Le terrorisme n’est pas un thème facile à étudier. Plus que dans toute autre discipline, les chercheurs se heurtent avant tout à leurs propres préjugés pour mener leurs recherches. En 2017, une équipe du CNRS a réalisé une grosse etude sur la nature de l’engagement radical. Le problème posé par ce travail, fondé sur des recueils de témoignages d'anciens terroristes, est la manière dont ces chercheurs ont défini les critères d’approche du sujet. A titre d’exemple, ils n’ont pas retenu un critère essentiel qui est le rôle déterminant de la personne sur laquelle repose la structuration du groupe et sa dynamique d’action. Cet « oubli » fausse le cœur de l’analyse. L’engagement militant dans un processus de lutte armée est conditionné par la personnalité de l’activiste qui est à l’origine de la constitution du collectif qui s’engage dans un processus violent. Les explications individuelles données en appui à la construction du discours analytique des chercheurs du CNRS n’ont pas tenu compte de ce principe élémentaire. Si la personne qui mène l’enquête ne pose pas la question aux intéressés, elle ne pourra pas en identifier l’importance. Ce type d'erreur s'explique en partie par la posture que prend le chercheur par rapport au sujet. Les traces laissées par l'idéologie dans un certain milieu des sciences sociales influencent leur grille de lecture. Le choix de mettre en avant les prétextes qui conditionnent l'engagement masque parfois l'essentiel, à savoir la fascination générée par les plus déterminés (cas du leader du groupe "Brigades Internationales") ou par les personnes qui ont donné une légitimité intellectuelle et subversive au passage à l'acte (rédacteurs des cahiers prolétariens de la "Gauche Prolétarienne").
Les représentants de l'Institut des Sciences juridique et philosophique ont évité ce piège. Organisateurs du colloque « Le terrorisme et l’Etat », qui s’est tenu en 2016 à la Sorbonne, ils ont choisi d’aborder la question du terrorisme en se posant la question de son étude sous l’angle du droit public et, en particulier, du point de vue de l’Etat lui-même. Leur mérite est de pas avoir masqué les contradictions qui pouvaient apparaître à l'intérieur du système étatique.
Leur problématique était la suivante :
« Quels sont les rapports, les liens, entre l’Etat et le terrorisme ? Avant tout, comment identifie-t-on le terrorisme ? Quel est le pouvoir ou, simplement, l’influence de l’Etat dans cette identification ? Et quelles sont les réactions de l’Etat contre le terrorisme ? Comment réagissent les institutions administratives de l’Etat ? Qu’en est-il de ses autorités politiques ? Ces réactions visent-elles seulement à lutter contre le terrorisme ou ont-elles d’autres causes ? Symétriquement, sont-elles susceptibles d’avoir des conséquences plus profondes ? »
Les actes de ce colloque ont été publiés aux publications de la Sorbonne au printemps 2018. Mon intervention ne reflète qu'une infime partie de la richesse des textes qui ont été publiés.
Christian Harbulot
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