Le contexte
Les chantiers de Saint Nazaire sont un fleuron stratégique de l’industrie française. Couramment appelés STX, ces chantiers étaient détenus en grande partie par une entreprise sud-coréenne STX Offshore & Shipbuilding. Cette société a été démantelée par l’autorité judiciaire coréenne en 2016. STX est officiellement mis en vente en octobre de la même année. Un appel d’offre, devant se clore en janvier 2017, est ainsi ouvert pour déterminer qui reprendra les parts du capital de STX France.
En janvier 2017, le tribunal de commerce du district central de Séoul désigne le groupe italien Fincantieri (car seul candidat à avoir déposé une offre en bonne et due forme à la date prévue) pour reprendre la tête du chantier naval. Dès lors, la France sent que son industrie, son savoir et ses emplois lui échappent. Ainsi, l’État français engage un bras de fer avec l’Italie afin de reprendre du contrôle sur STX.
Les acteurs impliqués
Les deux acteurs principaux de cette affaire sont la France et l’Italie. Cependant, un troisième acteur, caché, est présent également : la Chine. Fincantieri et l’entreprise chinoise China State Shipbuilding se sont associés en Juillet 2016 pour créer une co-entreprise.
Les enjeux français
Le site de Saint-Nazaire, qui construit des paquebots, mais aussi des navires militaires, emploie 2.600 salariés et fait travailler environ 5.000 personnes, via des sous-traitants. L’employabilité du site ainsi que le savoir et les brevets en font un fleuron stratégique pour la France. Aussi bien pour sa souveraineté, son image et son économie, la France se devait de défendre ses intérêts dans la reprise de STX.
Les enjeux italiens et chinois
L’Italie souhaitait depuis de nombreuses années mettre un pied dans l’industrie française. Avec le démantèlement de STX Offshore & Shipbuilding, l’Italie avait une opportunité unique pour atteindre son objectif. De plus, l’acquisition de STX permettrait aux italiens de constituer un champion européen en chantiers maritimes. Ce champion serait puissant sur le plan économique et aurait de fortes connexions politiques. En effet, l’État italien est l’actionnaire de contrôle de Fincantieri.
Un second argument avancé par Fincantieri est la faible marge réalisée lors de la construction de paquebots. En effet, selon Fincantieri « les compagnies de croisière dictent leur loi, et les constructeurs gagnent très peu d’argent », d’autant que cette fusion permettrait de « rééquilibrer le marché », selon Fincantieri. De ce fait, « un ensemble Fincantieri-STX pourrait peser davantage et obtenir de meilleurs prix, donc de meilleures marges », d’après Fincantieri. Dernier intérêt pour l’Italie : ingérer son principal concurrent permet de créer un monopole et donc de disposer de l’intégralité, ou presque, des parts du marché.
En parallèle, la Chine s’est alliée à l’Italie, en 2016 par l’entremise d’une co-entreprise. Cette alliance, même si antérieure au rachat de STX par Fincantieri, pourrait permettre aux Chinois de récupérer les technologies françaises afin de pouvoir construire de grands navires de croisières en Chine, d’autant que Pékin contrôle cette co-entreprise.
Le gouvernement de François Hollande obtient de Fincantieri qu'il ne reprenne que 48% du capital et reste minoritaire pendant sept ans, épaulé par la Fondazione CR Trieste (7%), l'État français conservant environ un tiers du capital et un droit de veto.
Cependant, en mai 2017, le nouveau président français Emmanuel Macron annonce son intention de « revoir » l'accord avec Fincantieri pour « garantir » l'emploi aux chantiers de Saint Nazaire ainsi que la sauvegarde de la propriété intellectuelle.
La France voulait une parité absolue entre Français et Italiens au sein de STX France : 50% des parts pour chacun. L’Italie n’acceptait pas de descendre au-dessous de 51 % et a rejeté les propositions françaises qui n’allaient pas dans ce sens. Tout l’enjeu de ce rapport de force résidait dans le nombre de parts que posséderaient Français et Italiens.
La confrontation
La France mène une politique offensive
Le gouvernement de François Hollande avait pris conscience de l’importance stratégique des chantiers de Saint Nazaire et a ouvert les négociations avec les Italiens. Puis, Emmanuel Macron constata que l’accord envisagé par le gouvernement précédent n’était pas assez avantageux pour la France. Il y avait des risques pour la sauvegarde du savoir-faire français, la sauvegarde de la propriété intellectuelle et pour la sauvegarde des emplois. Dès lors, le gouvernement français a imposé son rythme aux italiens. Pour faire pression suite aux refus répétitifs de la partie talienne, l’État français la menaça de nationaliser STX afin d’imposer sa volonté de faire un partage égal du capital. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron nationalisa « temporairement » les chantiers navals, annulant l'accord conclu par le gouvernement de François Hollande. En plus d’exercer une pression, cette nationalisation avait pour objectif de bien faire comprendre aux italiens qu’un accord différent d’une répartition à 50-50 du capital ne serait pas accepté. Il est à noter que lors de l’annonce de la nationalisation, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, n’a jamais employé le mot « nationalisation » et a expliqué que l’État français exerçait simplement son droit de préemption.
L’Italie défend ses intérêts
La justice coréenne ayant sélectionné Fincantieri comme seul repreneur fiable, la porte était ouverte à l’Italie. Lorsque la France veut renégocier les accords, l’Italie réagit. Suite à la nationalisation annoncée par l’État français, les Italiens ont menacé la France de quitter les négociations et de ne pas racheter le capital détenu par STX Offshore & Shipbuilding. De plus l’Italie évoqua de possibles rétorsions contre les investissements français en Italie et ne voulait pas entendre parler de nouvelles négociations ; l’accord devait être définitif. A ce titre, le ministre italien de l’industrie mit en avant la création d’un leader européen qui aurait un poids sur la scène internationale : « Je pense que cela sera un excellent test qui permettra de constater si ceux qui parlent de valeurs européennes et libérales joignent le geste à la parole ». Cet argument avait pour objectif d’accélérer les négociations pour parvenir à un accord. De son côté, la Chine resta dans l’ombre et ne participa pas directement aux débats. La Chine avait déjà marqué un point important en s’associant avec Fincantieri à la mi 2016. Le rachat de STX par Fincantieri lui permettait d’acquérir des technologies de pointe.
Un accord gagnant-gagnant ?
Le 27 Septembre 2017, le président français et le président italien se sont réunis afin de conclure.
L’accord qui résulta de cette rencontre, stipula que l’État français possèderait 34,34% du capital de Saint Nazaire ; 10% du capital seraient détenus par Naval Group (ex DCNS), une société française de chantiers navals militaires ; 2% seraient détenus par les salariés de STX et enfin 3,66% du capital seraient détenus par les sous-traitants locaux (Naval Group est le sous-traitant principal et bénéficierait de ces parts). Les 50% restants seront détenus par Fincantieri. En plus de ces 50%, Fincantieri disposera de 1% « prêté » par l’Etat français. Ce 1% « prêté » serait disponible pour une période de douze ans, ce qui assure aux Italiens d’être à la tête de la direction opérationnelle des chantiers français. La France pourra reprendre cette part si les engagements industriels et en matière d'emplois ne sont pas tenus. La gouvernance reflètera cet équilibre : le président et le directeur général seront italiens, mais le conseil du nouveau groupe sera paritaire. De plus, le conseil d’administration comportera huit membres : quatre nommés par Fincantieri, deux par l’Etat français, un par Naval Group et un par les employés. La voix de son président sera prépondérante, mais les français disposeront d’un droit de veto sur sa nomination.
Enfin, dernier coup sur l’échiquier pour l’Italie : les accords de négociations de STX ont permis un rapprochement entre Naval Group et Fincantieri. Chaque groupe échangerait 10% de son capital à l’autre. Par ailleurs, la France a imposé plusieurs clauses de rendez-vous lors desquels l’Etat français pourra récupérer ses titres, et même exiger la revente des 50 % de Fincantieri en cas de difficulté majeure. Pour éviter cela, ce dernier devra respecter les engagements qu’il a concédés pour satisfaire l’Elysée : garantie de pouvoir avoir un accès prioritaire à la construction de navires militaires français à grandes coques, maintien du site de Saint-Nazaire en cas de difficulté, etc. Par ailleurs, la France dispose d’un droit de véto sur les décisions stratégiques, ce qui est une véritable prise de pouvoir par le gouvernement français.
Une inconnue demeure : quid de l’alliance entre Fincantieri et l’entreprise chinoise China State Shipbuilding ? Cette dernière bénéficiera-t-elle du savoir-faire français ? Même si des garanties ont été données de la part des Italiens, seul l’avenir nous dira s’ils vont respecter leur parole.
Les chantiers de Saint Nazaire sont un fleuron stratégique de l’industrie française. Couramment appelés STX, ces chantiers étaient détenus en grande partie par une entreprise sud-coréenne STX Offshore & Shipbuilding. Cette société a été démantelée par l’autorité judiciaire coréenne en 2016. STX est officiellement mis en vente en octobre de la même année. Un appel d’offre, devant se clore en janvier 2017, est ainsi ouvert pour déterminer qui reprendra les parts du capital de STX France.
En janvier 2017, le tribunal de commerce du district central de Séoul désigne le groupe italien Fincantieri (car seul candidat à avoir déposé une offre en bonne et due forme à la date prévue) pour reprendre la tête du chantier naval. Dès lors, la France sent que son industrie, son savoir et ses emplois lui échappent. Ainsi, l’État français engage un bras de fer avec l’Italie afin de reprendre du contrôle sur STX.
Les acteurs impliqués
Les deux acteurs principaux de cette affaire sont la France et l’Italie. Cependant, un troisième acteur, caché, est présent également : la Chine. Fincantieri et l’entreprise chinoise China State Shipbuilding se sont associés en Juillet 2016 pour créer une co-entreprise.
Les enjeux français
Le site de Saint-Nazaire, qui construit des paquebots, mais aussi des navires militaires, emploie 2.600 salariés et fait travailler environ 5.000 personnes, via des sous-traitants. L’employabilité du site ainsi que le savoir et les brevets en font un fleuron stratégique pour la France. Aussi bien pour sa souveraineté, son image et son économie, la France se devait de défendre ses intérêts dans la reprise de STX.
Les enjeux italiens et chinois
L’Italie souhaitait depuis de nombreuses années mettre un pied dans l’industrie française. Avec le démantèlement de STX Offshore & Shipbuilding, l’Italie avait une opportunité unique pour atteindre son objectif. De plus, l’acquisition de STX permettrait aux italiens de constituer un champion européen en chantiers maritimes. Ce champion serait puissant sur le plan économique et aurait de fortes connexions politiques. En effet, l’État italien est l’actionnaire de contrôle de Fincantieri.
Un second argument avancé par Fincantieri est la faible marge réalisée lors de la construction de paquebots. En effet, selon Fincantieri « les compagnies de croisière dictent leur loi, et les constructeurs gagnent très peu d’argent », d’autant que cette fusion permettrait de « rééquilibrer le marché », selon Fincantieri. De ce fait, « un ensemble Fincantieri-STX pourrait peser davantage et obtenir de meilleurs prix, donc de meilleures marges », d’après Fincantieri. Dernier intérêt pour l’Italie : ingérer son principal concurrent permet de créer un monopole et donc de disposer de l’intégralité, ou presque, des parts du marché.
En parallèle, la Chine s’est alliée à l’Italie, en 2016 par l’entremise d’une co-entreprise. Cette alliance, même si antérieure au rachat de STX par Fincantieri, pourrait permettre aux Chinois de récupérer les technologies françaises afin de pouvoir construire de grands navires de croisières en Chine, d’autant que Pékin contrôle cette co-entreprise.
Le gouvernement de François Hollande obtient de Fincantieri qu'il ne reprenne que 48% du capital et reste minoritaire pendant sept ans, épaulé par la Fondazione CR Trieste (7%), l'État français conservant environ un tiers du capital et un droit de veto.
Cependant, en mai 2017, le nouveau président français Emmanuel Macron annonce son intention de « revoir » l'accord avec Fincantieri pour « garantir » l'emploi aux chantiers de Saint Nazaire ainsi que la sauvegarde de la propriété intellectuelle.
La France voulait une parité absolue entre Français et Italiens au sein de STX France : 50% des parts pour chacun. L’Italie n’acceptait pas de descendre au-dessous de 51 % et a rejeté les propositions françaises qui n’allaient pas dans ce sens. Tout l’enjeu de ce rapport de force résidait dans le nombre de parts que posséderaient Français et Italiens.
La confrontation
La France mène une politique offensive
Le gouvernement de François Hollande avait pris conscience de l’importance stratégique des chantiers de Saint Nazaire et a ouvert les négociations avec les Italiens. Puis, Emmanuel Macron constata que l’accord envisagé par le gouvernement précédent n’était pas assez avantageux pour la France. Il y avait des risques pour la sauvegarde du savoir-faire français, la sauvegarde de la propriété intellectuelle et pour la sauvegarde des emplois. Dès lors, le gouvernement français a imposé son rythme aux italiens. Pour faire pression suite aux refus répétitifs de la partie talienne, l’État français la menaça de nationaliser STX afin d’imposer sa volonté de faire un partage égal du capital. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron nationalisa « temporairement » les chantiers navals, annulant l'accord conclu par le gouvernement de François Hollande. En plus d’exercer une pression, cette nationalisation avait pour objectif de bien faire comprendre aux italiens qu’un accord différent d’une répartition à 50-50 du capital ne serait pas accepté. Il est à noter que lors de l’annonce de la nationalisation, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, n’a jamais employé le mot « nationalisation » et a expliqué que l’État français exerçait simplement son droit de préemption.
L’Italie défend ses intérêts
La justice coréenne ayant sélectionné Fincantieri comme seul repreneur fiable, la porte était ouverte à l’Italie. Lorsque la France veut renégocier les accords, l’Italie réagit. Suite à la nationalisation annoncée par l’État français, les Italiens ont menacé la France de quitter les négociations et de ne pas racheter le capital détenu par STX Offshore & Shipbuilding. De plus l’Italie évoqua de possibles rétorsions contre les investissements français en Italie et ne voulait pas entendre parler de nouvelles négociations ; l’accord devait être définitif. A ce titre, le ministre italien de l’industrie mit en avant la création d’un leader européen qui aurait un poids sur la scène internationale : « Je pense que cela sera un excellent test qui permettra de constater si ceux qui parlent de valeurs européennes et libérales joignent le geste à la parole ». Cet argument avait pour objectif d’accélérer les négociations pour parvenir à un accord. De son côté, la Chine resta dans l’ombre et ne participa pas directement aux débats. La Chine avait déjà marqué un point important en s’associant avec Fincantieri à la mi 2016. Le rachat de STX par Fincantieri lui permettait d’acquérir des technologies de pointe.
Un accord gagnant-gagnant ?
Le 27 Septembre 2017, le président français et le président italien se sont réunis afin de conclure.
L’accord qui résulta de cette rencontre, stipula que l’État français possèderait 34,34% du capital de Saint Nazaire ; 10% du capital seraient détenus par Naval Group (ex DCNS), une société française de chantiers navals militaires ; 2% seraient détenus par les salariés de STX et enfin 3,66% du capital seraient détenus par les sous-traitants locaux (Naval Group est le sous-traitant principal et bénéficierait de ces parts). Les 50% restants seront détenus par Fincantieri. En plus de ces 50%, Fincantieri disposera de 1% « prêté » par l’Etat français. Ce 1% « prêté » serait disponible pour une période de douze ans, ce qui assure aux Italiens d’être à la tête de la direction opérationnelle des chantiers français. La France pourra reprendre cette part si les engagements industriels et en matière d'emplois ne sont pas tenus. La gouvernance reflètera cet équilibre : le président et le directeur général seront italiens, mais le conseil du nouveau groupe sera paritaire. De plus, le conseil d’administration comportera huit membres : quatre nommés par Fincantieri, deux par l’Etat français, un par Naval Group et un par les employés. La voix de son président sera prépondérante, mais les français disposeront d’un droit de veto sur sa nomination.
Enfin, dernier coup sur l’échiquier pour l’Italie : les accords de négociations de STX ont permis un rapprochement entre Naval Group et Fincantieri. Chaque groupe échangerait 10% de son capital à l’autre. Par ailleurs, la France a imposé plusieurs clauses de rendez-vous lors desquels l’Etat français pourra récupérer ses titres, et même exiger la revente des 50 % de Fincantieri en cas de difficulté majeure. Pour éviter cela, ce dernier devra respecter les engagements qu’il a concédés pour satisfaire l’Elysée : garantie de pouvoir avoir un accès prioritaire à la construction de navires militaires français à grandes coques, maintien du site de Saint-Nazaire en cas de difficulté, etc. Par ailleurs, la France dispose d’un droit de véto sur les décisions stratégiques, ce qui est une véritable prise de pouvoir par le gouvernement français.
Une inconnue demeure : quid de l’alliance entre Fincantieri et l’entreprise chinoise China State Shipbuilding ? Cette dernière bénéficiera-t-elle du savoir-faire français ? Même si des garanties ont été données de la part des Italiens, seul l’avenir nous dira s’ils vont respecter leur parole.