Enjeux et controverses autour des produits laitiers

Vanté pour ses apports nutritionnels ou décrié comme un poison, le lait animal est sujet à débat et l’industrie laitière de plus en plus controversée en France.
Les polémiques se nourrissent d’arguments scientifiques tenus par des experts plus ou moins indépendants. D’un côté, le lait est célébré pour ses apports nutritionnels, reconnu comme la principale source de calcium, de vitamines A et B, d’oméga-3, d’oligoéléments ou encore de protéines. Dans le même temps, des voix s’élèvent pour démontrer les intolérances et allergies : indigestion du lactose et des protéines de lait, troubles dermatologiques, migraines, congestions nasales (Note 1) …
Derrière ces controverses s’opposent des enjeux économiques considérables. L’industrie laitière en France en 2015 représente 200 000 emplois et 76 000 exploitations, pour un budget de 25,5 milliards d’euros. Les campagnes promotionnelles et le soutien des pouvoirs publics ont contribué à faire des produits laitiers un élément primordial de l’alimentation moderne au cours des quarante dernières années. A grand renfort de marketing et de distribution dans les cantines scolaires, ils se déclinent comme « nos amis pour la vie » ou « des sensations pures ». « Consommer trois produits laitiers par jour » devient le slogan béni par le Programme National Nutrition Santé et l'Académie nationale de médecine, repris en cœur par les industriels.
Néanmoins, la fin des quotas laitiers en 2015, la baisse des subventions publiques et la chute des cours des matières premières laitières accentuent la restructuration du secteur. Les exploitations deviennent plus intensives avec la multiplication des fermes géantes et le renforcement des multinationales. Les français Lactalis et Danone occupent les deuxième et troisième places mondiales, et la filière se tourne vers la Chine et l’Afrique. 40% de la production française est exportée, avec un excédent commercial de plus de 55% en 10 ans (Note 2).
D’aucuns dénoncent un système d’entente entre les grandes firmes qui vise à augmenter leur profit au détriment des éleveurs et des consommateurs (Note 3). Par ailleurs, les impacts sociaux, sanitaires et environnementaux de la filière sont décriés et estimés à 7 milliards d’euros par an (Note 4).
Si l’industrie laitière française bénéficie de la croissance de la consommation mondiale, tirée par les pays émergents (Note 5), il ne fait aucun doute qu’elle doit s’adapter à l’évolution du marché national. La France reste 1ère consommatrice de beurre et de fromages au monde, et les ménages consacrent 14% de leurs dépenses alimentaires aux produits laitiers (Note 6). Très attachés à la préservation de la ruralité, de l’héritage gastronomique et des AOC, ils sont de plus en plus réceptifs à de nouvelles sirènes : bio, laits végétaux, circuits courts, emballages recyclables, bien-être animal… Un vrai challenge pour l’industrie laitière.

Notes

Note 1 : Lait, mensonges et propagande, Thierry Souccar, avril 2008
Note 2 : Eurostat (2003/2013)
Note 3 : Les cartels du lait. Comment ils remodèlent l'agriculture et précipitent la crise, Elsa Casalegno et Karl Laske, éditions Don Quichotte
Note 4 : Evaluation des impacts sociétaux de la filière lait française, Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic), juillet 2014
Note 5 : CNIEL / FAO
Note 6 : http://www.maison-du-lait.com/fr/chiffres-cles