Mis en place en 1945 pour faciliter les échanges commerciaux, le Franc CFA est aujourd’hui au cœur d’une ultime polémique accompagnant très probablement plusieurs mutations sur son modèle et mode de fonctionnement. Le président Macron, en septembre dernier, déclarait, en parlant de la zone Franc avoir décidé d’initier une réflexion commune avec les pays africains de la zone, une réflexion commune et constructive et d’ouvrir une nouvelle voix avec beaucoup de pragmatisme. Cette déclaration officialise la participation de la France au débat qui secoue la région de façon inédite depuis la dernière dévaluation en 1994, de par les enjeux et les forces qui se défient.
La provocation pour donner une résonance au débat
La sortie médiatisée de l’activiste franco-béninois Kémi Séba, qui a brûlé un billet de 5000 francs CFA lors d’un rassemblement le 19 Août dernier à Dakar a enflammé les réseaux sociaux et la presse dans plusieurs pays de la zone CFA. Arrêté, poursuivi pour destruction de billet de banque (sous plainte de la Bceao), puis libéré et expulsé en France, il incarne (ou veut incarner) les divergences qui opposent pouvoirs politiques et la rue sur l’avenir du franc CFA. La polémique, enfouie depuis un certain temps, est relancée et ne cesse d’alimenter les prises de positions plus ou moins nuancées de la société civile, opérateurs économiques, chefs d’entreprises, économistes, spécialistes, journalistes etc… C’est une guerre de communication où on ne dénombre plus le nombre d’écrits ou déclaration opposant les pro-CFA et les anti CFA. Un clivage net (à quelques exceptions près) entre une volonté de la société civile d’approfondir le débat, trouver un terrain d’entente et une position ferme des pouvoirs en place pour le statut quo. Chaque groupe avec les leviers et les moyens de pression lui étant propres comme il a été constaté pour le cas Kémi Séba.
Les contradictions géoéconomiques qui affaiblissent la position de la France
La zone franc CFA englobe aujourd’hui 15 pays. Huit pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et les Comores. Le système Franc CFA s’articule autour de quatre grands principes avec des conséquences sur les politiques économiques des pays de la zone et les relations commerciales : La centralisation des réserves de change au Trésor public français, la fixité de la parité franc CFA/euro, et la libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone. Ces dispositions font suite aux liens économiques et commerciaux qui liaient les pays de la zone et la France.
Plus de 70 ans plus tard, la globalisation des échanges fait paraître de nouvelles puissances et de nouveaux acteurs qui concurrencent les pays de la zone Euro et plus directement la France. Les BRICs deviennent des acteurs importants au niveau des investissements et des échanges. Ainsi, durant ces quinze dernières années, la Chine, qui mène une forte offensive sur le continent par le biais d’entreprises privées et publiques, devient un partenaire de poids pour les pays de la zone CFA. Sa stratégie basée sur une approche multidimensionnelle s’appuie sur des financements de projet (principalement au niveau des infrastructures) et d’usines, des offensives diplomatiques, et militaires (envoi de casques bleus au Mali par exemple). Elle se distingue des autres concurrents par des taux de prêt avantageux et de moyens de financement plus novateurs. Ses investissements vont au-delà des traditionnelles matières premières et minerais car la zone CFA représente également un marché de consommateurs de ses produits. Sont aussi plus présents (principalement dans les matières premières) les états Unis.
Dans un souci d’intégration panafricaine, plusieurs pays africains montrent leur volonté de développer des relations commerciales et investir dans le continent. Tout d’abord, les pays du Maghreb à la recherche de nouveaux marchés hors de la zone euro, démarchent les autres pays africains à qui ils proposent des alternatives en matière de transfert de technologie et de financement d’investissement. Ainsi, Le Maroc affiche une ambition sans précédent dans la conquête de débouchés pour ses entreprises locales privées et publiques en Afrique sub-saharienne et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest. Les secteurs de prédilection sont les nouvelles technologies, ingénierie du bâtiment, l’agroalimentaire, l’hôtellerie, l’agriculture et le secteur bancaire. A l’instar du Maroc, la Tunisie, beaucoup moins présente par le passé, investi dorénavant dans les secteurs routiers (construction d’autoroute), énergie (solaire) et agroalimentaire.
Les limites du Franc CFA
Ces nouvelles puissances et acteurs africains sont limités dans leur approche par les principes de fonctionnement de la monnaie. Premièrement, Il leur est difficile de créer des synergies dans leurs investissements. Ensuite, la parité avec l’Euro, rend peu compétitive les biens produits ou qui peuvent être produits dans la zone. Enfin, ces pays liés par leur monnaie, ont des croissances différences et des fondamentaux économiques divers même si on remarque une forte dépendance aux matière premières et relativement et comparativement peu d’échanges entre eux, le commerce intra-zone étant de l’ordre de 15%. Le Franc CFA se retrouve donc à la fois comme un avantage concurrentiel pour les pays de la zone euro, mais également comme un frein pour eux aux niveaux des synergies avec des investissement dans d’autres pays ouest-africain ou magrébins qui n’ont pas la même monnaie mais des potentiels économiques parfois plus prometteurs.
Le concept de la création d’une monnaie africaine et sa composition en panier de devises, dépassant les frontières régionales et historiques, devient donc, en parallèle des polémiques locales entre pro CFA et anti CFA, l’évidence économique qui s’offre aux puissances et acteurs qui se concurrencent sur ces marchés. Les polémiques locales qui se multiplient sont autant de moyens de pression pour accélérer les processus, acculer les dirigeants jugés trop partisans, et mobiliser l’opinion publique.
Crée en 1975, et ayant pour objectif de créer une union économique et monétaire ouest-africaine, la CEDEAO regroupe aujourd’hui 15 pays représentant 300 millions d’habitants utilisant des monnaies différentes non convertibles entre elles. Au huit utilisant le Franc CFA, (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo), s’ajoutent sept autres utilisant leur propre monnaie : l’escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cédi pour le Ghana, le franc guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Liberia, le naira pour le Nigeria et le leone pour la Sierra Leone. Ces pays offrent un spectre plus large (géographiquement) et plus pertinent (économiquement) en termes de marché. Le volume d’échange est dynamique et particulièrement dans les services, l’énergie (électricité) et les matières premières (pétrole). La demande d’adhésion et acceptation du Maroc dans la CEDEAO et le fait que Rabbat se prononce comme étant favorable pour l’adoption d’une monnaie africaine renforce cette vision d’union économique élargie et plus fonctionnelle, mais indique également que c’est sur cette base que sera construite la monnaie unique.
Une Commission, composée du Ghana, Côte d’Ivoire, Niger, Togo et Nigéria, chargée de coordonner la « marche » vers la création de la monnaie unique a été créé pour piloter les travaux. Ayant initialement prévu comme date butoir 2020, la Commission repousse les échéances et les déclarations contradictoires rythment la tenue des réunions, signes des profondes divergences entre membres et leurs soutiens parmi les puissances qui se concurrencent à l’intérieur des marchés concernés. Les discussions restent à huit-clos avec peu de communication externe pour permettre aux stratégies de prendre place. Les offensives diplomatiques et les leviers commerciaux paraissent être les moyens stratégiques pour influencer la composition du panier de devises qui composera la monnaie unique et le poids de chacune d’entre elles.
La provocation pour donner une résonance au débat
La sortie médiatisée de l’activiste franco-béninois Kémi Séba, qui a brûlé un billet de 5000 francs CFA lors d’un rassemblement le 19 Août dernier à Dakar a enflammé les réseaux sociaux et la presse dans plusieurs pays de la zone CFA. Arrêté, poursuivi pour destruction de billet de banque (sous plainte de la Bceao), puis libéré et expulsé en France, il incarne (ou veut incarner) les divergences qui opposent pouvoirs politiques et la rue sur l’avenir du franc CFA. La polémique, enfouie depuis un certain temps, est relancée et ne cesse d’alimenter les prises de positions plus ou moins nuancées de la société civile, opérateurs économiques, chefs d’entreprises, économistes, spécialistes, journalistes etc… C’est une guerre de communication où on ne dénombre plus le nombre d’écrits ou déclaration opposant les pro-CFA et les anti CFA. Un clivage net (à quelques exceptions près) entre une volonté de la société civile d’approfondir le débat, trouver un terrain d’entente et une position ferme des pouvoirs en place pour le statut quo. Chaque groupe avec les leviers et les moyens de pression lui étant propres comme il a été constaté pour le cas Kémi Séba.
Les contradictions géoéconomiques qui affaiblissent la position de la France
La zone franc CFA englobe aujourd’hui 15 pays. Huit pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et les Comores. Le système Franc CFA s’articule autour de quatre grands principes avec des conséquences sur les politiques économiques des pays de la zone et les relations commerciales : La centralisation des réserves de change au Trésor public français, la fixité de la parité franc CFA/euro, et la libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone. Ces dispositions font suite aux liens économiques et commerciaux qui liaient les pays de la zone et la France.
Plus de 70 ans plus tard, la globalisation des échanges fait paraître de nouvelles puissances et de nouveaux acteurs qui concurrencent les pays de la zone Euro et plus directement la France. Les BRICs deviennent des acteurs importants au niveau des investissements et des échanges. Ainsi, durant ces quinze dernières années, la Chine, qui mène une forte offensive sur le continent par le biais d’entreprises privées et publiques, devient un partenaire de poids pour les pays de la zone CFA. Sa stratégie basée sur une approche multidimensionnelle s’appuie sur des financements de projet (principalement au niveau des infrastructures) et d’usines, des offensives diplomatiques, et militaires (envoi de casques bleus au Mali par exemple). Elle se distingue des autres concurrents par des taux de prêt avantageux et de moyens de financement plus novateurs. Ses investissements vont au-delà des traditionnelles matières premières et minerais car la zone CFA représente également un marché de consommateurs de ses produits. Sont aussi plus présents (principalement dans les matières premières) les états Unis.
Dans un souci d’intégration panafricaine, plusieurs pays africains montrent leur volonté de développer des relations commerciales et investir dans le continent. Tout d’abord, les pays du Maghreb à la recherche de nouveaux marchés hors de la zone euro, démarchent les autres pays africains à qui ils proposent des alternatives en matière de transfert de technologie et de financement d’investissement. Ainsi, Le Maroc affiche une ambition sans précédent dans la conquête de débouchés pour ses entreprises locales privées et publiques en Afrique sub-saharienne et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest. Les secteurs de prédilection sont les nouvelles technologies, ingénierie du bâtiment, l’agroalimentaire, l’hôtellerie, l’agriculture et le secteur bancaire. A l’instar du Maroc, la Tunisie, beaucoup moins présente par le passé, investi dorénavant dans les secteurs routiers (construction d’autoroute), énergie (solaire) et agroalimentaire.
Les limites du Franc CFA
Ces nouvelles puissances et acteurs africains sont limités dans leur approche par les principes de fonctionnement de la monnaie. Premièrement, Il leur est difficile de créer des synergies dans leurs investissements. Ensuite, la parité avec l’Euro, rend peu compétitive les biens produits ou qui peuvent être produits dans la zone. Enfin, ces pays liés par leur monnaie, ont des croissances différences et des fondamentaux économiques divers même si on remarque une forte dépendance aux matière premières et relativement et comparativement peu d’échanges entre eux, le commerce intra-zone étant de l’ordre de 15%. Le Franc CFA se retrouve donc à la fois comme un avantage concurrentiel pour les pays de la zone euro, mais également comme un frein pour eux aux niveaux des synergies avec des investissement dans d’autres pays ouest-africain ou magrébins qui n’ont pas la même monnaie mais des potentiels économiques parfois plus prometteurs.
Le concept de la création d’une monnaie africaine et sa composition en panier de devises, dépassant les frontières régionales et historiques, devient donc, en parallèle des polémiques locales entre pro CFA et anti CFA, l’évidence économique qui s’offre aux puissances et acteurs qui se concurrencent sur ces marchés. Les polémiques locales qui se multiplient sont autant de moyens de pression pour accélérer les processus, acculer les dirigeants jugés trop partisans, et mobiliser l’opinion publique.
Crée en 1975, et ayant pour objectif de créer une union économique et monétaire ouest-africaine, la CEDEAO regroupe aujourd’hui 15 pays représentant 300 millions d’habitants utilisant des monnaies différentes non convertibles entre elles. Au huit utilisant le Franc CFA, (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo), s’ajoutent sept autres utilisant leur propre monnaie : l’escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cédi pour le Ghana, le franc guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Liberia, le naira pour le Nigeria et le leone pour la Sierra Leone. Ces pays offrent un spectre plus large (géographiquement) et plus pertinent (économiquement) en termes de marché. Le volume d’échange est dynamique et particulièrement dans les services, l’énergie (électricité) et les matières premières (pétrole). La demande d’adhésion et acceptation du Maroc dans la CEDEAO et le fait que Rabbat se prononce comme étant favorable pour l’adoption d’une monnaie africaine renforce cette vision d’union économique élargie et plus fonctionnelle, mais indique également que c’est sur cette base que sera construite la monnaie unique.
Une Commission, composée du Ghana, Côte d’Ivoire, Niger, Togo et Nigéria, chargée de coordonner la « marche » vers la création de la monnaie unique a été créé pour piloter les travaux. Ayant initialement prévu comme date butoir 2020, la Commission repousse les échéances et les déclarations contradictoires rythment la tenue des réunions, signes des profondes divergences entre membres et leurs soutiens parmi les puissances qui se concurrencent à l’intérieur des marchés concernés. Les discussions restent à huit-clos avec peu de communication externe pour permettre aux stratégies de prendre place. Les offensives diplomatiques et les leviers commerciaux paraissent être les moyens stratégiques pour influencer la composition du panier de devises qui composera la monnaie unique et le poids de chacune d’entre elles.