La polémique rampante sur la suppression du papier monnaie

L'essor phénoménal des paiements électroniques est incontestable mais n’est-il pas utopique de penser que les populations parviennent à se détacher de l'argent liquide.

Phénomène en Chine (plus d'1,3 milliard d'habitants), la solution de paiement mobile compte plus de 450 millions d'utilisateurs actifs. Le paiement mobile prend une place primordiale dans les habitudes des chinois, au détriment des transactions en cash qui ne cessent de décroître. Désormais, pour régler leurs achats, les clients scannent avec leur téléphone le QR code (sorte de code-barres relié a une application) du commerçant. Cependant, ce système n'est pas à l'abri des critiques concernant la sécurité des transactions. En effet, des individus mal intentionnés sont capables de falsifier les QR codes et ainsi de voler les données d'utilisateurs afin d’accéder à leur compte en banque.

 

Des innovations contradictoires

Les pays occidentaux utilisent principalement une technologie dite sans contact grâce à la puce NFC des téléphones. Ce système n’est pas inviolable si les Smartphones et les cartes bancaires ne sont pas protégés par des coques en aluminium anti-piratage, objets prisés par les geeks. Ces coques blindées empêchent la captation frauduleuse, au moyen d’un simple smart phone, de votre code d’émission en principe sécurisé.

En Europe, la Suède est en passe de s’imposer comme la première nation au monde sans argent liquide. La banque centrale suédoise a annoncé, en novembre 2016, qu'elle réfléchissait à la mise en place d’une monnaie nationale numérique, l’e-couronne. D'autres pays comme Singapour, la Chine, la Russie ou les pays Baltes réfléchissent à l'idée de lancer une version digitale ou électronique de leur monnaie.

Presque partout dans le monde, « le cash est roi » et fait de la résistance face aux assauts de la carte bancaire, du virement par Internet ou mobile, du sans-contact, voire des monnaies virtuelles comme le Bitcoin. Il est encore utilisé dans 85 % des transactions (en volume) selon une étude mondiale de MasterCard. Dans l'hexagone, même si la carte est le moyen de paiement préféré des Français, plus des deux tiers des opérations seraient effectués en argent liquide.

Un constat oblige à réaliser que les banques détestent l’usage des billets. Cette relique de l’antiquité les oblige à utiliser des distributeurs bancaires couteux, à les entretenir, à faire appel à des sociétés de transport de fonds pour les alimenter avec les risques inhérents, à conserver du personnel pour effectuer la comptabilité et trier les billets. Bref, les nouvelles technologies offrent aux banques des moyens d’économiser avec la suppression des billets de banque. Par ailleurs, sauf quelques enseignes bancaires en ligne, chacun paie pour disposer d’une carte bancaire sauf les clients des néo-banques qui émergent progressivement dans le paysage de la finance.

 

Le monde démonétisé en marche

Il semblerait que l’argent liquide n’ait plus d’intérêt pour les jeunes générations élevés dans l’ère du virtuel. A contrario, les générations qui ont déjà eu beaucoup de difficultés à s’adapter au passage à l’euro en 2001, craignent beaucoup de subir un nouveau choc existentiel. Elles sont plutôt réfractaires à l’économie virtuelle et les récentes cyber-attaques ne les rassurent pas. De plus en plus de porte-voix se font entendre en brandissant l’étendard de la liberté. Ceux-là nous annoncent régulièrement que la suppression des billets de banque serait une restriction supplémentaire de notre liberté. Ce serait aussi une forme de totalitarisme rampant destiné à accroître le contrôle de l’État sur les citoyens. Et de préciser que chacun devrait pouvoir être libre de pouvoir disposer de son argent á sa guise, la plupart du temps fruit de son travail ou résultat d’une vie d’économies !

Autre argument, les cartes bancaires présentent des inconvénients. Toutes les opérations deviennent traçables. Même si le consommateur n’a rien à cacher, il peut souhaiter la discrétion sur certains achats. Pour des raisons officiellement sécuritaires, liées au financement du terrorisme et du contrôle du blanchiment d’argent, les Etats se permettent des méthodes de plus en plus intrusives dans le quotidien des citoyens. Les publications récentes des Paradise Papers démontrent que les plus fortunés ne sont pas les plus gênés pour trouver des arrangements afin d’optimiser leur fiscalité.

Si le cash est supprimé, chacun est forcé de faire aveuglément confiance aux banques. En France, elles sont souvent considérées comme la courroie de transmission plus ou moins contrainte du fisc. La France n’est pas la Suisse et le secret bancaire n’y existe pas. Les Suisses n'ont pas oublié qu'UBS a failli disparaître en 2008 et qu'il valait mieux avoir de l'argent liquide pour ne pas voir ses comptes bloqués.

La hausse des masses monétaires répond à la demande car les Suisses aiment les espèces sonnantes et trébuchantes durant les périodes troublées. En 2017, le niveau des liquidités y est supérieur de 12% à ce qu'il était à la fin des années 70. Tous les défenseurs de la monnaie fiduciaire tiennent aux billets de banque pour les mêmes raisons que les Suisses. Un conseiller d’Angela Merkel, la chancelière allemande a déclaré : « Il y a en effet beaucoup d'avantages. Les paiements sont simples et définitifs tout de suite. Pas de crainte non plus d'une erreur technique et ils permettent un meilleur contrôle. Sans oublier un anonymat certain et une grande protection des droits car ils permettent de payer sans pouvoir être contrôlé ».

Certains pays ont déjà entamé une politique de suppression de grosses coupures. La FED a aboli le billet de 500 USD, tandis que Singapour retire graduellement sa coupure de 10000 SGD, qui n’est plus imprimé. D’autres se sont engagés dans la voie de la limitation des paiements en espèces. En France, depuis le 1er septembre 2015, il n’est plus possible de payer en liquide toute facture de plus de 1 000 euros (3 000 euros auparavant).

 

Exode des amateurs de gros billets

Les amateurs de gros billets peuvent s’installer au Vietnam et garnir leur portefeuille de coupures de 500.000 Dong (moins de 20 euros). Pour 40 Euros vous êtes millionnaire.

On n’imagine pas à court terme la suppression du Dong, du Bath, du Kip, du Dinar, du Peso, de la Roupie. D’ailleurs on note dans certains de ces pays, un engouement grandissant des investisseurs occidentaux mais pas seulement, dans le secteur de la construction et de l’hôtellerie. Comme les machines à laver, ces pays sont équipés de programmes de rinçages très performants. En échange de contreparties pour les dirigeants de quelques Etats, rarement pour les citoyens, les financiers ont la garantie d’un système hermétique, parfois communiste, qui les protège de l’ingérence des fonctionnaires de leurs pays d’origine.

La suppression de la monnaie en Europe risque de favoriser de nouvelles formes de blanchiment d’argent dans le reste du monde. Les migrations de retraités vont aussi se poursuivre tant que ces derniers pourront partir avec leurs économies en billets de banques.

 

Gilles Glad