La manière dont l'Allemagne s'est dotée d'une agriculture compétitive



 

Alors que l’Allemagne est traditionnellement distinguée pour son modèle économique industriel, très tôt spécialisé dans une production de qualité ou de haut de gamme, source d’excédents commerciaux structurels et pérennes, elle a également su se doter d’une agriculture performante, au point désormais de supplanter la France dans la hiérarchie des pays exportateurs de produits agricoles.

Dans un ouvrage très détaillé sur la mutation en cours en Allemagne, Wissmann * résume ainsi la problématique :

"Si l’écosystème économique allemand d’après-guerre (corporatisme, formation professionnelle, partenariat social, liens entre les banques et l’entreprise) a été forgé au sein du secteur industriel et en fonction de ses besoins spécifiques, l’agriculture n’en a pas moins bénéficié de politiques volontaristes favorisant sa compétitivité sur les marchés internationaux. Depuis la réunification de 1989, les Allemands ont investi des milliards d’euros dans leur appareil agro-industriel. De l’argent qui sort en grande partie de leurs finances, mais aussi de la poche de Bruxelles ".

L'objectif était d'abord politique. Il fallait éviter que le décalage entre la RFA et la RDA n'aboutisse à un schisme entre les deux peuples séparés par les aléas de l'après-guerre et de la guerre froide. Le pouvoir politique ouest-allemand a donc décidé de faire de l'ancienne agriculture collectiviste de la RDA une économie agricole low cost, compétitive au niveau mondial. Cet enjeu était d'autant plus important que les autorités de Bonn savaient que l'industrie socialiste est-allemande ne pouvait pas être reconfigurée efficacement, compte tenu des pesanteurs du système antérieur. Les groupes industriels allemands préféraient délocaliser Pologne pour trouver de la main d’œuvre pas chère dont les salaires n'étaient pas ajustés mécaniquement sur ceux de l'Ouest. Ce choix politique a eu des effets économiques indéniables. Si l'agriculture allemande ne représente qu'un 1% PIB et 1,39% de la population active de ce pays en 2016, elle est un succès en termes de choix stratégique pour éviter que la réunification ne devienne un facteur de déséquilibre aux conséquences incalculables sur le plan politique et sociologique.
* cf. Hans Stark et Nele Wissmann, L’Allemagne change, risques et défis d’une mutation,  Presses Universitaires du Septentrion, 2015, p 255.

 

Dossier réalisé par Erika Dragone, Younès Faqir, Isabelle Klein


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