Le 4 mai 2017, un navire transportant 55000 tonnes de phosphate marocain d’une valeur de 7.2 millions d’euros à destination de la Nouvelle Zélande a été arraisonné au port Elizabeth en Afrique du Sud à la demande du Front Polisario. Deux semaines plus tard, le navire Danois Ultra Innovation destiné à la société Canadienne Agrium a été également saisie au Panama.
La cour panaméenne, deux semaines après, s’est déclarée incompétente pour traiter un sujet dont la nature est éminemment politique. En revanche le verdict de la Haute Cour d’Afrique du Sud a confirmé que le propriétaire de la cargaison de phosphate a bord du navire arrêté est « le gouvernement sahraoui » et non pas l’office chérifien de phosphate (OCP), qui, selon les autorités sud-africaines, n’était pas autorisé à vendre la cargaison.
Le groupe OCP à contesté cette décision et a indiqué que cette dernière interfère dangereusement dans le processus international en cours sous l’égide du Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors que la cour panaméenne avait statué le 05 juin 2017 sur son absence de compétence juridictionnelle à entendre le dossier sur le fond.
Essayons donc de comprendre les enjeux cachés et les dessous de cette guerre menée contre le phosphate Marocain, quelles sont les parties-prenantes de ces attaques contre le royaume chérifien, leurs mode opératoire, leurs moyens de communication et leurs financements …
Une guerre de propagande qui vise principalement le Maroc
Dès la signature des accords de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario en 1991, plusieurs « ONG » ont été créées dans le but de mener une guerre de propagande contre le Maroc et son intégrité territoriale. Des ONG qui s’expriment en faveur des droits de l’homme et du respect des droits humanitaires, alors que plusieurs éléments démontrent que pour certaines de ces organisations le constat est à relativiser.
Parmi ces ONG, le Stottekomiteen for Veest-Sahara (SKVS), fondée à Oslo en 1993 par son président Erik Hagen. Cette ONG a comme objectif principal la détérioration de l’image du Maroc sur tous les fronts, institutionnels (ONU, UE) et géoéconomique (Phosphate, pétrole, pêche …) à travers des confrontations face à toutes les entreprises qui concluent des accords commerciaux avec le Maroc dans les régions du Sahara.
SKVS publie ses résultats sur les pages web de Western Sahara Ressource Watch (WSRW), qui se présente comme étant une coalision non gouvernementale internationale d’organismes et d’individus travaillant pour la protection des ressources naturelles du Sahara Occidental.
Cette ONG a été créée également par Erik Hagen et dirigée par Sara EYCKMANS.
Ces deux ONG et bien d’autres (SWS, Sahara-Update …) mènent une véritable guerre d’information contre le Maroc et ces richesses (phosphate, pêche…) à travers une stratégie de perturbation, afin de paralyser progressivement sa volonté et ses capacités de contrôle, Elle tente d’influencer également le grand public dans le but de renverser l’opinion et discréditer l’image du Royaume.
Le mode opératoire de ces groupes consiste à occuper le maximum d’espaces médiatiques, afin de faire pression sur les entreprises et compagnies étrangères opérant dans le Sahara.
Ce type de stratégie d’influence n’est pas sans conséquences comme l’indique la saisie en 2017 de deux navires de phosphate marocain, ainsi que le retrait de Kosmos Energie (compagnie de pétrole américaine) et de Capricorn Exploration and development des permis de Boujdour maritimé (au Sahara Marocain) (voir communiqué de presse de l’ONHYM).
Parmi les principales raisons de ce retrait, l’exclusion de ces deux entreprises par Norges Bank de ses portefeuilles dû à leur prospection pétrolière au ‘’Sahara Occidental’’. Ceci est arrivé après une véritable guerre d’informations pilotée par ces ONG à travers la publication des rapports, des réunions avec des fonds de pension, des banques, et d’autres investisseurs institutionnels dans de nombreux pays, contre les intérêts économique du Maroc.
Ce mode opératoire se traduit par ce qu’on appelle la diplomatie publique ainsi que la diplomatie d’influence en adoptant deux types « d’infostratégies » :
- Les stratégies d’amplification, qui visent à convaincre et influencer l’opinion publique et les institutions internationales à propos du dossier « Sahara », à travers la propagation aussi large que possible de leurs messages, avec l’objectif de ruiner l’image du Maroc, son capital de confiance et d’attraction, Surtout après son retour en puissance auprès de l’Union Africaine et son succès économique au sein du continent.
- Les stratégies de perturbation, qui consistent à déclarer une guerre économique contre le Maroc en visant trois secteurs, le phosphate, la pêche, et l’industrie pétrolière, afin d’affaiblir et freiner sa croissance économique sur le continent africain ainsi que d’empêcher les entreprises étrangères d’investir ou d’exploiter les ressources naturelles du Sahara.
L'implication de la Norvège
Les ONG SKVS, WRSW, SWS, Sahara-Update « militent » pour l’indépendance du ‘’peuple sahraoui’’, et se déclarent comme étant des organisations indépendantes et non gouvernementales. Cependant leur mode opératoire et leur stratégie de communication posent la question sur leurs financements et leurs sources de revenus afin de bien comprendre leurs feuilles de routes stratégiques …
SKVS mène des campagnes internationales de dénigrement contre le Maroc à travers des thèmes qui tournent autour des sujets qui se trouvent un écho facile comme les droits humanitaires et l’exploitation des ressources naturelles du ’’ peuple Sahraoui’’. Cette ONG est financée par NORAD (Agence Norvégienne pour la coopération au développement) par des contrats de trois ans renouvelables d’environ 150000 €/ an. Il s’agit en fait d’une agence relevant du ministère norvégien des Affaires Etrangères.
Sahara-Update : Créée et dirigée par Erik Hagen, elle représente le support officiel des informations internationales sur le Sahara. Cette ONG est également sponsorisée par le Ministère des affaires étrangères Norvégien.
WSRW : Créée également par Erik Hagen, elle vise principalement les entreprises étrangères ayants des liens commerciaux et économiques avec les régions du Sahara, son angle d’attaque est donc géoéconomique. Cette ONG est financée par MEDICO (615000 €/an) et basée à Francfort. Elle reçoit plus de 5 000 000 € de subventions des instituts publiques (non connus).
WSRW est sponsorisée également par Industri Energi, 1er syndicat norvégien pour les employés des industries pétrolières et gazières, ainsi que le plus grand syndicat de STATOIL relié à l’industrie de l’énergie. Il est intéressant de noter que STATOIL (multinationale norvégienne en industrie pétrolière) est la plus grande société pétrolière en Algérie (le Maroc considère l’Algérie comme acteur réel de ce conflit) et partenaire officiel de SONATRACH (entreprise publique algérienne et acteur majeur de l’industrie pétrolière en Algérie).
Ces ONG ont parfaitement réussi à déplacer le problème géopolitique entre le Maroc et le Polisario sur l’échiquier humanitaire. L’implication directe du gouvernement et d’entreprises norvégiennes de l’énergie dont certaines sont en contrat avec l’Algérie soulève bien des interrogations sur la finalité réelle de la cause humanitaire défendue par ces ONG. La Norvège qui se prétend un pays neutre et exemplaire sur les questions humanitaires joue à ce propos un rôle plutôt trouble qu’il est difficile de dissocier des intérêts économique qui la lie avec l’Algérie (sponsor Officiel du Front Polisario selon le Maroc) ?
L'enjeu stratégique du phosphate
Pour comprendre également le dessous des cartes de cette guerre d’information, il s’avère utile de rappeler à quoi sert le phosphate dans l’économie mondiale, qui sont les pays exportateurs ainsi que l’évaluation actuelle des réserves mondiales.
Le phosphate représente le composant le plus nécessaire des engrais synthétiques. Sans phosphate, l’humanité ne pourrait pas s’alimenter. La sécurité alimentaire mondiale dépend donc pour l’instant de la production du phosphate.
En 2018, le Maroc est le 2eme producteur mondial de phosphate après la Chine. Il possède 75% de toutes les réserves de roche de phosphate dans le monde. Le Maroc est donc le seul pays ayant suffisamment de réserves pour alimenter le marché mondial.
10% du revenu de phosphate marocain viennent du Sahara (mine de Boukraa), faisant de cette région une des plus grandes réserves de roches de phosphate dans le monde.
La dynamique de ce marché pourrait être compromise significativement en raison du conflit au Sahara. L’indépendance de ce dernier réduira la part du marché marocain et également sa capacité à contrôler le prix de cette matière première.
L’évolution du régime alimentaire mondial est en plein bouleversement. La demande du phosphate augmentera dans les prochaines décennies, générant une véritable guerre commerciale indirecte sur le marché des engrais. Dans l’état actuel du débat, force est de constater que nous sommes loin du compte d’une présentation réaliste des enjeux multidimensionnels sur l’enjeu du marché du phosphate dans cette partie du monde. Pour tenter de comprendre le positionnement des différentes parties prenantes, il est impossible de dissocier les éléments suivants :
- La question géopolitique qui oppose le Maroc et l’Algérie sur le « Sahara occidental »
- Les liens économiques cachés entre les pays qui cherchent à tirer profit de ce marché juteux. La relation que la Norvège entretient avec l’Algérie remet en cause la prise de position humanitaire que ce pays veut afficher sur la scène internationale dans les conflits sud-sud.
- Le rôle pour le moins ambigüe des ONG qui défendent les intérêts humanitaires du peuple sahraoui.
Chaker Anass