique d’Allende en 1973 a donné lieu à des restriction des prêts, à l’effondrement des cours, à l’asphyxie de l’économie, et a généré un détonateur social. Allende mourra en septembre 1973 lors du coup d’Etat déclenché par le général Pinochet, ministre de l’armée du président Allende. Après le renversement du gouvernement socialiste chilien, la junte militaire fait appel aux Chicago boys se mettent aussitôt aux manettes d’un pays. Et le Chili devient alors le laboratoire de l’économie libérale américaine pour quinze ans. Le bilan de cette reprise en main de la destinée du Chili s’éleva à 3 200 morts, 35 000 torturés et 200 000 exilés.
La comparaison entre les deux situations
Dans le cas chilien comme dans le cas nicaraguayen, l’enjeu du contrôle de la sphère d’influence américaine en Amérique Latine est prédominant. Toute démarche politique locale qui contrarie cet état de de fait s’expose à une réaction indirecte de Washington : pression diplomatique, encerclement-financier, activation du mécontentement de fractions de la population en jouant sur les réflexes des classes moyennes par rapport au pouvoir d’achat et à l’accès à la connaissance (universités). La guerre de l’information qui fait rage depuis plusieurs mois ressemble à celle que les Etats-Unis ont mené au contre le pouvoir politique créé par Hugo Chavez et pérennisé par son successeur Nicolas Maduro.
Alban Brisset