Les enjeux économiques derrière les accusations de l’huile de palme

 

A la fin de ‘année 2017, la communauté des amoureux du Nutella s’était émue du changement de recette de leur friandise préférée. Certains y avaient vu une conséquence des polémiques nées autour de l’usage de l’huile de palme il y a quelques années. En fait, le changement de recette correspondait à un réajustement au regard de la montée du cours du cacao. Cette anecdote fait remonter à la surface les conflits informationnels de ces dernières années autour de l’usage de l’huile de palme dans l’industrie agroalimentaire : certains ont été retentissants et différemment gérés par les firmes impliquées. On retiendra la mauvaise gestion de Nestlé par sa mise en cause par Greenpeace et, à l’inverse, la bonne prise en compte de la même problématique par Ferrero (Nutella).

 

 

La bataille informationnelle

Sans chercher à confirmer ni infirmer les différentes théories et arguments avancés, il apparaît que l’enjeu principal de la problématique autour l’huile de palme est avant tout environnemental. Cet arbre possède le plus haut rendement en termes de production oléagineuse (22 kg d’huile pour 100kg de fruits). C’est la raison qui a poussé l’Indonésie et la Malaisie a en faire une priorité agricole nationale : ces 2 pays regroupent 87 % des plantations de palmiers dans le monde. Or, il est reproché aux exploitants de cet oléagineux de gagner des terres arables sur la forêt tropicale afin d’y faire pousser ces arbres. Ainsi, cette déforestation induite a pour conséquence de contribuer au réchauffement climatique selon les ONG. Alors que cette problématique environnementale a rencontré un écho certain dans l’opinion publique, cela n’a pas eu la portée attendue en France.

Les opposants à l’huile de palme ont donc modulé leur discours pour le rendre plus accessible. En effet, si la cause planétaire peut être un concept lointain pour le grand public, l’enjeu sanitaire l’est beaucoup moins. La communication s’est donc axée sur l’impact supposé de l’huile de palme dans les maladies cardio-vasculaires à cause de sa richesse en acide gras saturés. Il s’agit d’une thématique sensible qui appelle souvent l’implication des pouvoirs publics. Ce fut le cas par exemple de Ségolène Royal. En 2015 elle fut à l’origine d’une polémique via les réseaux sociaux en condamnant via Twitter l’usage de l’huile de palme dans le Nutella sous les motifs que nous venons de voir.

Au final, le principe de précaution prévalant, une taxe sur l’huile de palme a été imaginée à l’instar d’une taxe sur le soda. Toutefois, celle-ci n’a pas été votée.

 

Les enjeux économiques sous-jacents

Cet argumentaire sanitaire semblait donc sur le point de déboucher sur un arsenal législatif répressif, au final rien n’a été voté. L’échec de cette campagne médiatique peut s’expliquer par l’analyse des protagonistes avec qui la France est en relation.

Tout d’abord il y a l’Italie. Elle est concernée au travers de la firme Ferrero qui en est un champion industriel. L’Italie avait fortement réagi à l’attaque de Mme Royal, preuve de la sensibilité du dossier. En outre, Ferrero produit la majeure partie de sa pâte à tartiner en France, son principal consommateur, en Haute Normandie. Le moyen de pression sur l’emploi dans cette région est un paramètre qui pèse dans les choix des représentants nationaux. Enfin, le contexte tendu à l’époque autour de l’acquisition disputée des chantiers navals STX a été un point de crispation supplémentaire entre les Etats français et italien. On comprend bien les enjeux d’une taxe qui aurait pénalisé son entreprise phare.

Ensuite, nous trouvons la Malaisie. Elle est un des principaux producteurs mondiaux d’huile de palme. Elle entretient avec la France un partenariat fort, notamment dans l’industrie de défense. En effet, en 2016 le président François Hollande en visite officielle, avait entamé la négociation pour l’acquisition de 1,85 milliards de contrat d’avion Rafale et de canon CAESAR de l’industriel français NEXTER. De plus, il existe un groupe parlementaire, «groupe interparlementaire d'amitié n° 108 » qui a produit un rapport favorable au sujet de la production d’huile de palme. Il est soupçonné d’avoir relayé le lobbying malaisien pour l’abandon des velléités législatives coercitives françaises.

Devant ces postures de combat cognitif opposées, le projet de loi visant à taxer les produits utilisant de l’huile de palme n’a pas abouti. Toutefois le projet n’est pas abandonné. Nul doute qu’une nouvelle manche se jouera.

 

Thierry Aguilar