Afrique du Sud atteinte par la dénonciation de la corruption dans des secteurs stratégiques
Depuis la fin des années 90, le Black Empowerment Economics est un ensemble de mesures économiques inclusives pour le développement d’infrastructure en Afrique du Sud. C’est dans ce contexte qu’en 2007, Jacob Zuma, candidat du African National Congress (parti historique de Nelson Mandela), a été élu président de l’Afrique du Sud. Mais ce programme est aujourd’hui remis en cause par une campagne de protestation contre les actes de corruption. En 2016, l’ancienne médiatrice de la république sud-africaine, Thuli Madonsela, a publié le rapport State of Capture suivi par le State Capacity Research dont le ton est donné par cet intitulé : « Betrayal of the promise : How South Africa is being stolen ». Ces rapports dénoncent l’influence des milieux privés sur les décisions de l’Etat. La direction de certaines entreprises étatiques sont soupçonnées de conflits d’intérêts.
La Guptaleaks initiée par les lanceurs d’alerte locaux
L’acteur principal impliqué dans ce qui est devenu une affaire d’Etat est la famille Gupta. Cette famille originaire d’Inde s'est installée en 1993 en Afrique du Sud avec la société Sahara Computer. Au cours de deux décennies, elle a construit un empire économique colossal. La famille Gupta détient des entreprises telles que Oakbay Resources (c’est cette même firme qui rachète ensuite une mine à Uranium One avec Mabengela, entreprise détenue par le fils du président, en 2010) ; Imperial Crown Trading (minerais d’argent), la société Tegeta fournissant de l’uranium à Eskom (la compagnie publique de l’énergie). Les secteurs d’activité sont variés car les Guptas détiennent Trillian et JTT spécialisés dans le conseil et des organes de presse qu’ils ont revendu récemment. Les ressources naturelles et l’activité de conseil sont leurs principaux secteurs d’activité stratégique.
Ce sont des acteurs de la société civile qui ont dénoncé les relations trop proches du clan Gupta-Zuma avec le pouvoir. Ces diverses révélations ont amplifié la contestation grandissante en Afrique du Sud. Les médias collaborent avec un collectif de journalistes d’investigation sud-africain qui a eu accès à des courriels électroniques privés. Des journalistes ont publié leur enquête sous le nom de GuptaLeaks. La plate-forme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) soutient les lanceurs d’alertes sud-africains qui sont à l’origine des fuites. Les enquêtes menées ont démontré des irrégularités commises dans un certain nombre de contrats publics. Parmi les révélations, on note que les Gupta auraient remporté 363 millions d’euros de commission de Chinese South Rails lors de l’achat de locomotives par la compagnie ferroviaire publique Transnet Le géant ferroviaire chinois serait passé par une filiale de conseil nommé JTT, détenue par les Guptas afin de sécuriser l’obtention du contrat sur quatre ans. Dans une autre affaire, il apparaît aussi que le cabinet de conseil américain McKinsey se serait associé à une filiale des Guptas nommé Trillian, pour faire un audit dans l’entreprise d’énergie publique Eskom. En 2017, le PDG d’Eskom déclare ne pas avoir été au courant de l’implication de Trillian dans le contrat et demande le remboursement de 110 million de dollars de dépassements d’honoraires injustifiés.
En mars 2017, le ministre des finances Pravin Gordhan, fermement opposé aux Guptas, a été sorti du gouvernement suite à un remaniement ministériel. Ce dernier s’opposait au plus grand projet nucléaire d’Eskom qui aurait menacé de déstabiliser selon lui le budget gouvernemental. Il dénonçait l’emprise de l’Etat par les intérêts privés proche du président. Jacob Zuma a été fortement critiqué pour cette décision. Des voix au sein même de l’ANC et d’anciens ministres ont pris position contre des tentatives de corruption à leur égard.
Les liens de la famille Gupta avec le pouvoir présidentiel sud-africain
Déjà en 2013, la relation entre le président Zuma et les Gupta a été révélée au public lorsqu’un jet privé transportant 200 invités pour un mariage avait atterri à l’aéroport militaire de Waterkloof sans passer par le ministère de la défense. Cette affaire avait déjà suscité des interrogations sur la proximité des deux clans. Le fils du président, Duduzane Zuma, fait partie du conseil d’administration dans plusieurs de leurs firmes. La fille du président Duduzile Zuma est nommée directrice de Sahara Computers en 2008.
L’enquête du state capacity research ainsi que l’ancienne médiatrice de la république, mettent en relation la temporalité entre les différentes nominations de ministres qui bénéficient directement aux entreprises liées aux Guptas. La stratégie du conglomérat indien a été d’approcher le cercle présidentiel. Certaines décisions des entreprises publiques stratégiques concordaient avec leurs intérêts privés. Pour réduire la portée de la pression médiatique, les Guptas ont fait appel à la firme de communication publique Bell Potinger. Ils lui ont demandé de monter une campagne publique dénonçant le White Monopoly Power’. Par la suite, la famille Gupta a reconnu avoir utilisé une compagne médiatique artificielle pour détourner les accusations. La firme a publiquement annoncé avoir regretté cette campagne et est en difficulté économique depuis début septembre 2017.
Une crise relayée par les ONG anglosaxonnes
Les force s’opposants aux Guptas n’ont pas eu de véritable stratégie organisée et encore moins coordonnée. Mais cette affaire a eu des répercussions économiques réelles. Lors d’une audition publique, le Président Zuma a balayé toutes les accusations et nié toute relation privilégiée avec la famille indienne. Néanmoins de nombreuses entreprises étrangères ont mis un terme à leurs relations avec la famille indienne en Afrique du Sud. Récemment, la firme KPMG a renouvelé l’équipe directionnelle de son antenne sud-africaine car KPMG a limogé plusieurs cadres de l’équipe de direction de sa filiale sud-africaine, après avoir découvert que le travail réalisé par le cabinet d’audit pour le compte d’entreprises appartenant à la famille Gupta était « largement en deçà » de ses standards. La cour de justice de Pretoria a donné au groupe anti-corruption Organisation Undoing Tax Abuse (OUTA) l’autorisation provisoire de geler le fond de 1,75 milliards de Rand destinés à réhabiliter les mines Optimum et Koornfountain détenues par la famille Gupta. La Banque de Réserve sud-africaine a d’autre part auditionné la Bank of Baroda (lié à Oakbay) à propos de ses liens avec les Guptas. SAP, le géant du logiciel allemand a lancé une enquête interne pour vérifier si les contrats publics ne contenaient pas d’irrégularités. De plus, la justice sud-africaine a mandaté une commission disciplinaire à l’encontre de Transet et d’Eskom afin de clarifier leurs positions. Le trafic d’influence a été dénoncé par l’organisation Corruption Watch avec le soutien de Transparency International qui encourage les contestations sociales ayant pour but final la démission du président Zuma.
L’empire industriel bâti par les Guptas traverse une crise sans précédent. Le rapport de force pourrait tourner en leur défaveur dans la mesure où l’Afrique du Sud souhaite un rayonnement à international à travers les BRICS. Cette dernière pâtit d’une mauvaise réputation internationale qui se traduit par une diminution des investissements et des taux d’intérêt élevés des prêts, ce qui limitent la marge de manœuvre de l’Etat. Le pays est rentré en récession et des milliers d’emplois liés aux secteurs stratégiques sont menacés.
Victor Lerin
La Guptaleaks initiée par les lanceurs d’alerte locaux
L’acteur principal impliqué dans ce qui est devenu une affaire d’Etat est la famille Gupta. Cette famille originaire d’Inde s'est installée en 1993 en Afrique du Sud avec la société Sahara Computer. Au cours de deux décennies, elle a construit un empire économique colossal. La famille Gupta détient des entreprises telles que Oakbay Resources (c’est cette même firme qui rachète ensuite une mine à Uranium One avec Mabengela, entreprise détenue par le fils du président, en 2010) ; Imperial Crown Trading (minerais d’argent), la société Tegeta fournissant de l’uranium à Eskom (la compagnie publique de l’énergie). Les secteurs d’activité sont variés car les Guptas détiennent Trillian et JTT spécialisés dans le conseil et des organes de presse qu’ils ont revendu récemment. Les ressources naturelles et l’activité de conseil sont leurs principaux secteurs d’activité stratégique.
Ce sont des acteurs de la société civile qui ont dénoncé les relations trop proches du clan Gupta-Zuma avec le pouvoir. Ces diverses révélations ont amplifié la contestation grandissante en Afrique du Sud. Les médias collaborent avec un collectif de journalistes d’investigation sud-africain qui a eu accès à des courriels électroniques privés. Des journalistes ont publié leur enquête sous le nom de GuptaLeaks. La plate-forme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) soutient les lanceurs d’alertes sud-africains qui sont à l’origine des fuites. Les enquêtes menées ont démontré des irrégularités commises dans un certain nombre de contrats publics. Parmi les révélations, on note que les Gupta auraient remporté 363 millions d’euros de commission de Chinese South Rails lors de l’achat de locomotives par la compagnie ferroviaire publique Transnet Le géant ferroviaire chinois serait passé par une filiale de conseil nommé JTT, détenue par les Guptas afin de sécuriser l’obtention du contrat sur quatre ans. Dans une autre affaire, il apparaît aussi que le cabinet de conseil américain McKinsey se serait associé à une filiale des Guptas nommé Trillian, pour faire un audit dans l’entreprise d’énergie publique Eskom. En 2017, le PDG d’Eskom déclare ne pas avoir été au courant de l’implication de Trillian dans le contrat et demande le remboursement de 110 million de dollars de dépassements d’honoraires injustifiés.
En mars 2017, le ministre des finances Pravin Gordhan, fermement opposé aux Guptas, a été sorti du gouvernement suite à un remaniement ministériel. Ce dernier s’opposait au plus grand projet nucléaire d’Eskom qui aurait menacé de déstabiliser selon lui le budget gouvernemental. Il dénonçait l’emprise de l’Etat par les intérêts privés proche du président. Jacob Zuma a été fortement critiqué pour cette décision. Des voix au sein même de l’ANC et d’anciens ministres ont pris position contre des tentatives de corruption à leur égard.
Les liens de la famille Gupta avec le pouvoir présidentiel sud-africain
Déjà en 2013, la relation entre le président Zuma et les Gupta a été révélée au public lorsqu’un jet privé transportant 200 invités pour un mariage avait atterri à l’aéroport militaire de Waterkloof sans passer par le ministère de la défense. Cette affaire avait déjà suscité des interrogations sur la proximité des deux clans. Le fils du président, Duduzane Zuma, fait partie du conseil d’administration dans plusieurs de leurs firmes. La fille du président Duduzile Zuma est nommée directrice de Sahara Computers en 2008.
L’enquête du state capacity research ainsi que l’ancienne médiatrice de la république, mettent en relation la temporalité entre les différentes nominations de ministres qui bénéficient directement aux entreprises liées aux Guptas. La stratégie du conglomérat indien a été d’approcher le cercle présidentiel. Certaines décisions des entreprises publiques stratégiques concordaient avec leurs intérêts privés. Pour réduire la portée de la pression médiatique, les Guptas ont fait appel à la firme de communication publique Bell Potinger. Ils lui ont demandé de monter une campagne publique dénonçant le White Monopoly Power’. Par la suite, la famille Gupta a reconnu avoir utilisé une compagne médiatique artificielle pour détourner les accusations. La firme a publiquement annoncé avoir regretté cette campagne et est en difficulté économique depuis début septembre 2017.
Une crise relayée par les ONG anglosaxonnes
Les force s’opposants aux Guptas n’ont pas eu de véritable stratégie organisée et encore moins coordonnée. Mais cette affaire a eu des répercussions économiques réelles. Lors d’une audition publique, le Président Zuma a balayé toutes les accusations et nié toute relation privilégiée avec la famille indienne. Néanmoins de nombreuses entreprises étrangères ont mis un terme à leurs relations avec la famille indienne en Afrique du Sud. Récemment, la firme KPMG a renouvelé l’équipe directionnelle de son antenne sud-africaine car KPMG a limogé plusieurs cadres de l’équipe de direction de sa filiale sud-africaine, après avoir découvert que le travail réalisé par le cabinet d’audit pour le compte d’entreprises appartenant à la famille Gupta était « largement en deçà » de ses standards. La cour de justice de Pretoria a donné au groupe anti-corruption Organisation Undoing Tax Abuse (OUTA) l’autorisation provisoire de geler le fond de 1,75 milliards de Rand destinés à réhabiliter les mines Optimum et Koornfountain détenues par la famille Gupta. La Banque de Réserve sud-africaine a d’autre part auditionné la Bank of Baroda (lié à Oakbay) à propos de ses liens avec les Guptas. SAP, le géant du logiciel allemand a lancé une enquête interne pour vérifier si les contrats publics ne contenaient pas d’irrégularités. De plus, la justice sud-africaine a mandaté une commission disciplinaire à l’encontre de Transet et d’Eskom afin de clarifier leurs positions. Le trafic d’influence a été dénoncé par l’organisation Corruption Watch avec le soutien de Transparency International qui encourage les contestations sociales ayant pour but final la démission du président Zuma.
L’empire industriel bâti par les Guptas traverse une crise sans précédent. Le rapport de force pourrait tourner en leur défaveur dans la mesure où l’Afrique du Sud souhaite un rayonnement à international à travers les BRICS. Cette dernière pâtit d’une mauvaise réputation internationale qui se traduit par une diminution des investissements et des taux d’intérêt élevés des prêts, ce qui limitent la marge de manœuvre de l’Etat. Le pays est rentré en récession et des milliers d’emplois liés aux secteurs stratégiques sont menacés.
Victor Lerin