L'effet d'annonce autour du code minier africain

  

 

Les pays africains sont, pour la plupart, très riches en ressources. La RDC est symptomatique, le président Kabila utilise tous les moyens pour conserver le pouvoir. Notamment, un outil bien connu en communication politique, l’effet d’annonce. Plus particulièrement, sur la réforme du code minier, texte fondamental pour qui veut garder la main mise sur la manne financière des ressources. 

Le code minier est le texte de loi qui régit les règles d’exploitation des ressources du sous-sol d’un pays. Ce texte législatif décrit notamment les conditions de remise en état des mines, le respect de règles de sécurité, plus généralement la responsabilité sociétale des entreprises exploitantes. Enfin, il présente aussi les règles de taxation des entreprises, donc les rentrées fiscales d’un pays. 

En 2009, l’Union Africaine (UA), a adopté le projet « Afrique Extraction Minière », « l’African Mining Vision » (AMV), cadre législatif pour « permettre aux pays africains de retirer plus de profits de leurs ressources minières». Ce cadre a été adopté par les dirigeants africains membres de l’UA en 2011. 

Avec la mise en application de ce texte, nous assistons à un changement de paradigme. L’Afrique n’est plus le continent victime de la malédiction des « matières premières ». 

La Zambie, le Ghana ou la Guinée font partie des pays précurseurs et ont valeur d’exemples au sein de l’Union Africaine. Cette volonté de réforme des textes législatifs africains est supportée par de nombreux pays et ONG réunis au sein de « l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives » (ITIE) qui regroupe 16 pays, 9 ONG et 90 entreprises. Cette association, dont le but social peut paraître louable face aux intérêts des africains, regroupe paradoxalement l’ensemble des principaux acteurs des filières extractives : nous pouvons noter les « 7 sœurs » de l’industrie pétrolière, Rio Tinto, Glencore, Areva… 

Nous imaginons mal ces entreprises mettre en place un cadre législatif contraignant pour leur industrie respective. Ainsi, les directives de l’ITIE ne parlent pas des règles d’attribution des permis d’exploitation. 

Le cas symptomatique de la République Démocratique du Congo (RDC) 


Lors de la mise en place de l’AMV, la République Démocratique du Congo a été mise en exergue. Le comité d’experts a donné comme exemple que sur « 61 transactions minières, 22 auraient dû être annulées et 39 renégociées ». 

Dont acte ! Nous comprenons donc facilement l’importance de ce code pour un pays, notamment africain. Le texte de l’AMV pointe du doigt la RDC sur une question éminemment stratégique pour ses revenus et la pauvreté paradoxale de la population congolaise. En effet,  la RDC est un pays très riche en ressources naturelles mais sa population est l’une des plus pauvres du monde : 71% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour. C’est aussi l’un des pays où la corruption est endémique. 

Le président Joseph Kabila a été élu en 2006 puis réélu en 2011. Il a succédé à son père, Laurent Désiré Kabila, mort assassiné. 

Au fil de l’actualité, nous notons quelques informations marquantes qui permettent de décrypter l’importance de « l’effet d’annonce » dans la stratégie du président Kabila et de son gouvernement et qui donne l’apparence de lutter contre les intérêts financiers des grands acteurs privés de l’économie des matières premières. 

Le 11 février 2016, le gouvernement de la RDC annonce qu’il ne changera pas son Code Minier. Sachant que l’Etat Congolais ne perçoit alors que 2% de taxe, alors que la Zambie en perçoit 6%. Le code minier qui date de 2002 était jugé trop favorable aux industriels. 

Le 4 juin 2016, le premier ministre de la RDC, M. Mapon Matata Ponyo remet en cause la gestion de la Gecamines (Générale des Carrières et des Mines, société de l’Etat congolais qui exploite divers minerais notamment le Cuivre et le Cobalt) et son déficit de gouvernance. 

Le 10 septembre 2016, M. Albert Yuma Mulimbi, président de la Gécamines annonce la reprise en main du secteur minier. Information importante : M. Yuma est aussi président de la FEC (Fédération des Entreprises du Congo). 

Le 20 décembre 2016, fin du deuxième mandat du président Kabila avec impossibilité constitutionnelle de se représenter. 

Il faut aussi remarquer le jeu d’influence de la Fondation Carter (fondation dont le but  est la défense des droits humains et la résolution des conflits) qui se base sur les données fournies par l’ITIE et démontre le rôle de bailleur de fonds de la Gécamines lors des différentes élections présidentielles. La fondation Carter présente entre autres, comme argument la position de la FEC en 2013 qui n’était alors pas favorable à la révision (la FEC et la Gécamines ont la direction !). 

Le 23 novembre 2017, la Gécamines, société d’Etat, a publiée un communiqué de presse pour dénoncer les travers du « rapport Carter ». Jeu classique de l’effet et du contre-effet d’annonce ! 

Ce « rapport Carter » devient ainsi un argument pour réformer le code minier et permettre au président Kabila de réfuter les accusations de l’ONG Globalwitness à propos de « Régime Cash Machine ». 

En outre, depuis les « paradise papers », nous savons que la société Glencore, l’un des plus grands acteurs miniers du pays et membre de l’ITIE, est aussi partie prenante dans l’entretien de la corruption. L’ITIE ne serait donc qu’une vaste opération de « Green washing » mise en place pour essayer de sauver la réputation d’entreprises corruptrices et d’Etats faillis. 

En janvier 2018, l’Assemblée Nationale congolaise a entériné le nouveau code minier en relevant la taxe sur les minerais stratégiques à 10% et en instituant une taxe de 50% sur les profits supérieurs à 25% selon le business plan élaboré au démarrage de la mine. Nous noterons la rapidité de la mise en œuvre de ce texte par le gouvernement de la RDC, contrainte par le calendrier de l’ITIE et l’échéance de nouvelles élections annoncées pour décembre 2018. 

Le 15 mars 2018, les principaux acteurs miniers quittent la FEC pour protester contre son président M. Yuma Mulimbi et dans le même temps, ils obtiennent du président Kabila la possibilité de pouvoir négocier au cas par cas. Le président réaffirme ainsi son pouvoir messianique, là encore par un effet d’annonce. 

Le 30 mars 2018, le nouveau Code Minier est promulgué avec 15 jours de retard sur les délais constitutionnels, et impose 10% de taxe. Dans le même temps, l’Agence Reuters annonce un record d’impopularité pour le Président Kabila. Et pour l’année 2017 une augmentation de 36% des recettes d’exportation  des matières premières de la RDC due au fort redressement des cours mondiaux. 

Nous mesurons ici la période d’opportunité que représente cette réforme des textes législatifs pour la RDC. Il faut aussi retenir que tous les acteurs sont des proches dévoués à la gloire du président. 

De l'importance de l'effet d'annonce...


Nous avons ici un président manichéen et insaisissable, toujours en exercice bien qu’il soit sans mandat électif et dans l’impossibilité constitutionnelle (art 220) de se présenter. 

Une société publique surendettée, bailleuse de fonds des campagnes politiques depuis les années 60, qui tient entre ses mains une grande partie des bénéfices du pays. 

Un pays riche de ressources, dont la déstabilisation est entretenue par les différents acteurs politiques et une population vouée aux gémonies et à la plus grande indigence. 

Des organisations supranationales, dépassées par les enjeux financiers et économiques mondiaux, qui essaient d’apporter quelques solutions pour que les dirigeants de ce pays maudit, dont l’instabilité est entretenue, daignent au minimorum donner l’apparence de quelques engagements de transparence financière bien futiles. 

Et finalement un pouvoir politique qui ne tient que parce qu’il a annoncé la réforme d’un texte législatif pour donner l’apparence de conformité aux standards internationaux et ainsi sauver la face aux yeux d’un monde qui a temps besoin de ces ressources. 

Il reste encore à  s’interroger sur la constitutionnalité de ce texte puisqu’il a été promulgué par un chef d’Etat sans mandat électif à la tête d’un pays dont l’avenir paraît bien sombre

 

Alban Brisset