Comment traiter de la guerre de l’information opposant la Russie à l’Occident ?

 


Les multiples polémiques qui circulent sur les réseaux sociaux à propos des opérations de manipulation de l’information, rendent compte de la guerre de l’information qui oppose la Russie au bloc de l’Ouest. L’avis officiel de Poutine est que son pays a besoin de se protéger de la menace occidentale, en adoptant une posture offensive. Il est évident que pour le président russe la meilleure défense, c’est visiblement l’attaque. A partir de ce constat, on peut dire que La Russie considère que tous les moyens sont bons, dans cette guerre de l’information. En revanche, force est de constater que le traitement de l’information dans les médias et centres de recherche européens et français tend systématiquement à présenter la Russie comme le pays agresseur et le monde occidental comme la victime historique de Moscou depuis la révolution de 1917. Les révélations récentes sur la manière dont les États-Unis achètent les voix de pays du Tiers Monde lors des votes à l’Assemble des Nations Unies ou lorsque des représentants de cette puissance admet publiquement avoir influencé des élections dans des pays étrangers pour bien de la démocratie. Ces « aveux » ne peuvent pas être pris à la légère au nom du sacrosaint principe de réalité entre pays alliés. Le recensement des polémiques sur l’intrusion de puissances étrangères dans le jeu électoral exige une approche beaucoup plus fouillée des manœuvres souterraines des puissances pour préserver leurs acquis ou les accroître. Le recensement des polémiques lors des dernières campagnes électorales dépasse très largement le simple point des fake news dans ce débat beaucoup plus large qui soulève la question de la société de l’information comme cadre conflictuel direct ou indirect. 

La campagne électorale américaine


On peut citer les accusations émises par les services de renseignement américains, qui parlent d’une manipulation russe allant dans le sens de l’élection du candidat Donald Trump. Certains observateurs voient dans cette manœuvre, la volanté de la Russie d’anéantir la confiance des américains dans la démocratie. Est-ce la vérité ? ou pas ? il se trouve qu’aujourd’hui, il devient difficile de distinguer l’information vraie de l’information fausse. 

Selon les médias américains, la notion de Fake News prend tout son sens au travers de la dernière campagne électorale américaine, où l’expression « machine de propagande russe » est largement utilisée par les élites, ainsi que la grande majorité des médias occidentaux. 

Sur le site web www.taurillon.org, on peut lire dans un article, rédigé par deux étudiants français de l’université de Nantes dans la rubrique Politique Européenne, traitant de la guerre de l’information opposant la Russie à l’occident, et citant le cas d’une équipe de chercheurs indépendants nommée PropOrNo, laquelle encense plus de 200 sites colporteurs de propagande russe, qui ont attiré plus de 15 millions de lecteurs américains durant la dernière campagne électorale. Néanmoins, ce qui n’apparait point dans cet article, c’est que les méthodes de PropOrNo et son anonymat ont été critiqués par de nombreuses publications, notamment The New Yorker, Harper’s, Fortune, The Intercept et Rolling Stone, et qui ont notamment critiqué le Washington Post sur le fait d’avoir publié les rapports d’un organisme encore méconnu à cette époque. Le Post a réagi par la suite, à travers une note de la rédaction, qui disait ne pas se porter garante des conclusions émises par ce collectif. 

La campagne électorale française


Le 29 Mai 2017, jour de réception du président Poutine par Emmanuel Macron à Versailles, où à travers cette rencontre le président français avait évoqué les pratiques de désinformation entreprises par certains organes de propagande russes, tels que Russia Today et Sputnik, et leur implication dans un acte de manipulation ciblant l’opinion publique, lors de la campagne électorale française. Des faits qui ont été niés en direct, par Vladimir Poutine, avançant la thèse selon laquelle il n’y avait aucune preuve sérieuse menant à une éventuelle piste russe. 

Par ailleurs, les médias français ont mis en lumière les liens que pouvait avoir le gouvernement russe avec certains personnages politiques et parlementaires, en France et à l’échelle européenne. 

Le projet de loi anti-fake news, pourrait-il être considéré comme une réponse efficace à la menace que constitue les organes de propagande russes ? Ce n’est pas si sûr, si on se réfère aux propos du directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, François-Bernard Huygue, qui dans le cadre d’un entretien accordé à la filiale française de Russia Today, considère dans un premier temps, cet anglicisme d’un point de vue terminologique comme étant très flou.  Aussi, selon B. H. Huygue, la question de l’efficacité de la répression au sens où la justice française devra se heurter au pouvoir des plateformes multinationales, dans le cas des réseaux sociaux et du contenu qui y est diffusé, peut poser problème. 

La campagne électorale russe


Sur le site web du quotidien d'information générale 20 minutes y figure un article dans l’onglet Politique, où on peut lire le titre « Présidentielle en Russie : L'opposition et des ONG dénoncent des milliers d'irrégularités ». 

L’article en question fait référence à des électeurs transportés par autocars entiers, des observateurs menacés, et un grand nombre d’irrégularités observées tout au long du processus électorale. L’objectif de toutes ces manœuvres étant l’augmentation du nombre de participation au scrutin. 

Les deux principales sources d’information citées dans le présent article, sont l’opposition russe représentée par Alexeï Navalny, ainsi qu’une ONG ayant pour dénomination Golos (littéralement Voix), qui est une organisation civile de défense des droits et des libertés, financée par le gouvernement américain, dont l'objet principal est la lutte contre la fraude électorale en Russie. Celle qui est à sa tête aujourd’hui est une activiste du nom de Lilia Shibanova. 

La campagne électorale vénézuélienne


Pour illustrer la confrontation informationnelle entre la Russie et la France, on peut prendre comme exemple l’actuelle campagne électorale, menée par le président vénézuélien Nicolas Maduro visant un second mandat de six ans, qui est loin d’être soutenue par la France, affichant clairement son appui envers l’opposition et promettant à l’actuel président vénézuélien des sanctions en cas d’élections non démocratiques. 

Europe1 un média pro-européen appartenant au groupe Lagardère, regarde cette campagne en mettant l’accent sur la volanté qu’a Emmanuel Macron à faire respecter les principes de la démocratie et des droits de l’homme. 

Russia Today, qui est un média pro-russe publie un article, où il est mis en exergue un comportement décrit comme interventionniste de l’Etat français, envers la politique intérieure du Venezuela. Ce même article a également fait ressortir les divers mouvements sociaux, que traverse la France en ce moment. 

A travers ces deux points de vue, marqués par des arguments très différents, et pourtant traitant d’une même thématique et usant de la même source AFP, on arrive à observer l’action d’influence de chacune des parties et les intérêts qu’elles défendent. 

Conclusion


Un récent article de Maud Quessard, publié sur le site de l’IRSEM et intitulé « « La diplomatie publique américaine et la désinformation russe : un retour des guerres de l'information ? », relance en quelque sorte le débat. Si le titre fait penser à l’orientation très atlantiste de ce centre de recherche, la lecture attentive du contenu nous livre des informations intéressantes sur l’évolution du mode d’action américain et les difficultés actuelles que rencontrent les États-Unis pour mieux structurer leur guerre de l’information par le contenu pour contrer la Russie : 

« Alors qu’à Washington l’atmosphère n’est pas sans rappeler les grandes heures du maccarthysme, les réponses officielles des nouveaux « combattants de la désinformation » (warriors of disinformation) semblent vouloir s’inspirer de l’expérience de guerre froide. En effet, pour faire face à l’ensemble des stratégies de l’influence russe (médiatiques et cyber), l’ex-directeur du renseignement, James Clapper, soutenu par le directeur du Cyber Command, l’amiral Mike Rogers, appelait dès janvier 2017 à ressusciter « la machine de l’information »de guerre froide, l’USIA (United States Information Agency) en la mettant « sous stéroïdes », ajoutant à la confusion entre diplomatie d’influence et contre-propagande. » 

Ce que ne précise pas Maud Quessard, c’est le bilan du demi-siècle écoulé. Les États-Unis ont subi un grave revers dans leur crédibilité à se présenter comme la puissance porteuse de la mis en place ders démocraties au niveau mondial. Les échecs successifs d’instauration de la démocratie sur les théâtres d’opération afghan, irakien, syrien et libyen privent Washington de la crédibilité dans l’argumentation centrale que ce pays développe depuis des années pour asseoir son influence au niveau mondial. La Russie n’est pas à l’origine de ces différents échecs. C’est la matrice cognitive américaine qui est en cause dans la mesure où la stratégie extérieure des États-Unis a de plus en plus de difficultés à masquer son agressivité derrière un discours évangélisateur fondé sur la démocratie et la recherche de la paix dans le monde. 

 

F. Bouyoucef