Le 20 septembre, le géant de la grande distribution a lancé une campagne de communication pour la « qualité alimentaire et la biodiversité », intitulée « le marché interdit ». D’une part, Carrefour déclare vouloir rejoindre le combat des producteurs pour rendre accessible aux consommateurs des fruits et légumes issus de semences paysannes. D’autre part, le groupe veut interpeller les pouvoirs publics pour faire changer la loi qui interdit leur commercialisation, car elles ne sont pas inscrites au catalogue officiel des semences.
Ce débat sociétal, connu de quelques initiés et porté depuis des années par des acteurs tels que le Réseau Semences Paysannes ou Kokopelli, connaît alors une exposition médiatique sans précédent avec le soutien officiel apporté par le groupe français. Celui-ci y met les moyens. Il fait appel à l’agence Marcel, bien connue dans le milieu de la pub pour ses campagnes transgressives au fort impact sur les consommateurs. Ainsi, en 2014, elle a créé la campagne « les fruits et légumes moches » pour Intermarché, afin de promouvoir la lutte contre le gaspillage alimentaire.
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Concernant la campagne « le marché interdit », son caractère anxiogène (couleurs sombres dans les affiches et les clips, teneur du discours présentant Carrefour comme un résistant vis-à-vis de lois injustes) montre néanmoins une volonté d’inclure les internautes. Ceux-ci peuvent signer une pétition appelant à changer une loi (décret n° 81-605 du 18 mai 1981) qui appauvrirait la biodiversité, au détriment des consommateurs.
Hypocrisie de la démarche ou mouvement stratégique qui fera date ?
Toutefois, on peut questionner la sincérité d’une telle démarche. En effet, Carrefour est en perte de vitesse ces dernières années et a été détrôné de sa première place sur le marché français par Leclerc. Aussi, l’enseigne cherche de nouveaux relais de croissance et surfe sur les tendances du moment en termes d’alimentation : production locale, bio, voire véganisme.
Pour ce faire, et c’est justement l’intérêt de la campagne « le marché interdit », Carrefour va plus loin dans la démarche en s’appuyant sur la contestation sociétale pour en faire un argument marketing.
Pas seulement en reprenant le discours des acteurs soutenant les semences paysannes. Mais surtout en intégrant dans la définition de sa stratégie commerciale des activistes reconnus. Ainsi, 40 personnalités, comme Philippe Desbrosses, pionner de l’agriculture biologique, ont participé au « dîner interdit » à base de variétés paysannes, évènement select marquant le lancement de la campagne. Y assistait aussi Guy Kastler, membre fondateur de la Confédération paysanne et coordinateur du Réseau Semences Paysannes jusqu’en 2016. Celui-ci a même participé « à titre individuel » à l’élaboration de la campagne « le marché interdit ».
Tout ceci démontre la capacité de Carrefour à s’allier aux pourfendeurs habituels du modèle agroalimentaire français. Ce qui est paradoxal, car Carrefour, par sa capacité financière – sa centrale d’achats génère des centaines de millions d’euros d’achats de produits chaque année – participe aux dérives bien connues de l’agriculture : produits payés aux agriculteurs en dessous du prix de revient, standardisation des produits agricoles... Par exemple, les fruits et légumes sont calibrés dans leurs formes, leurs goûts, leur devenir alimentaire.
Carrefour est donc bien un élément central de la filière agroindustrielle. Celle-là même que critiquent habituellement les militants et associations intégrés pourtant dans la campagne marketing « le marché interdit » !
D’ailleurs, les internautes ne s’y sont pas trompés, taclant l’hypocrisie de la campagne de Carrefour. Néanmoins, le groupe de grande distribution a réalisé un coup qui fera date en termes de communication. Pas tant pour avoir phagocyté les activistes qui pourfendent couramment le modèle agroalimentaire français. Mais surtout pour sa capacité à reprendre les discours et les codes de la contestation sociétale pour en faire plus qu’un argument de vente : un actif stratégique dans sa quête pour la première place sur le marché de la distribution.
Ce débat sociétal, connu de quelques initiés et porté depuis des années par des acteurs tels que le Réseau Semences Paysannes ou Kokopelli, connaît alors une exposition médiatique sans précédent avec le soutien officiel apporté par le groupe français. Celui-ci y met les moyens. Il fait appel à l’agence Marcel, bien connue dans le milieu de la pub pour ses campagnes transgressives au fort impact sur les consommateurs. Ainsi, en 2014, elle a créé la campagne « les fruits et légumes moches » pour Intermarché, afin de promouvoir la lutte contre le gaspillage alimentaire.
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Concernant la campagne « le marché interdit », son caractère anxiogène (couleurs sombres dans les affiches et les clips, teneur du discours présentant Carrefour comme un résistant vis-à-vis de lois injustes) montre néanmoins une volonté d’inclure les internautes. Ceux-ci peuvent signer une pétition appelant à changer une loi (décret n° 81-605 du 18 mai 1981) qui appauvrirait la biodiversité, au détriment des consommateurs.
Hypocrisie de la démarche ou mouvement stratégique qui fera date ?
Toutefois, on peut questionner la sincérité d’une telle démarche. En effet, Carrefour est en perte de vitesse ces dernières années et a été détrôné de sa première place sur le marché français par Leclerc. Aussi, l’enseigne cherche de nouveaux relais de croissance et surfe sur les tendances du moment en termes d’alimentation : production locale, bio, voire véganisme.
Pour ce faire, et c’est justement l’intérêt de la campagne « le marché interdit », Carrefour va plus loin dans la démarche en s’appuyant sur la contestation sociétale pour en faire un argument marketing.
Pas seulement en reprenant le discours des acteurs soutenant les semences paysannes. Mais surtout en intégrant dans la définition de sa stratégie commerciale des activistes reconnus. Ainsi, 40 personnalités, comme Philippe Desbrosses, pionner de l’agriculture biologique, ont participé au « dîner interdit » à base de variétés paysannes, évènement select marquant le lancement de la campagne. Y assistait aussi Guy Kastler, membre fondateur de la Confédération paysanne et coordinateur du Réseau Semences Paysannes jusqu’en 2016. Celui-ci a même participé « à titre individuel » à l’élaboration de la campagne « le marché interdit ».
Tout ceci démontre la capacité de Carrefour à s’allier aux pourfendeurs habituels du modèle agroalimentaire français. Ce qui est paradoxal, car Carrefour, par sa capacité financière – sa centrale d’achats génère des centaines de millions d’euros d’achats de produits chaque année – participe aux dérives bien connues de l’agriculture : produits payés aux agriculteurs en dessous du prix de revient, standardisation des produits agricoles... Par exemple, les fruits et légumes sont calibrés dans leurs formes, leurs goûts, leur devenir alimentaire.
Carrefour est donc bien un élément central de la filière agroindustrielle. Celle-là même que critiquent habituellement les militants et associations intégrés pourtant dans la campagne marketing « le marché interdit » !
D’ailleurs, les internautes ne s’y sont pas trompés, taclant l’hypocrisie de la campagne de Carrefour. Néanmoins, le groupe de grande distribution a réalisé un coup qui fera date en termes de communication. Pas tant pour avoir phagocyté les activistes qui pourfendent couramment le modèle agroalimentaire français. Mais surtout pour sa capacité à reprendre les discours et les codes de la contestation sociétale pour en faire plus qu’un argument de vente : un actif stratégique dans sa quête pour la première place sur le marché de la distribution.