Pourquoi les droits de douane des États-Unis contre la Chine visent en particulier le secteur des hautes technologies ? La réponse pourrait être que les autorités américaines ont conçu un plan visant le blocage ou le ralentissement du programme de développement chinois. Il faut savoir que Made In China 2025 est un programme de développement qui a été adopté par le gouvernement chinois en 2015, celui-ci ayant pour objectifs de soutenir la montée en gamme de l’économie chinoise, et de favoriser son passage à une économie fondée sur la connaissance, à travers le développement des domaines technologique et scientifique. Ce programme se décline en plusieurs axes, dont ce qui suit :
- Encourager l’investissement dans la recherche et développement.
- Améliorer l’automatisation des usines chinoises.
- Développer des secteurs stratégiques (ex : robotique, puces électroniques).
Réduire la dépendance technologique de la Chine à l'égard des Etats-Unis
Made In China 2025 dispose d’un objectif à mi-parcours préétabli pour 2020. Dans moins de deux ans, sa dépendance technologique envers les États-Unis risque de fortement baisser. A cette date, la Chine devrait pouvoir concevoir un produit incluant 70% de composants locaux, en considérant le fait qu’aujourd’hui la plupart des smartphones chinois, par exemple, sont équipés des puces de l’américain Qualcomm. Il est à préciser, que dans l’enquête menée par le Département américain du commerce sur les pratiques de la Chine, l’expression « China 2025 » est mentionnée une centaine de fois. De ce fait, si l’on considère que la première vague de taxation avait touché les produits de l’économie traditionnelle comme l’aluminium et l’acier, la seconde quant à elle a pris pour cible les produits chinois à haute valeur technologique. Afin d’aller encore plus loin, notons que la Chine ambitionne de rejoindre le top trois des pays leaders dans l’industrie à horizon 2049.
Affaire ZTE
Le chinois ZTE envisage de lancer le premier smartphone compatible avec la technologie 5G d’ici fin 2018, début 2019. Si cette prévision se concrétise, la firme chinoise sera considérée comme précurseur, et devancera même les deux marques leaders du Mobile à savoir Apple et Samsung. Cela dit, les sanctions imposées par les autorités américaines risquent fortement de retarder ZTE. Les États-Unis ont interdit aux sociétés américaines de vendre des composants et des logiciels à l'équipementier télécoms chinois. Ce dernier est un acheteur important pour les fournisseurs américains de composants électroniques tels que Qualcomm ou Intel, notamment dans les deux domaines d’activité stratégique que sont les smartphones et les équipements réseaux. Sur ce point sensible, Pékin a exigé que les sanctions américaines contre ZTE soient réglées en priorité dans le cadre des négociations communes qui se sont déroulées récemment entre les deux puissances.
La recherche de prédominance avec la 5G
Mais le rapport de force entre les deux puissances est difficilement négociable. Washington et Pékin se livrent une guerre sans merci pour avoir le leadership sur la prochaine génération de communication mobile. Pour les États-Unis, les ambitions de la Chine dans la 5G, jugées essentielles pour son programme Made in China 2025, constituent une sérieuse menace pour l’économie américaine. Comme nous l’avons constaté dans la section précédente, ZTE est considérée par les autorités chinoises comme leur fer de lance dans la technologie 5G. La volonté américaine d’interdire aux fournisseurs américains de vendre des composants électroniques à ZTE, pourrait se révéler dangereux, dans le sens où cela va accélérer l’émancipation de la Chine vis-à-vis des marques américaines, et ainsi priver les entreprises nord-américaines spécialisées dans la haute technologie de leur marché le plus important. Cette réduction potentielle de leur chiffre d'affaires ne sera pas sans conséquences sur la valeur de leur cotation boursière. En agissant ainsi, la Maison blanche fait passer l’intérêt stratégique de la puissance américaine avant les intérêts commerciaux de certaines entreprises privées.
Fares Bouyoucef