L’arsenal de guerre informationnelle des laboratoires contre les médicaments génériques
Les laboratoires pharmaceutiques mènent une guerre informationnelle sans merci contre la « générication » de leurs molécules, lourde de conséquences économiques.
En 2017, l’objectif de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) renouvelé au titre 2018, était d’économiser 1,3 milliards d’euros grâce aux génériques (chiffre en constante augmentation depuis la mise en place du répertoire des génériques en 1998).
La générication entraine mécaniquement des pertes de chiffre d’affaires pour les laboratoires. Leur intérêt commercial qui n’est pas en phase avec l’intérêt général, ne peut être défendu frontalement. Dès lors les techniques de guerre de l’information utilisées se concentrent sur différents champs d’intervention tels que le champ réglementaire, le champ économique et social voire des actions de dénigrement (les exposant si elles sont découvertes à des sanctions). On constate que l’ensemble des acteurs de la filière pharmaceutique se mobilise pour freiner cette généralisation des médicaments génériques.
Un cas emblématique : le paracétamol
Le paracétamol est une molécule qui a été synthétisée en 1878 et commercialisée comme médicament dès les années 30. Cette molécule « ancienne » est ainsi tombée dans le domaine public depuis bien longtemps et son inscription sur le répertoire des génériques n’est toujours pas effective.
Le Doliprane, médicament phare de Sanofi (depuis le rachat de Novartis en 2004) dont la marque est utilisée dans le langage courant pour parler du paracétamol, est leader sur le marché avec 50% de parts de marché. A ses côtés, l’Efferalgan et le Dafalgan détiennent 37% de parts de marché. Pour défendre sa position, le laboratoire a mis en œuvre un ensemble de techniques informationnelles afin de retarder l’installation des génériques.
L'absence d'un dépôt de brevet spécifique n’a pas permis à l’AFSSAPS Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, ancêtre de l’Agence Nationale Sécurité du Médicament d’identifier le médicament princeps (produit pharmaceutique initialement commercialisé sous une marque commerciale) alors même que la molécule a été découverte il y a plus d’un siècle. Par conséquent, cela son inscription au répertoiredes génériques a été bloquée. En 2003, une mesure a été intégrée dans la Loi de Financement de la Sécurité Sociale afin de lever ce frein, et ainsi rendre possible l’inscrire au répertoire des médicaments dont la molécule n’a pas fait l’objet d’un brevet initial.
Dès lors, la bataille est portée dans le domaine économique et social via une question écrite en 2002 du Sénateur Maire de Lisieux (lieu d’implantation de l’usine de fabrication du doliprane) sur les conséquences sur l’emploi dans sa circonscription de l’inscription au répertoire des génétiques, sans chiffrer la baisse supposée de la vente du Doliprane. Le Ministre semble écarter la possibilité de ne pas inscrire le paracétamol au répertoire des génériques en raison des dispositions légales en vigueur, tout en précisant que : « toutes les précautions seront prises, en concertation avec les entreprises concernées, pour concilier les exigences de nécessaire maîtrise des dépenses d'assurance maladie avec ces préoccupations ».
Fin 2002, l’AFSSAPS a établi un projet de liste de médicaments à inscrire au répertoire des génériques où apparaissent le Doliprane et ses concurrents mais l’inscription n’est pas réalisée. En revanche, le prix du Doliprane connaît deux baisses consécutives, de 1,19€ à 1,00 € en septembre 2003 et à 0,86 € en février 2004. On comprend qu’une négociation a eu lieu répondant à la fois aux exigences du financement du système de santé et aux intérêts de Novartis.
Aucune nouvelle tentative d’inscription ne sera entreprise jusqu’en 2013, date à laquelle l’Autorité de la concurrence dit s’être « interrogée […], sur l’absence de création de groupes génériques portant sur les spécialités à base de paracétamol ». Cette même autorité avait en juillet de la même année appelé ANSM à procéder à l’inscription du paracétamol au répertoire des génériques. La Mutualité Française estimait alors, en juin, le surcoût de cette absence d’inscription à 41 millions d’euros par an.
L’étau se resserre. Les laboratoires ajoutent la mobilisation du personnel. Les salariés de Sanofi manifestent contre le risque de perte d’emplois. Les syndicats sont intégrés dans le dispositif : la CFDT s’exprime dans les termes suivants : "La maîtrise des frais de santé est nécessaire, mais la lutte contre le chômage est tout aussi importante", et a CFE-CGC écrit au Premier ministre afin de demander un moratoire sur cette inscription afin de sauvegarder les emplois. Plus inhabituel est la reprise de l’argument socio-économique par les visiteurs médicaux du laboratoire auprès des médecins afin de les inciter à ne pas prescrire le générique (selon un article de Challenges).
Le Directeur général du LEEM (fédération des industries pharmaceutiques alors présidée par le PDG de Sanofi France) indique que l’industrie pharmaceutique est en crise et que la « générication » fait peser une pression à la baisse sur les coûts de production. Selon lui, les génériques produits à l’étranger font peser un risque en matière de sécurité des médicaments.
Dans le même temps, le PDG de Sanofi menace de délocaliser les emplois au motif que sa filiale Zentiva est capable de produire les génériques en Inde. Face à l’indécision et confiant dans l’avantage compétitif que confère la marque Doliprane, il en vient à proposer que le paracétamol ne soit plus remboursé par la sécurité sociale offrant ainsi une économie de 276 millions d’euros par an, rien que pour le Doliprane cinquième médicament le plus remboursé en France. Ceci permettrait de rentrer dans un marché qui ne serait plus administré et donc d’augmenter le prix année après année.
L’affaire se solde à nouveau en 2014 par une baisse du prix, la contrepartie au report de l’inscription du paracétamol au registre des génériques au prétexte que les laboratoires ont besoin de temps pour s’adapter à la concurrence à venir. Le prix du générique et celui du Doliprane sont désormais si proches qu’une inscription au répertoire devient de moins en moins nécessaire pour juguler les dépenses de la sécurité sociale, en effet, le prix d’un générique est en moyenne 30% inférieur à celui du médicament princeps, dans le cas présent, la différence est de 5 centimes pour un prix de 1,95€.
Doliprane reste aujourd’hui le leader incontesté avec 60% de parts de marché en 2016 avec 336 millions de boîtes vendues en France.
Une attaque systématique sur l’image des génériques
De nombreux rapports paraissent entre juin et décembre 2012 soulignant l’importance de soutenir la vente de génériques pour l’accès à la santé de tous les français à un prix maîtrisé. Dès lors les laboratoires attaquent l’image du générique.
En 2012, un rapport de l’Académie de Médecine sur les médicaments génériques est dénoncé par le Gemme, Fédération des industries du générique, comme étant un rapport inexact et mal documenté qui va à l’encontre des avis scientifiques européen. On peut y lire que le prix des génériques inférieur à celui du médicament princeps, « permet, en principe, de diminuer les dépenses de santé » ou encore que les génériques « ont été à l’origine de nombreuses controverses portant sur leur efficacité et leur tolérance. Leur rôle dans les difficultés économiques que les industriels du médicament doivent affronter actuellement en France a été évoqué ». La conclusion est un plaidoyer en faveur de l’industrie pharmaceutique qui étrangement ne relève pas du débat de santé mais se base sur le terrain économique : « Cette recherche du moindre coût et les critiques portées par les médias contribuent aux difficultés économiques des firmes pharmaceutiques nationales avec délocalisation des unités de production ».
Ces arguments ont semble-t-il fait écho dans la communauté médicale puisque cette année-là, une enquête Ipsos révélait que 75% des malades pensaient que les génériques respectaient les mêmes exigences que les médicaments d'origine, contre 43% des médecins.
En octobre de la même année, le LEEM organise un colloque intitulé « Médicament : La France veut-elle rester une terre de production industrielle ? ». Dans les actes de ce colloque les génériques sont présentés comme responsables pour partie des déboires de l’industrie pharmaceutique française parce qu’ils ne sont pas produits en France. Des contraintes légales sont par ailleurs mises en avant pour expliquer l’attrition de la production et des capacités d’innovation en France.
La stratégie d’attaque va parfois trop loin. Ainsi, Sanofi a été condamnée à une amende de 40 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence en mai 2013 pour des pratiques de dénigrement à l’encontre des génériques du Plavix.
Le 20 décembre 2017, Johnson et Johnson a été condamnée par l’autorité de la concurrence à 25 M€ d’amende pour avoir empêché puis limité le développement des médicaments génériques du Durogesic. En effet, l’Autorité a découvert qu’en 2005 lors des réunions ouvertement appelées « Team ANTI-Génériques Durogesic® », J&J a élaboré une campagne de lobbying auprès de l’AFSSAPS pour faire en sorte que le générique de Durogesic ne soit pas mis sur le marché doublé d’une campagne de dénigrement relayée par ses visiteurs médicaux.
Un combat asymétrique entre les laboratoires et les génériqueurs
Entre risque sanitaire et risque social dues à des délocalisations, les médicaments génériques pâtissent d’une mauvaise réputation qui en freine leur vente en France. Les conséquences sur le financement du système de santé Français est un sujet soigneusement évité ou tout du moins minimisé, et la bataille des industriels du générique contre les laboratoires pharmaceutiques demeure inégale.
Un rapport de l’IGAS indique que les techniques de lobbying utilisées par les laboratoires pharmaceutiques à l’encontre des génériques ont pour principales cibles les médecins depuis leur formation jusqu’à leur information par les visiteurs médicaux afin de les inciter à inscrire la mention « non substituable » sur les ordonnances pour éviter que le générique soit vendu en lieu et place du médicament princeps. Des leaders d’opinion relayent également ces messages auprès de leurs pairs.
Les industriels du générique quant à eux ciblent les pharmaciens d’officine et si la loi leur octroie la possibilité de verser des marges/arrière, l’absence d’obligation de délivrance d’un générique rend l’incitation à vendre des génériques assez peu efficace. On peut également penser qu’un patient aura tendance à se ranger à l’avis du médecin contre celui du pharmacien. Sur le dossier du paracétamol, les représentants des pharmaciens restent d’ailleurs neutres.
Le Gemme qui ne réunit pas l’ensemble des génériqueurs (certains génériqueurs étant des filiales de grands laboratoires) mène un combat inégal puisque de nombreux acteurs institutionnels ont des intérêts communs avec les laboratoires qui défendent leur actif par tous les moyens.
Emmanuel François
En 2017, l’objectif de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) renouvelé au titre 2018, était d’économiser 1,3 milliards d’euros grâce aux génériques (chiffre en constante augmentation depuis la mise en place du répertoire des génériques en 1998).
La générication entraine mécaniquement des pertes de chiffre d’affaires pour les laboratoires. Leur intérêt commercial qui n’est pas en phase avec l’intérêt général, ne peut être défendu frontalement. Dès lors les techniques de guerre de l’information utilisées se concentrent sur différents champs d’intervention tels que le champ réglementaire, le champ économique et social voire des actions de dénigrement (les exposant si elles sont découvertes à des sanctions). On constate que l’ensemble des acteurs de la filière pharmaceutique se mobilise pour freiner cette généralisation des médicaments génériques.
Un cas emblématique : le paracétamol
Le paracétamol est une molécule qui a été synthétisée en 1878 et commercialisée comme médicament dès les années 30. Cette molécule « ancienne » est ainsi tombée dans le domaine public depuis bien longtemps et son inscription sur le répertoire des génériques n’est toujours pas effective.
Le Doliprane, médicament phare de Sanofi (depuis le rachat de Novartis en 2004) dont la marque est utilisée dans le langage courant pour parler du paracétamol, est leader sur le marché avec 50% de parts de marché. A ses côtés, l’Efferalgan et le Dafalgan détiennent 37% de parts de marché. Pour défendre sa position, le laboratoire a mis en œuvre un ensemble de techniques informationnelles afin de retarder l’installation des génériques.
L'absence d'un dépôt de brevet spécifique n’a pas permis à l’AFSSAPS Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, ancêtre de l’Agence Nationale Sécurité du Médicament d’identifier le médicament princeps (produit pharmaceutique initialement commercialisé sous une marque commerciale) alors même que la molécule a été découverte il y a plus d’un siècle. Par conséquent, cela son inscription au répertoiredes génériques a été bloquée. En 2003, une mesure a été intégrée dans la Loi de Financement de la Sécurité Sociale afin de lever ce frein, et ainsi rendre possible l’inscrire au répertoire des médicaments dont la molécule n’a pas fait l’objet d’un brevet initial.
Dès lors, la bataille est portée dans le domaine économique et social via une question écrite en 2002 du Sénateur Maire de Lisieux (lieu d’implantation de l’usine de fabrication du doliprane) sur les conséquences sur l’emploi dans sa circonscription de l’inscription au répertoire des génétiques, sans chiffrer la baisse supposée de la vente du Doliprane. Le Ministre semble écarter la possibilité de ne pas inscrire le paracétamol au répertoire des génériques en raison des dispositions légales en vigueur, tout en précisant que : « toutes les précautions seront prises, en concertation avec les entreprises concernées, pour concilier les exigences de nécessaire maîtrise des dépenses d'assurance maladie avec ces préoccupations ».
Fin 2002, l’AFSSAPS a établi un projet de liste de médicaments à inscrire au répertoire des génériques où apparaissent le Doliprane et ses concurrents mais l’inscription n’est pas réalisée. En revanche, le prix du Doliprane connaît deux baisses consécutives, de 1,19€ à 1,00 € en septembre 2003 et à 0,86 € en février 2004. On comprend qu’une négociation a eu lieu répondant à la fois aux exigences du financement du système de santé et aux intérêts de Novartis.
Aucune nouvelle tentative d’inscription ne sera entreprise jusqu’en 2013, date à laquelle l’Autorité de la concurrence dit s’être « interrogée […], sur l’absence de création de groupes génériques portant sur les spécialités à base de paracétamol ». Cette même autorité avait en juillet de la même année appelé ANSM à procéder à l’inscription du paracétamol au répertoire des génériques. La Mutualité Française estimait alors, en juin, le surcoût de cette absence d’inscription à 41 millions d’euros par an.
L’étau se resserre. Les laboratoires ajoutent la mobilisation du personnel. Les salariés de Sanofi manifestent contre le risque de perte d’emplois. Les syndicats sont intégrés dans le dispositif : la CFDT s’exprime dans les termes suivants : "La maîtrise des frais de santé est nécessaire, mais la lutte contre le chômage est tout aussi importante", et a CFE-CGC écrit au Premier ministre afin de demander un moratoire sur cette inscription afin de sauvegarder les emplois. Plus inhabituel est la reprise de l’argument socio-économique par les visiteurs médicaux du laboratoire auprès des médecins afin de les inciter à ne pas prescrire le générique (selon un article de Challenges).
Le Directeur général du LEEM (fédération des industries pharmaceutiques alors présidée par le PDG de Sanofi France) indique que l’industrie pharmaceutique est en crise et que la « générication » fait peser une pression à la baisse sur les coûts de production. Selon lui, les génériques produits à l’étranger font peser un risque en matière de sécurité des médicaments.
Dans le même temps, le PDG de Sanofi menace de délocaliser les emplois au motif que sa filiale Zentiva est capable de produire les génériques en Inde. Face à l’indécision et confiant dans l’avantage compétitif que confère la marque Doliprane, il en vient à proposer que le paracétamol ne soit plus remboursé par la sécurité sociale offrant ainsi une économie de 276 millions d’euros par an, rien que pour le Doliprane cinquième médicament le plus remboursé en France. Ceci permettrait de rentrer dans un marché qui ne serait plus administré et donc d’augmenter le prix année après année.
L’affaire se solde à nouveau en 2014 par une baisse du prix, la contrepartie au report de l’inscription du paracétamol au registre des génériques au prétexte que les laboratoires ont besoin de temps pour s’adapter à la concurrence à venir. Le prix du générique et celui du Doliprane sont désormais si proches qu’une inscription au répertoire devient de moins en moins nécessaire pour juguler les dépenses de la sécurité sociale, en effet, le prix d’un générique est en moyenne 30% inférieur à celui du médicament princeps, dans le cas présent, la différence est de 5 centimes pour un prix de 1,95€.
Doliprane reste aujourd’hui le leader incontesté avec 60% de parts de marché en 2016 avec 336 millions de boîtes vendues en France.
Une attaque systématique sur l’image des génériques
De nombreux rapports paraissent entre juin et décembre 2012 soulignant l’importance de soutenir la vente de génériques pour l’accès à la santé de tous les français à un prix maîtrisé. Dès lors les laboratoires attaquent l’image du générique.
En 2012, un rapport de l’Académie de Médecine sur les médicaments génériques est dénoncé par le Gemme, Fédération des industries du générique, comme étant un rapport inexact et mal documenté qui va à l’encontre des avis scientifiques européen. On peut y lire que le prix des génériques inférieur à celui du médicament princeps, « permet, en principe, de diminuer les dépenses de santé » ou encore que les génériques « ont été à l’origine de nombreuses controverses portant sur leur efficacité et leur tolérance. Leur rôle dans les difficultés économiques que les industriels du médicament doivent affronter actuellement en France a été évoqué ». La conclusion est un plaidoyer en faveur de l’industrie pharmaceutique qui étrangement ne relève pas du débat de santé mais se base sur le terrain économique : « Cette recherche du moindre coût et les critiques portées par les médias contribuent aux difficultés économiques des firmes pharmaceutiques nationales avec délocalisation des unités de production ».
Ces arguments ont semble-t-il fait écho dans la communauté médicale puisque cette année-là, une enquête Ipsos révélait que 75% des malades pensaient que les génériques respectaient les mêmes exigences que les médicaments d'origine, contre 43% des médecins.
En octobre de la même année, le LEEM organise un colloque intitulé « Médicament : La France veut-elle rester une terre de production industrielle ? ». Dans les actes de ce colloque les génériques sont présentés comme responsables pour partie des déboires de l’industrie pharmaceutique française parce qu’ils ne sont pas produits en France. Des contraintes légales sont par ailleurs mises en avant pour expliquer l’attrition de la production et des capacités d’innovation en France.
La stratégie d’attaque va parfois trop loin. Ainsi, Sanofi a été condamnée à une amende de 40 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence en mai 2013 pour des pratiques de dénigrement à l’encontre des génériques du Plavix.
Le 20 décembre 2017, Johnson et Johnson a été condamnée par l’autorité de la concurrence à 25 M€ d’amende pour avoir empêché puis limité le développement des médicaments génériques du Durogesic. En effet, l’Autorité a découvert qu’en 2005 lors des réunions ouvertement appelées « Team ANTI-Génériques Durogesic® », J&J a élaboré une campagne de lobbying auprès de l’AFSSAPS pour faire en sorte que le générique de Durogesic ne soit pas mis sur le marché doublé d’une campagne de dénigrement relayée par ses visiteurs médicaux.
Un combat asymétrique entre les laboratoires et les génériqueurs
Entre risque sanitaire et risque social dues à des délocalisations, les médicaments génériques pâtissent d’une mauvaise réputation qui en freine leur vente en France. Les conséquences sur le financement du système de santé Français est un sujet soigneusement évité ou tout du moins minimisé, et la bataille des industriels du générique contre les laboratoires pharmaceutiques demeure inégale.
Un rapport de l’IGAS indique que les techniques de lobbying utilisées par les laboratoires pharmaceutiques à l’encontre des génériques ont pour principales cibles les médecins depuis leur formation jusqu’à leur information par les visiteurs médicaux afin de les inciter à inscrire la mention « non substituable » sur les ordonnances pour éviter que le générique soit vendu en lieu et place du médicament princeps. Des leaders d’opinion relayent également ces messages auprès de leurs pairs.
Les industriels du générique quant à eux ciblent les pharmaciens d’officine et si la loi leur octroie la possibilité de verser des marges/arrière, l’absence d’obligation de délivrance d’un générique rend l’incitation à vendre des génériques assez peu efficace. On peut également penser qu’un patient aura tendance à se ranger à l’avis du médecin contre celui du pharmacien. Sur le dossier du paracétamol, les représentants des pharmaciens restent d’ailleurs neutres.
Le Gemme qui ne réunit pas l’ensemble des génériqueurs (certains génériqueurs étant des filiales de grands laboratoires) mène un combat inégal puisque de nombreux acteurs institutionnels ont des intérêts communs avec les laboratoires qui défendent leur actif par tous les moyens.
Emmanuel François