Guerre de l’information sur les boissons alcoolisées aux Comores

En janvier 2014, le directeur comorien du Budget (Il représentait le Vice-président en charge des finances, de l’économie, du budget, de l’investissement, du commerce extérieur et des privatisations),a eu eut une réunion avec la Commission des Finances de l’Assemblée de l’Union des Comores pour discuter sur la question de la licence de vente de boissons alcoolisées en Union des Comores. Ensemble, ils se sont mis d’accord sur la levée du monopole de la licence d’importation des boissons alcoolisées délivrée jusqu’ici exclusivement à la société NICOM et d’y inclure une autre société dénommée AGK.

Un marché corrompu ?
La vente de boisons alcoolisées est un marché très juteux aux Comores. Parmi les conditions citées dans l’octroi de la licence, accordée pour un an renouvelable, on peut noter : ne pas avoir été condamné à certaines peines notamment pour crime de droit commun ou proxénétisme, ou pour vol, escroquerie, abus de confiance. Pour la vente, il faut, entre autres, respecter les dispositions réglementaires sur la sécurité des établissements recevant du public et relatives à l’hygiène publique ; et être en retrait par rapport aux hôpitaux, dispensaires et tous établissements publics, aux stades, terrains de sports publics, édifices religieux, etc. Ladite licence est nominative et ne peut être exploitée que par son titulaire ou par la personne qu’il désigne comme gérant. Il fut justement reproché à NICOM de violer certaines de ces règles et de surtout vendre des boissons dont les dates de péremption sont dépassées. D’où la décision de lui retirer ce monopole, malgré les soutiens importants dont a bénéficié son dirigeant. Le Pdg de la société NICOM, monsieur Shémir Kamoula, est un riche et puissant homme d’affaires ayant des connections solides avec de puissantes autorités comoriennes, y compris des députés, voire, dit-on, des magistrats. Celui-ci, contrairement à tous les Indiens d’origine comorienne, a épousé une comorienne, elle aussi d’une riche famille (la famille Salimamoud), histoire de bien asseoir son influence dans la société comorienne.
Les responsables de la société AGK craignaient de voir Shémir Kamoula activer ses connections et corrompre d’autres hautes personnalités en vue de récupérer le monopole de ladite licence. AGK lança donc une campagne contre NICOM, en vue, aux dires d’un journaliste comorien, de « faire la peau de Shémir Kamoula et tous ses collaborateurs ». Une véritable guerre de l’information oppose les deux sociétés industrielles et commerciales de la place, et qui met aux prises deux puissantes familles comoriennes d’origine indienne : la famille Kalfane (AGK) et la famille Kamoula (NICOM).

Blogs et sites Internet au service d’AGK
Dans un premier temps, AGK se servit de son blog agk-comores, crée le 29 octobre 2012. Une des premières accusations que ce blog porta contre NICOM reprochait à Shemir Kamoula, son PDG, d’avoir construit, et en quelques mois, une belle résidence pour le Directeur de cabinet du Président de la république chargé de la défense ; on insinue que cela s’est fait moyennant l’intervention du Directeur de cabinet du président pour le maintien du monopole de la licence en faveur de NICOM. Le Directeur de cabinet du Président ne l’a en tout cas, jamais officiellement démenti. D’autres sites et blogs furent mis à contribution (mlimadji.skyrock.com, ridja.centerblog.net, lemohelien.com). On y accuse Shémir Kamoula de mauvaise gestion de la société dont il est le PDG, d’incompétence, de manque de discernement ; ces blogs reprennent aussi l’argument de la corruption des hommes du pouvoir prétendument utilisée par Shémir Kamoula pour l’acquisition des marchés et la prospérité de NICOM. Ces deux premiers blogs, on le sentait, avaient clairement un parti pris pour AGK et contre NICOM. Ce dernier site, lemohelien.com, dirigé par un intellectuel, docteur en science politique, essayait d’être neutre sans occulter les méfaits de Shémir Kamoula comme l’indique le titre d’un article posté le 16 août 2014 intitulé, on pouvait lire « Monsieur Shemir Kamoula et le «trou» de 800 millions de francs de NICOM ».

Conflits d’intérêts et malversations financières
La plupart des malversations attribuées à Shémir Kamoula à la tête de cette société se sont révélées véridiques, quoiqu’inconnues du public. Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Les gens ne veulent pas être associés aux scandales d’un homme d’affaires qui heurte la sensibilité des autres par sa nature jugée incontrôlable et imprévisible. La Commission nationale de Prévention et de Lutte contre la Corruption (CNPLC) a été obligée d’enquêter sur ses malversations. Face à ces indiscrétions de la presse et à toutes ces accusations, la société NICOM a dû réagir pour sauver sa notoriété et prit ses responsabilités. Les actionnaires de NICOM ont chassé Shemir Kamoula de la direction de la société à cause des accusations portées contre lui concernant sa mauvaise gestion, les faits d’escroquerie, et de corruption passive et active. Il a été remplacé à la tête de NICOM par Ali Mzé de Foumbouni. Après avoir tenté de rester en poste, Shémir Kamoula s’est réfugié un temps à Madagascar où il a de la famille, non sans au préalable avoir déclaré à son entourage : « On m’a bien déshabillé ; les blogs locaux me font mal. Ces gens-là me font plus de mal que mon ennemi habituel, la Société AGK. J’avais cinq ennemis dans le business ; j’en ai au moins vingt-cinq maintenant. » Le changement de direction de NICOM conforte en tout cas AGK sur le marché des boissons alcoolisées aux Comores.

Mohamed Salimou